Le peuple algérien est d'origine afro-amazighe multiethnique, de culture arabo-berbèro-maghrébine islamique traditionnellement tolérante et de mitoyenneté moyen orientale et méditerranéenne ouverte sur l'universel. Actuellement, les données anthropo-culturelles et génétiques permettent, dans une grande mesure, d'établir le constat objectif de l'identité plurale et symbiotique de l'algérianité mosaïquée. Pour Camps, cette civilisation capsienne a tout l'air d'être l'ancêtre des Berbères, de leur art et culture, observant : «Il y a un tel air de parenté entre certains de ces décors capsiens ou néolithiques et ceux dont les Berbères usent encore dans leurs tatouages, tissages et peintures sur poterie ou sur les murs, qu'il est difficile de rejeter toute continuité dans ce goût inné pour le décor géométrique, d'autant plus que les jalons ne manquent nullement des temps protohistoriques jusqu'à l'époque moderne. Sur le plan anthropologique, les hommes capsiens présentent (...) peu de différence avec les habitants actuels de l'Afrique du Nord, Berbères et prétendus Arabes qui sont presque toujours des Berbères arabisés (...) Quoi qu'il en soit nous tenons, avec les Proto-méditerranéens capsiens, les premiers Maghrébins que l'on peut, sans imprudence, placer en tête de la lignée berbère. Cela se situe, il y a quelque 9 000 ans !» (5) Considérations d'ordre anthropologique et génétique Selon l'universitaire L. Balout, chargé de mission à la direction des antiquités de l'Algérie, les «Capsiens constituèrent probablement une seconde vague d'envahisseurs, mais ils ne sont certes pas autochtones (...) On a donné le nom d'«Escargotières» à ces stations préhistoriques qui sont si nombreuses aux confins algéro-tunisiens, de Tébessa à Gafsa. On les nomme «Rammadyat» en arabe, (...) Les porteurs de la civilisation capsienne nous sont mal connus, mais il semble de plus en plus net qu'ils n'appartiennent pas au type de Mechta-Afalou et représentent une humanité plus évoluée, plus raffinée, plus hybride aussi. Qu'il s'agisse de gisements anciens ou évolués du Capsien, de l'homme d'Aïn-Meterchem (Tunisie) comme de ceux des Rammadyat tébessiennes (Khanguet-el-Mouhaad, Bekkaria, etc.), nous avons affaire à une tout autre humanité (...) La «cendrière» de Mechta-el-Arbi a livré les débris de plus de 3o squelettes ; certains représentent le «type de Mechta» dans ce qu'il a de plus spécialisé, d'autres sont des Méditerranéens ; beaucoup portent les cicatrices du même rite d'avulsion dentaire (...) On croit saisir là le contact entre les deux civilisations et leur interférence. (...) les microlithes géométriques contaminent l'Ibéromaurusien et après eux les apports néolithiques ; peu à peu les hommes de Mechta sont submergés par les nouveaux venus. On observera bien ça et là des survivances de ceux-là dans les grottes du Constantinois, dans la banlieue d'Alger et d'Oran. Aux temps néolithique, on relèvera des caractères archaïques chez certains individus inhumés dans les dolmens (...) On croira déceler des traces jusque dans le peuplement actuel, mais l'essentiel est maintenant constitué par les descendants des Méditerranéens Capsiens, on voudrait pouvoir dire avec plus de certitude les Proto-Berbères ». Et l'universitaire d'ajouter «(...) Mais un autre contact est également éclatant, et qui n'est pas sans surprendre: celui des hommes du Maghreb avec une humanité négroïde, saharienne sans doute. Les caractères négroïdes sont si marqués sur certains squelettes des escargotières et à Mechta-el-Arbi même que ce n'est pas un fait isolé dans le temps ni dans l'espace». Et de conclure : «En bref, le peuplement de l'Algérie est complexe dès avant la fin des temps préhistoriques. Hommes du type de Mechta, Méditerranéens, influences négroïdes, tels sont les premiers composants d'un bloc de plus en plus disparate où mille influences se succéderont au cours des siècles sans faire beaucoup plus que diluer ses caractères fondamentaux. S'il y a bien un problème des Berbères, je pense qu'il est surtout dans le passage du document anthropologique qu'utilise le préhistorien au document linguistique, mais que les hommes sont ancêtres et neveux». (6) Selon la synthèse établie de l'historien français spécialiste de l'Afrique Bernard Lugan considérant l'origine des Berbères, en