Les ressources en gaz de schiste sont très répandues dans le monde, y compris dans les pays habituellement importateurs des hydrocarbures. L'Algérie est parmi ces pays et certains organes spécialisés ont même spécifié que la palme revenait à notre pays qui se placerait apparemment au deuxième rang mondial en matière de réserves fossiles non conventionnelles. On sait aussi que leurs exploitations génèrent, certes, des profits à condition de maîtriser les nouvelles techniques de forage et d'extraction mais qui ont, aussi, pour conséquence d'importants dégâts environnementaux. Et là, de vrais débats politiques sont nécessaires et des questions s'imposent. 1- Les prix de gaz et de pétrole sont au plus bas, actuellement, est-ce vraiment nécessaire de se lancer dans l'exploitation du gaz de schiste sachant que les réserves en gaz conventionnelles sont bien loin d'être épuisées ? 2- L'Algérie, dispose-t-elle d'une technologie moderne et adéquate pour procéder à ces types de forage verticaux et horizontaux allant à des profondeurs de l'ordre de 3 000 à 4 000 m ? 3- Les managers algériens, même formés au plus haut niveau de la technologie, sont-ils libres de leurs initiatives et des engagements à prendre sans risque de se retrouver en prison puisque la dépénalisation de l'acte de gestion n'a pas été votée malgré les bonnes orientations en ce sens et la bonne foi du président de la République, Abdelaziz Bouteflika? 4- Doit-on, au nom de l'addiction aux hydrocarbures, prendre le risque de mettre en péril les ressources en eau de l'albien ? 5- A-t-on les moyens de notre politique de mener un programme environnemental ambitieux et à la hauteur des risques que nous prenons dans l'exploitation du gaz de shiste ? 6- Les enjeux et les perspectives liés à l'exploitation du gaz et pétrole de schiste sont-ils si importants par les temps qui courent ? 7- Et, enfin, eu égard à toutes ces opérations complexes liées aux forages et l'extraction, l'exploitation du gaz de schiste est-elle vraiment une opération rentable ? Là est toute la question et voici quelques éléments de réponses qui pourraient apaiser les esprits. Evaluation des hydrocarbures dans le marché mondial et opportunités pour l'Algérie La consommation annuelle mondiale en combustibles s'élève à 10 milliards de Tep et devrait atteindre 14 milliards de Tep vers 2020. Une grande partie de cette nouvelle demande est formulée par les pays en voie de développement sans omettre la Chine et l'Inde mais aussi la Corée du Sud et le Japon qui sont également de grands consommateurs. L'augmentation rapide des populations, notamment, celle du Tiers- monde, rend, ce problème plus crucial en matière de besoins énergétiques, d'où la nécessité évidente du développement du gaz et pétrole de schiste. Donc, l'opportunité de développement du gaz et pétrole de schiste est apparemment fondée. Impact du développement du gaz et pétrole de schiste sur l'environnement Il est clair que la dépendance aux énergies fossiles restera toujours de mise et pour longtemps. Une récente étude fiable, a évoqué que l'avenir énergétique d'un bon nombre de pays, dont l'Algérie, est au gaz et pétrole de schiste. Les réserves sont si énormes qu'il y a de quoi alimenter et satisfaire presque tous les pays du monde durant plusieurs décennies mais ce serait hélas au détriment de l'environnement. C'est pourquoi, ce point doit être abordé avec beaucoup de précaution. D'ailleurs, on s'est aperçu qu'une grande partie des populations mondiales sont montées au créneau pour dénoncer avec fermeté l'exploitation du gaz et pétrole de schiste et de nombreux gouvernements ont même remis en cause leurs propres décrets de moratoires sur la prospection dont la France qui, pourtant, évoquait la présence de 3 000 milliards m3 de gaz de schiste sur son sol, de quoi s'alimenter et s'auto-satisfaire durant plusieurs décennies. Avantages et inconvénients du développement du gaz et pétrole de schiste