Suffit-il, pour un média, d'entendre dire que l'avion présidentiel médicalisé a été vu atterrir à l'aéroport du Bourget, à Paris, pour annoncer que le président Bouteflika «aurait» été transféré à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce pour des soins ? Plusieurs médias ne s'en sont pas privés, depuis mardi. Il faut reconnaître que les médias qui voulaient informer sur ce fait n'ont pas eu tellement le choix : la présidence de la République n'avait pas communiqué sur le séjour, il y a à peu près un mois, du président Bouteflika, à Grenoble, où il a subi des contrôles dans une clinique privée. L'information a circulé sous forme de rumeur puis a été confirmée, incidemment, bien après, par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à Paris, lors d'un point de presse, le 4 décembre dernier, à l'occasion de la réunion du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français. Alors, dans certaines rédactions, on a dû se dire «pourquoi ne pas donner crédit, cette fois encore, à la rumeur ?». La formule de «source sûre» a le pouvoir magique de transformer la rumeur en information même sans la précaution de la vérification ou du recoupement, jusqu'au conditionnel de prudence qui est évacué pour laisser place à l'affirmation sur un ton péremptoire. Evidemment, comme il ne s'agit pas, au départ, d'une simple information en bonne et due forme, mais d'une grosse rumeur, sur un sujet récurrent d'ailleurs, la santé du Président, la vérification et le recoupement devaient se faire avec d'autres rumeurs et la principale d'entre-elles est celle qui a fait état d'activités prévues hier, mercredi, pour le chef de l'Etat qui devait recevoir deux ambassadeurs, selon une source, «diplomatique» cette fois. En 2014, dans un régime de pluralisme et de liberté de la presse, où les journalistes ont toute latitude, au prix de quelques moyens accessibles à nombre de médias, de procéder à une rapide investigation et lever, ainsi, le doute, il est curieux que la rumeur continue de régner sans partage.