s'appuyant sur divers travaux anthropologiques, les résultantes des recherches sur sites archéologiques, les éléments d'ordre culturel se rapportant aux gravures et inscriptions rupestres antiques et autres données contemporaines de la linguistique et notamment l'apport récent des études génétiques, l'origine des Berbères remonterait à quelques 20 000 ans, lorsque une population située dans les actuelles Erythrée et Ethiopie (Afrique de l'Est ou Afrique orientale) s'est scindée en 3 groupes, l'un d'eux engendrant la lignée amazighe. Il aurait remonté le Nil puis s'est dirigé vers la zone nord-africaine qu'il pénétra par l'Est, plus précisément Capsa (l'actuelle Gafsa, Tunisie), où ils laissèrent des traces d'où le nom de Capsiens. Ces derniers, en arrivant au Maghreb antique, auraient rencontré l'Homme de la contrée Mechta el Arbi (le Cromagnoide décrit par Gabriel Camps) à la civilisation duquel ils succédèrent la leur, celle desdit «proto-berbères», ancêtres des actuels Berbères : globalement, Bernard Lugan affirme que les Capsiens seraient issus d'une triple fragmentation au sein d'un groupe africanoide d'Ethiopie et actuelle Erythrée, engendrant trois peuplades, en l'occurrence : les proto- Egyptiens (Halogroupe E-V68), les proto-Berbères ( Halogroupe E- M81), et un groupe qui aurait traversé la mer Rouge et migré vers la Péninsule arabique (explication d'une présence à un degré amoindrie de l'halogroupe E-M125 dans cette contrée) (7) Bernard Lugan rejoint en quelque sorte l'hypothèse de Gabriel Camps qui attirait également l'attention sur le fait qu'il subsiste jusqu'à aujourd'hui deux sous-types de la race méditerranéenne : le premier constituerait «le sous-type atlanto- méditerranéen bien représenté en Europe depuis l'Italie du Nord jusqu'en Galice, le second est appelé Ibéro-insulaire qui domine en Espagne du Sud, dans les iles et l'Italie péninsulaire». (8) Parlant de ces sous-types , les premiers méditerranéens robustes et les seconds méditerranéens graciles, l'anthropologue avait précisé que ce sous-type était très largement répandu dans la zone tellienne, en particulier dans les massifs littoraux, du Nord de la Tunisie, en Kabylie, Algérie, au Rif dans le Nord du Maroc, alors que le type robuste s'était mieux conservé chez les Touareg du Sahara, les groupes nomades arabisés de l'Ouest ( Regueibat ), les Marocains du Centre et surtout du Sud (Aït Atta, Chleuh), mais les deux variétés s'étant relativement imbriqué, coexistant jusqu'à nos jours dans les mêmes contrées. Gabriel Camps observant, par ailleurs, qu'en Kabylie, et d'après une étude de M. C. Chamla, le type méditerranéen se rencontre dans 70% de la population, mais subdivisé en trois sous-types distincts physiquement : «l'ibéro- insulaire caractérisé par une stature petite à moyenne, à face très étroite et longue, l'atlanto- méditerranéen également bien représenté, plus robuste et de stature plus élevée, mésencéphale, un sous- type «saharien», moins fréquent (15%) de stature élevée, dolichocéphale à face longue», et s'ajoutant en quantités infimes à cette typologie «quelques individus conservant des caractères Mechtoïdes, quelques métis issus d'un élément négroïde plus ou moins ancien et des sujets à pigmentation claire de la peau, des yeux et des cheveux» (9) Les données modernes... A ces données sont venues s'ajouter aujourd'hui celles modernes des points de vue génétiques. Le langage spécialisé de ces études nous apprend ainsi que la majorité des Berbères ont pour Haplogroupe du chromosome Y l'haplogroupe E1b1b1b et pour Haplogroupe maternel l'haplogroupe U6. Concernant l'Haplogroupe E1b1b1b qui se retrouve en Afrique du Nord, il semble attesté qu'il s'agit-là d'un haplogroupe descendant de l'haplogroupe E1b1b1 originaire d'Afrique de l'Est. Il aurait subi une mutation durant ses phases de migrations et d'évolution avant d'aboutir à ses caractéristiques E1b1b1b1 en Afrique du Nord. Cette migration paraît correspondre à celle des Capsiens survenant approximativement dans le même cycle périodique au Maghreb, alors que l'haplogroupe U6 est localisé essentiellement au Maghreb, aux Iles Canaries et dans une moindre mesure en Ibérie. Cependant, sa variante U6c ne s'est retrouvée que dans une partie du Maghreb (Algérie, Maroc) et aux Iles Canaries, la date de son apparition oscillant entre 6 000-17 000 ans avant notre ère. Ce qui coïncide vraisemblablement avec le début de la civilisation Ibéromaurisienne datée de 10 000 ans avant J.