Artiste à la discographie raisonnée, Cheikh Lô, au meilleur de sa forme, signe avec «Balbalou», son retour en ce début d'été. Ses univers enracinés en Afrique tirent des bordées vers d'autres mondes en s'enrichissant de ceux de ses invités (Flavia Coelho, Fixi, Ibrahim Maalouf). En 1996, Cheikh Lô était le premier artiste de Jololi, le label de son mentor Youssou N'Dour, à voir Ne La Thiass, son album (le premier de sa discographie), diffusé en dehors du Continent noir, via un accord avec World Circuit, dirigé par le Britannique Nick Gold à qui l'on doit entre autres l'incroyable épopée du Buena Vista Social Club. En 2010 paraissait Jamm, son quatrième opus toujours signé sur le label londonien. Depuis le chanteur et musicien espérait retourner en studio, mais en l'absence d'assurance du côté de la structure de production londonienne et sous l'impulsion de ses agents et tourneurs, les Espagnols de Citizen Music, il s'est décidé à s'affranchir de son passé pour imaginer un futur à sa musique. «Comme rien n'avançait, que nous n'avions aucune réponse quant à un retour en studio, j'ai fini par appeler Nick Gold directement» relate le chanteur né à Bobo Dioulasso de parents sénégalais. «Si je regarde dans le rétro, il a toujours été là, à mes côtés, je ne pouvais faire comme s'il n'existait pas et le remercie une fois encore pour tout ce qu'il a fait». C'est donc avec l'assentiment de Nick Gold, qu'il a repris sa liberté pour contractualiser ce nouvel opus avec le label français Chapter Two. Une page se tourne. Enregistré à Stockholm «Même en Afrique, on ne fait plus un album par an», explique celui qui fut batteur à ses débuts. «Il faut avoir des choses à dire tant musicalement que dans les textes et surtout trouver les bonnes personnes pour réaliser son projet». «Balbalou» sera ainsi enregistré à Stockholm (Suède) entre deux dates d'une tournée européenne. «Le label m'avait proposé de travailler avec le producteur et bassiste suédois Andreas Unge. Nous avons profité d'un break d'une semaine pour l'enregistrer, plutôt que de rentrer au Sénégal. Aujourd'hui, tu te dois, même si ta musique est bonne, et surtout même si ta musique est bonne, d'avoir une production à la hauteur, d'avoir le bon son, sinon tu passes à côté» confie celui qui regrette qu'aujourd'hui ces conditions ne soient pas réunies à Dakar. «Andréas est venu chez moi avec Romain Germa (Chapter Two) écouter les maquettes. À l'époque, Balbalou et Guemou Ma Ko n'étaient pas encore en boite, je lui ai joué à la guitare» se souvient-il. «Ma musique est ouverte, ma musique est naturellement panafricaine. Je suis né dans une ville carrefour de l'Afrique. Je vis dans un monde où les échanges vont vite, où tu peux entendre des sons du monde entier, où tu peux même jouer avec des musiciens de partout», explique-t-il. L'album reflète cet état d'esprit. On y croise aussi bien la diva malienne Oumou Sangaré que la chanteuse brésilienne Flavia Coelho, l'accordéoniste parisien Fixi ou le trompettiste Ibrahim Maalouf. «Pour Oumou, avec qui j'avais déjà collaboré sur Bamba Gueej, mon deuxième album paru en 1999, cela me semblait indispensable afin d'ouvrir mon propos (le texte chanté en wolof parle des coups d'Etat), aux bambarophones». Les autres invités ont été proposés par le label. Le chanteur aux dreadlocks porté sur le haut du crane en couronne, est ravi du résultat. «Flavia a posé de très belles mélodies. Fixi qui connaît bien les musiques africaines et tout particulièrement les rythmes sérères de ma mère, a su instiller une touche nouvelle à ma musique. J'étais en studio avec eux pour l'enregistrement de Degg Gui. Il n'y a qu'Ibrahim Maalouf que je n'ai pas rencontré. Sa trompette ouvre ma musique vers le jazz» commente celui qui se revendique mouride (une confrérie musulmane implantée en Gambie et au Sénégal). «La clé de la sagesse, c'est la tolérance» explique celui qui au fil des dix titres de cet album plaide en wolof, en dioula, en français et en anglais pour la paix, l'unité africaine et la démocratie. «Il faudra bien un jour se réconcilier plutôt que de s'engueuler et de se tirer dessus. Je préfèrerais qu'on encourage les boulangers et les pâtissiers plutôt que les fabricants d'armes. On ne peut rien imposer par la force. Moi, par exemple, qui suis né au Burkina Faso et qui vis au Sénégal. Je suis africain avant tout. Il faudra bien un jour que tous les Africains se considèrent ainsi, de la même manière que les Français, les Allemands, les Espagnols... se revendiquent Européens».