L'injustice est aujourd'hui réparée grâce à la détermination de Salah Laghrour, auteur du livre intitulé, «Abbès Laghrour, du militantisme au combat», wilaya 1 (Aurès-Nemamchas) paru à Chihab éditions. Le parcours du chef des Aurès, adjoint de Mostefa Benboulaïd, est savamment rapporté dans ce livre qui retrace minutieusement son militantisme dans les années 40, son efficace participation au 1er novembre 1954, où il a mené d'une main de maître les actions armées dans la ville de Khenchela, et enfin son départ pour la Tunisie et les conditions dans lesquelles il a trouvé la mort avec ses compagnons des Aurès-Nemamchas, tous injustement condamnés à mort puis exécutés. A la lecture de ce passionnant ouvrage, on se rend compte de cette ingratitude envers ces révolutionnaires des Aurès, enterrés une seconde fois par l'oubli alors qu'ils ont activement participé au déclenchement de la Révolution et semé la terreur au sein de la soldatesque française grâce à leur courage et à leur foi dans la juste cause. Salah Laghrour rapporte avec force détail ce parcours et égrène méticuleusement la vie de Abbès, engagé corps et âme dans le combat libérateur du pays. L'auteur accorde dans son récit une importance particulière aux origines du chahid, ses premiers pas dans le militantisme, sa fidélité à toute épreuve, son sens de l'organisation, notamment dans la préparation du 1er novembre, les batailles qu'il a menées dans la région des Nemamchas et sa fin tragique. C'est dans l'optique de rendre à César ce qui appartient à César qu'est né ce livre qui, un tant soit peu, éclaire l'opinion publique et remet dans l'ordre dans l'Histoire, souvent occultée, sinon travestie portant un grave préjudice à ceux-là mêmes qui ont défié la France coloniale, cette puissance qu'ils ont vaincue malgré le peu de moyens qu'ils possédaient à l'époque. Abbès Laghrour en faisait partie, il était dans tous les coups et faisait trembler l'ennemi. Mais ce qui attire l'attention dans cette œuvre, c'est inexorablement le sens de l'organisation de Abbès qui a eu l'insigne honneur de diriger les actions armées dans la ville de Khenchela, la nuit du 1er novembre 1954. «Toutes les actions ont été couronnées de succès», dira Salah Laghrour en étayant ces allégations par des témoignages, forts intéressants, de quelques novembristes encore en vie ayant pris part à l'insurrection armée à Khenchela. Des témoignages forts poignants qui illustrent la bravoure de cette poignée hommes, tous des paysans, mais résolus à arracher l'indépendance en sacrifiant leur jeunesse, leurs familles et leurs enfants et leurs biens. L'auteur revient également sur l'affaire des «mouchaouichine » (perturbateurs) ayant entraîné l'assassinat des plus valeureux combattants des Aurès-Nemamchas en Tunisie. Il expliquera les raisons ayant amené les Aurésiens à rejeter les résolutions du Congrès de la Soummam et à rejoindre le camp de Benbella et Mahsas. C'est d'ailleurs la raison principale, comme expliquera Salah Laghrour, qui a abouti à cette «purge» ordonnée par le CCE et qui a vu les meilleurs combattants de la wilaya 1, dont Abbès Laghrour, Tidjani Athmani, Lazhar Chériet, Azine, Lamouri, Nouaoura, Mostefa Lakehal, pour ne citer que ceux-là, passer par les armes. «Abbès Laghrour, du militantisme au combat», est absolument à lire car il rapporte des faits jusque-là inconnus du grand public, remet de l'ordre dans l'Histoire de notre révolution et réhabilite les «mouchaouichine», un sobriquet injustement collé aux valeureux combattants qui ont osé dire non à des résolutions qu'ils ont considérées injustes et qui, d'ailleurs, se sont retournées contre leurs auteurs.