Il y a exactement 26 ans, des troubles à l'ordre public ont éclaté à Alger avant que l'étincelle ne se propage à plusieurs villes du pays. Certains mouvements, dont la majorité issu du milieu islamiste et qui auparavant activaient dans l'anonymat, ont profité de cette anarchie pour monter au créneau, réclamant des réformes politiques dans le pays. Tout a commencé un certain mercredi 5 octobre 1988, lorsque des jeunes, la plupart des chômeurs, ont organisé une manifestation dans la rue. Des écoliers venant de plusieurs quartiers de la capitale ont rejoint les manifestants dans les rues d'Alger. Les slogans des manifestants étaient exclusivement sociaux, les forces de police qui suivaient les événements de près ont reçu l'ordre de ne pas intervenir. A cette époque, le pays a été soumis à une crise sociale sans précédent, il était pratiquement impossible aux citoyens de trouver le moindre produit alimentaire dans les étagères. Soudainement, la situation s'est dégradée après que des groupes d'une extrême violence se sont joint aux manifestants et se sont adonnés à des pillages, destructions des biens publics et d'autrui. Des voix se sont élevées appelant le peuple à la révolte. Il a fallu l'intervention des forces armées pour rétablir l'ordre public, évitant le pays de sombrer dans le «Chaos». Cet état de fait a profité à ceux qui voulaient déstabiliser le pays pour allumer la mèche de la contestation afin d'arriver à leurs fins. Gonflés à bloc par des meneurs qui dirigeaient la «révolte» à l'ombre, des jeunes manifestants se sont attaqués aux symboles de l'Etat, détruisant tout sur leur passage. Plusieurs édifices publics et des biens des citoyens ont été pillés et saccagés par les manifestants. Les troubles se sont poursuivis jusqu'au lendemain, jeudi 6 octobre, où en début d'après-midi, un communiqué de la Présidence a décrété l'état de siège en raison des développements graves enregistré dans la capitale. En vertu des dispositions de l'article 119 de la Constitution, toutes les autorités civiles, administratives ont été placées sous commandement militaire. Cela a obligé les manifestants aux revendications sociales de cesser leur mouvement. Dans la matinée du vendredi 7 octobre 1988, Alger a retrouvé son calme et la population a même prêté main forte aux agents de la commune pour nettoyer la ville. Subitement, après la prière du vendredi, une foule immense a organisé une manifestation à partir de la mosquée de Belcourt. A la tête de cette manifestation, le duo Abassi Madani-Ali Belhadj qui ne sont pas à présenter. Contrairement à la manifestation d'hier, elle a été des plus violentes. La foule se dirige vers le siège de la direction générale de la Sûreté nationale. Des coups de feu ont été tirés en direction des forces de l'ordre qui répliquèrent à leur tour. Selon des témoins, au moins 40 personnes ont trouvé la mort. Des manifestants armés ont également ouvert le feu à Bab El-Oued en direction des forces de l'ordre. Plusieurs victimes sont tombées ici et là :169 personnes ont été tuées dans ces émeutes, selon un bilan officiel. Certaines sources indépendantes ont multiplié par deux le nombre des victimes. Une fois l'ordre rétabli, le président Chadli Bendjedid s'est adressé à la nation le 10 octobre 1988, indiquant qu'en sa qualité de chef suprême de l'armée, il était de son devoir d'assumer sa responsabilité pour assurer la sérénité et la sécurité du pays. «J'assume mes responsabilité, c'est moi qui ai donné l'ordre aux forces armées de rétablir l'ordre» a-t-il indiqué. Dans la même allocution, Chadli Bendjedid promet des réformes politiques. Plusieurs autres mesures politiques ont été prises au mois d'octobre, entre autres, le limogeage du secrétaire général du FLN, Mohamed-Chérif Messaâdia, le chef de la police politique, Lakehal Ayat, et le ministre de l'Intérieur, El-Hadi Lekhdiri. Dans le même mois, un communiqué de la présidence annonce une révision constitutionnelle par voie référendaire. Désigné par le VIe congrès du Front de libération nationale (FLN) comme candidat unique à un troisième mandat présidentiel, Chadli Bendjedid est réélu, le 22 décembre 1988. L'Algérie entre du plain-pied dans le pluralisme politique où plus de 60 partis et mouvements ont été créés. Nul ne s'attendait à ce que ces réformes politiques prises dans la précipitation allaient se transformer dans le futur en un cauchemar pour le peuple et pour le pays. En réalité, les événements du 5 octobre étaient en quelque sorte «l'antichambre» d'un «printemps algérien» à l'origine de la décennie noire. Au moment où le peuple s'attendait à plus de démocratie et plus d'ouverture politique, ce sont les islamistes qui ont profité pour mettre «main basse» sur le pays. Lors des élections de 1992, Abassi Madani, le président du Front islamique du salut, a annoncé la couleur de l'enfer qui attendait les Algériens. A travers les slogans du futur pouvoir que devrait connaître le pays, l'Algérie a commencé à s'afghaniser. «La mithak, la doustour, kal Allah, kal Errassoul» ont scandé dans les rues les milliers de militants de la cause islamiste. C'est au tour du président du FIS de confirmer cela et ce, en annonçant aux Algériens que ces élections seront les dernières en Algérie. L'état théocratique qui était sur le point de prendre le lieu et la place de l'Etat républicain a été éraflé de justesse. Dans un dernier sursaut, le peuple a réussi à se mobiliser, appelant les forces de sécurité à sauver le pays des mains des «taliban» d'Algérie. Il a fallu un lourd tribut (250 000 morts et des milliers de disparus) pour que la République et l'Algérie soient sauvées. Même si cela remonte à 26 ans, il y a lieu de prendre le mot «sauvé» avec une grande prudence. En plus des facteurs à l'origine de la décennie noire qui restent intacts et de l'actuelle situation dramatique que traversent aujourd'hui la région et le monde arabe, le pays pourrait basculer vers les années de braise à n'importe quel moment.