Le procès de l'autoroute Est-Ouest dans lequel sont impliquées 16 personnes et sept entreprises étrangères se poursuit jeudi au tribunal criminel d'Alger avec l'audition du témoignage par écrit d'Amar Ghoul, ministre des Transports, qui était ministre des Travaux publics lors des faits. Amar Ghoul qui a répondu par écrit à 17 questions posées par le juge d'instruction chargé du dossier de l'autoroute est-ouest a nié plusieurs accusations portées contre lui par les accusés Chani Medjdoub et Khelladi Mohamed qualifiant les déclarations de ce dernier d'«allégations tendancieuses fruit de l'imagination et d'un mensonge flagrant». Dans son témoignage figurait une déclaration sur l'ex-secrétaire général du ministère, Bouchama Mohamed, impliqué dans cette affaire. Ghoul a dit qu'il était son homme de confiance et a travaillé avec lui plus d'une dizaine d'années. C'est un exemple, a-t-il dit, du cadre sérieux et tous ses collègues peuvent témoigner de son intégrité et son respect de la loi. Le juge d'instruction a adressé à Ghoul une question sur le coût du kilomètre de l'autoroute Est-Ouest, tous équipements inclus, qui revient, selon les normes internationales, à 6 millions de dollars, alors que le coût du kilomètre en Algérie est estimé à 8 millions de dollars pour ce qui est d'un axe routier sans échangeurs ni équipements. Le marché du projet a été adopté après l'offre de plusieurs expertises internationales et approuvé par le Premier ministre. Il n'y a aucune transaction douteuse comme présumé par l'accusé Khelladi. Par ailleurs, Ghoul a nié avoir rencontré l'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, le ministre des AE, Ahmed Bedjaoui, ni le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, lors d'un Conseil des ministres restreint en présence d'un homme d'affaires français et un autre algérien dénommé Sacha pour discuter du marché de l'autoroute Est-Ouest. Selon une déclaration de Chani Medjdoub devant les services de la police judiciaire, une délégation du groupe CITIC devait assister à cette réunion en présence du ministre des Travaux publics pour discuter de sa part du marché. M. Ghoul a indiqué qu'il était au fait de lois régissant les réunions ministérielles lesquelles sont inviolables, précisant que toutes les réunions auxquelles il a assisté se tenaient dans un cadre officiel. Il a par ailleurs démenti la prise en charge par les groupes japonais et chinois respectivement COJAL et CITIC, de l'équipement de sa résidence à Club des Pins et la prise en charge des déplacements de la délégation qu'il présidait pour ce qui des frais du voyage et d'hébergement ainsi que l'équipement du pavillon algérien à la foire internationale des routes à Paris. Concernant la prise en charge par le groupe COJAL d'une session de formation au profit de cadres spécialisés en sismologie au Japon, M. Ghoul a rappelé que cette formation s'inscrivait dans le cadre d'un accord conclu entre l'Agence nationale des autoroutes (ANA) et le centre de formation des cadres algériens. La délégation s'est rendue au Japon conformément à la réglementation en vigueur, a-t-il dit. Concernant la prise en charge des cadres du département du nouveau programme de Dely Brahim en leur dotant de véhicules de type 4x4 et de lignes téléphoniques gratuites ainsi que l'équipement et la location des locaux de ce département, M. Ghoul a précisé que ce dernier qui était dirigé par Khelladi lui-même relève de l'ANA et que le ministère n'a rien à voir dans sa gestion. Plusieurs ex-hauts responsables dont des ministres, avaient été cités dans cette affaire qui a éclaté en 2009. Ce procès a été reporté à deux reprises au cours de la session criminelle 2014 du tribunal criminel d'Alger. Confrontation accusés-témoins et audition des parties civiles Le procès de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest dans laquelle sont impliquées 16 personnes et sept entreprises étrangères s'est poursuivi jeudi au tribunal criminel d'Alger avec la confrontation des sept témoins avec les accusés et l'audition des parties civiles en l'occurrence la direction des Douanes, le Trésor public et l'Agence nationale des autoroutes (ANA). La séance a été marquée notamment par le plaidoyer du mandataire judiciaire du Trésor public (partie civile) qui a indiqué que «le Trésor public a subi des pertes considérables de la corruption ayant entaché la réalisation de l'autoroute Est-Ouest», pointant du doigt particulièrement Mohamed Khelladi, ex-directeur du département des nouveaux programmes de l'ANA et les groupes chinois Citic-CRCC et japonais Cojaal. Il a estimé que ce projet financé par l'Etat «est le plus coûteux au monde». Il a également rappelé que le groupe COJAAL avait recouru à l'arbitrage international pour poursuivre l'ANA en justice en exigeant d'importantes sommes d'argent. Par ailleurs, les plaidoiries des quatre avocats de l'ANA étaient discordantes durant la séance. Alors que le premier avocat a qualifié l'autoroute Est-Ouest de «fierté» pour l'Algérie estimant que «les dysfonctionnements ayant marqué sa réalisation n'ont rien à voir avec la corruption», les trois autres avocats se sont constitués partie civile contre Mohamed Khelladi et les groupes chinois CITIC-CRCC et japonais COJAAL, les accusant d'avoir causé d'énormes pertes à l'ANA. Après avoir entendu les témoignages des sept témoins dont le plus marquant fut celui du directeur actuel du département des nouveaux programmes de l'ANA, Belatrache Kamel-Eddine, selon lequel l'accusé Khelladi avait indûment reçu, de la part des groupes chinois CITIC-CRCC et japonais COJAAL des véhicules 4x4, des logements (locatifs) et des téléphones portables. Suite à une confrontation avec l'accusé Khelladi, le département a remis, selon le témoin, ces effets aux deux groupes étrangers affirmant que les cadres dirigeants algériens ont le droit de bénéficier de ce type d'avantages de manière systématique de la part de l'Etat qui met à leur disposition tous les moyens estimant que le recours de Khelladi aux groupes étrangers était une «humiliation» pour les cadres algériens. M. Ziani (témoin), directeur général actuel de l'ANA a, pour sa part, nié les déclarations de l'accusé Khelladi Mohamed affirmant que le département des nouveaux programmes relève de l'ANA, toutefois son ex directeur, Khelladi Mohamed a changé le siège du département à l'insu de l'Agence. C'est alors qu'elle a commencé à détenir des véhicules 4x4, des logements haut-standing et d'autres avantages de la part des groupes chinois et japonais classés dans le cadre de «travaux supplémentaires». Le juge Tayeb Hellali a entendu les représentants des groupes CITIC et COJAAL qui ont affirmé ne pas avoir facturé la location des véhicules, des logements et de téléphones portables. Fellouci (témoin), ex-directeur général par intérim de l'Agence nationale des barrages (ANB) a été entendu et a affirmé que l'accusé Addou Sid-Ahmed lui avait demandé en 2009 de lui permettre d'accéder à l'ANB pour décrocher des projets au profit de firmes étrangères. Le procès se poursuivra vendredi avec le réquisitoire du représentant du parquet général et les plaidoiries de la défense.