-C, étant établi que cette dernière avait fort longtemps survécu avec son type anthropologique Mechtoïde au Maroc et aux Iles Canaries. Ce qui amène à déduire que les Berbères seraient probablement issus de brassages entre populations Ibéromaurisiennes autochtones et les Capsiens provenant de l'Afrique de l'Est et précurseurs des actuelles culture et langue berbères. D'aucuns, cependant, remettent en cause ces considérations, contestant par exemple, que l'Halogroupe J1 soit Capsien, attestant du fait que l'haplogroupe E n'est pas descendant de l'haplogroupe J1, le premier étant apparu bien auparavant! D'autres avis s'appuient sur l'hypothèse d'une apparition plus que probable en zone Nord africaine du Néolithique, de l'haplogroupe E1b1b1, pour considérer par conséquent que cette survenue non originelle proviendrait ou d'Egypte ou du Moyen-Orient où ce type d'haplogroupe s'y trouve également, les ancêtres d' une partie des populations de ces contrées présentant de surcroit des caractéristiques nettement plus originellement d'Afrique de l'Est, vraisemblablement. Quant à E1b1b1b1, il serait typiquement originaire du Maghreb, l'hypothèse avancée d'une homogénéité génétique avec le type des Est africains paraissant assez difficile à expliquer, contrairement à ce qu'affirme de façon catégorique Bernard Lugan. D'autres approches considèrent, elles, que l'haplogroupe ADN- Y E1b1b1, (anciennement E3b) propre aux Capsiens, n'est nullement de provenance Est africain, mais d'une provenance Est tunisien pas tout à fait encore définie, et sont surtout J1 et M-125. Considérés comme ancêtres de la langue et culture berbère, ils auraient forgé le peuplement berbère avec les Ibéromaurisiens à l'haplogroupe U6 typique de l'Afrique du Nord... Partant, la population autochtone originelle du Maghreb serait celle Ibéromaurisienne, soutiennent des avis estimant que rien ne prouve que l'haplogroupe ADN- Y E1b1b1, (anciennement E3b) soit propre aux proto- Berbères... Les premiers hommes à avoir foulé le sol du Maghreb il y a plusieurs dizaines de milliers d'années étaient physiquement et culturellement bien différents des Berbères. Un Carleton Coon, avance-t-on, considérait les premiers hommes à avoir peuplé l'Afrique du Nord avant les Ibéromaurisiens même, étaient des Bushmen, Capnoïdes, assez nombreux de nos jours en Afrique du Sud et dont on retrouve encore quelques traits chez les Maghrébins d'aujourd'hui, particulièrement au Maroc (peau mate, yeux bridés). Les objecteurs ont fait observer qu'il n'y a point de traces laissées par le type Bushmen dans le Maghreb préhistorique qui compte certes un autre type ayant précédé l'Ibéromaurisien comme l'Atérien, mais le genre aux yeux bridés se retrouve plutôt prépondérant en Asie d'où sont venues plusieurs vagues de migrations, comme tant d'autres au cours de l'évolution. Et il semble avéré que les toutes premières peuplades de l'Afrique du Nord - où se sont succédé, juxtaposées ou superposées différents types de populations il y a des milliers d'années, - avaient des caractéristiques surtout négroïdes. Comme pourrait relativement tenir lieu d'élément de référence la période néolithique typique des «têtes rondes» (8 000 à 5 000 ans avant J.-C.) montrant des individus d'aspects négroïdes auxquels se seraient annexées, par la suite, des peuplades blanches venues de l'Est à partie du Ve millénaire. Les ossements recueillis d'hommes de la période la plus reculée appartiennent au type négroïde, la rencontre avec le type à peau blanche (proto-méditerranéen pour certains) n'intervenant que bien plus tard, entraînant conséquemment les débuts des complexes brassages multiethniques. (A suivre) Mohamed Ghriss (Extrait - synthèse d'un ouvrage en instance d'édition à l'Anep) (5) Cf. Gabriel Camps, Ibid. (6) Cf. L. BALOUT Maître de Conférences à l'Université, chargé de mission à la Direction des Antiquités de l'Algérie, Musée du Bardo, Alger) (7) Cf. Théorie de Bernard Lugan consultable sur le Net, via Google et autre... ) (8) (Cf. G. Camps, Ibid.) (9) Cf. Gabriel Camps, Anthropologies du Maghreb, Cahiers du C.R.E.S.M, Editions CNRS, Paris 1981.)