Les Etats-Unis veulent renforcer leur collaboration sécuritaire avec le Pakistan pour l'aider dans son combat contre l'ensemble des groupes jihadistes opérant sur son sol, a déclaré hier le secrétaire d'Etat américain John Kerry de passage au «pays des purs». Après des années de pressions des Etats-Unis, l'armée pakistanaise a lancé un juin, une vaste offensive au Waziristan du Nord, zone tribale frontalière de l'Afghanistan devenue depuis une décennie l'épicentre de la mouvance jihadiste régionale. «Il faut donner crédit aux forces pakistanaises pour leurs opérations en cours au Waziristan du Nord et ailleurs. Ces opérations ont déjà produit des résultats. Mais ne vous détrompez pas. Il s'agit d'un travail difficile et ce travail n'est pas terminé», a déclaré M. Kerry. «Nous avons tous la responsabilité que ces extrémistes ne puissent plus mettre les pieds dans ce pays ou ailleurs», a-t-il ajouté. En représailles à cette offensive, les talibans pakistanais du TTP ont attaqué le 16 décembre une école de Peshawar (nord-ouest) fréquentée principalement par des enfants de militaires, tuant 150 personnes, dont 134 écoliers. Or cette attaque, la plus meurtrière de l'histoire du Pakistan, de même que celles de Paris contre le journal satirique Charlie Hebdo et un supermarché cacher la semaine dernière, «rappellent à quel point il est dangereux de laisser des extrémistes créer un espace pour eux et opérer de cet espace», a dit M. Kerry qui doit se rendre plus tard mardi à Peshawar et vendredi dans la capitale française. Le Pakistan et les Etats-Unis entretiennent des relations houleuses, des responsables à Washington ayant par le passé accusé Islamabad de «double jeu» dans la «guerre contre le terrorisme», en appuyant des «bons» talibans, comme le réseau Haqqani, qui combattent en Afghanistan tout en sévissant contre des «mauvais» talibans en lutte contre les autorités à Islamabad. Exécutions en série M. Kerry a souligné, hier, l'importance de cibler tous les groupes islamistes armés, y compris le réseau Haqqani, une puissante branche des talibans afghans, qui a fait des zones tribales pakistanaises sa base arrière, ou encore Laskhar-e-Taïba, impliqué dans des attentats en Inde, afin de pacifier la région. Le chef de la diplomatie pakistanaise Sartaj Aziz a soutenu mardi que «l'infrastructure du réseau Haqqani avait été complètement détruite au Waziristan du Nord» depuis l'opération dans ce secteur et «que leur capacité à opérer d'ici pour (frapper) en Afghanistan avait pratiquement disparu». La collaboration entre le Pakistan et l'Afghanistan contre les groupes islamistes armés opérant des deux côtés de la frontière est jugée cruciale alors que les forces de combat de l'Otan ont plié bagages fin décembre, laissant l'armée afghane seule face à l'insurrection talibane. En réaction à l'attaque de Peshawar, le Pakistan a intensifié ses raids contre les talibans locaux, levé son moratoire sur la peine de mort, approuvé la création de tribunaux militaires pour juger des affaires de terrorisme. La visite, hier, de John Kerry n'a pas empêché les autorités de pendre sept condamnés à mort, portant à 16 le nombre d'exécutions depuis la levée à la mi-décembre du moratoire sur la peine capitale. Deux hommes ont été pendus pour leur rôle dans une tentative d'assassinat de l'ex-président Pervez Musharraf, au pouvoir de 1999 à 2008, trois autres pour des violences sectaires, un pour une attaque contre le consulat américain de Karachi (sud) en 2003 et un dernier pour le meurtre d'un avocat. Selon Amnesty International, 8 000 condamnés à mort croupissent actuellement dans les prisons pakistanaises. Les autorités ont indiqué prévoir l'exécution de 500 condamnés à mort par les tribunaux antiterroristes. Cette reprise des exécutions a été décriée par des organisations de défense des droits de l'Homme et même l'Union européenne, premier partenaire commercial du Pakistan, qui estime que «la peine de mort n'est pas un outil efficace pour lutter contre le terrorisme». Les parlementaires pakistanais ont par ailleurs approuvé la semaine dernière la création de nouveaux tribunaux militaires afin de juger des civils pour des actes de terrorisme, malgré l'opposition des partis islamistes et de certaines voix progressistes.