Contrairement au gaz conventionnel, les techniques de libération du gaz de schiste sont beaucoup plus complexes. Il faut fracturer l'argile compacte qu'il emprisonne à grands jets d'un cocktail consommant énormément d'eau, à une moyenne, de 15 millions de litres par puits chargés des produits chimiques polluants. Autrement dit, le gaz de schiste, au lieu d'être concentré dans une seule grande poche, le gaz naturel est disséminé dans de petites bulles contenues dans de l'argile, jusqu'ici délaissé à cause d'une exaction difficile et coûteuse. Cette ressource non conventionnelle peut se trouver dans bien des formations géologiques. Mais le grand problème réside dans la libération du gaz de schiste. Pour être plus précis, pour pouvoir extraire le gaz de schiste, il faut fracturer la roche en injectant sous très haute pression des jets d'eau chargés de produits chimiques pour élargir les fissures. Un puits vertical foré à plus de 2 000 m exige plusieurs forages à l'horizontal pouvant s'étendre sur 3 km, voire plus, et rayonnant sur toutes les directions. Et, selon l'expérience de la grande firme Total, 15 à 20 puits peuvent être installés sur une seule plateforme de forage. Or, par suite des fuites, les nappes phréatiques peuvent être facilement contaminées. L'exploitation bouleverse aussi tout le paysage car cela nous impose de forer de très nombreux puits contrairement au gaz dit conventionnel. L'aspect esthétique environnemental ne pose peut-être pas de problème si cela se passe au Sahara, loin des oasis ou des agglomérations rurales mais la pollution des nappes phréatiques et la consommation excessive posent problème. Et, y-a-t-il vraiment, urgence et à quel prix s'effectue un tel investissement ? Il est, donc, clair que son exploitation présente beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. Spécificité de l'Algérie La géologie européenne est assez différente de celle de l'Amérique du nord ou de l'Algérie. Les bassins sont beaucoup plus fragmentés en dehors de la Russie et de l'Ukraine. De plus, la densité de la population y est plus forte, les régimes fiscaux et réglementaires plus sévères et la préoccupation de protection de l'environnement plus présente. Tous ces facteurs combinés laissent penser que le développement de gaz non conventionnels en Europe ne devrait pas suivre ni l'exemple américain ni celui de l'Algérie. La production de gaz non conventionnel en Europe ne pourra que difficilement compenser le déclin des productions domestiques de gaz conventionnel. Mais l'enjeu du gaz non conventionnel est différemment ressenti en Algérie. Le paysage ou la nature ne risque pas d'être défiguré si les forages sont effectués aux points les plus reculés du désert et si la même eau destinée à la fracturation pourrait être recyclée. Restent les coûts d'investissement liés aux forages et l'extraction qui sont excessifs et l'exploitation du gaz de schiste est loin d'être rentable pour le moment. Mise en confiance des managers algériens et diversification énergétiques Avec la baisse des prix des hydrocarbures à la vente et les coûts d'investissement faramineux, il n'est pas du tout judicieux de jouer la carte des schistes, du moins, pour le moment. Et, le vent de la colère qui s'est de nouveau répandu un peu partout en Algérie pour combattre l'exploitation des gaz des schistes est fondé. Ces manifestations doivent être prises au sérieux, à défaut d'avoir écarté les meilleurs cadres, et l'Etat doit geler toute délivrance de permis d'exploitation. Dans l'attente de voir plus clair, l'Algérie devrait se consacrer à la recherche scientifique et technique pour le développement et la maîtrise des énergies propres, indispensables à l'économie du futur. Pour cela, l'Algérie doit s'assumer et admettre qu'elle est capable d'assurer son développement, autrement, que grâce aux exportations des hydrocarbures, sur la base d'un plan de travail ingénieusement élaboré, réparti à moyen et à long termes avec obligation de résultat, et qu'on cesse, surtout, de persécuter injustement les meilleurs cadres algériens sous le sceau de la soi-disant main propre liée à la lutte contre la corruption qui ne touche, malheureusement, que les hommes intègres avec preuves à l'appui. C'est pourquoi, l'acte de dépénalisation des actes de gestion doit inéluctablement être approuvé et voté par le Parlement à l'effet de libérer les managers algériens de l'épée de Damoclès située au-dessus de leur tête et par la même, relancer l'outil de production si vital à l'économie nationale. Avec l'harmonie d'une Algérie réactivée et des managers remis en confiance, nous assisterons inéluctablement à un développement plus accru dans la diversification des programmes énergétiques hors hydrocarbures. Transfert technologique Pour rappel, beaucoup de pays, dont le Canada, et surtout, les Etats-Unis, qui grâce à l'exploitation du gaz de schiste, ont réussi à réduire considérablement leur dépendance à l'égard des approvisionnements extérieurs. Cette entreprise n'est valable que pour une consommation nationale, mais pas pour un commerce extérieur. Hormis les aspects liés à la pollution, il y a d'abord, le bas prix actuel du gaz naturel pratiqué par l'Algérie qui incite à renoncer à l'exploitation excessive de cette ressource non conventionnelle. Ensuite, il y a lieu de noter que le prix de revient de l'extraction coûterait beaucoup plus cher, et enfin, il y a la technologie à mettre en œuvre et qui n'est pas tout à fait mise au point par les moyens propres de Sonatrach. Néanmoins, il n'est nullement pas question de renoncer à l'exploitation du gaz et pétrole non conventionnels dans un futur proche. Autrement dit, l'Algérie doit, d'abord s'imprégner de l'expérience des multinationales spécialisées dans le domaine d'extraction des ressources non conventionnelles et prendre sciemment connaissance des impacts sur l'environnement en tenant compte des spécificités géologiques et géographiques du pays. Toujours est-il qu'il y a lieu de créer un pôle d'excellence inhérent au pétrole et gaz de schiste et travailler en partenariat avec les spécialistes occidentaux et américains pour s'approprier les techniques les plus pointues à l'effet de les mettre en œuvre. C'est ce que l'on pourrait ainsi dire ou qualifier de véritable transfert technologique si nécessaire à notre développement. C'est vrai que la découverte du gaz et du pétrole de schiste va modifier, voire bouleverser la donne géopolitique à l'échelle mondiale. Certaines puissances économiques ont presque assuré la couverture de leur réserve énergétique pour bien longtemps. Pour d'autres, cette manne va leur permettre de sortir du sous-développement et émerger, à l'instar, du Mozambique et de la Tanzanie qui se sont déjà attelés aux travaux d'extraction du gaz de schiste. Des nouveaux rapports de forces économiques vont, donc, entrer en scène et l'Algérie n'a ni droit à l'erreur ni rester en marge du développement. Sachant pertinemment que l'industrie américaine a pu rendre les coûts de production des gaz non conventionnels compétitifs en les amenant presqu'au niveau de ceux du gaz conventionnel par l'apport des techniques d'exploitation constamment améliorées (forages horizontaux plus performants, fracturation mieux maîtrisée, services connexes appropriés), alors, pourquoi l'Algérie ne se positionnerait-elle pas comme véritable partenaire fiable et crédible, juste, pour l'apprentissage et la maîtrise du sujet afin que le fossé, liés aux nouvelles techniques d'extraction du gaz et pétrole de schiste, ne se creusent davantage ? Ainsi, la prochaine génération algérienne pourrait poursuivre la complémentarité des travaux sans encombre grâce aux préalables acquis technologiques. Et pour conclure, le développement des gaz non conventionnels est une nouvelle chance, voire une excellente opportunité, pour l'Algérie si l'on tenait compte de tous les aléas, sus-indiqués.