Les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont décidé, lundi 22 juin au matin, à Luxembourg, de lancer la première phase de l'opération Eunavfor Med, destinée à démanteler les réseaux de passeurs opérant à partir de la Libye. «Notre cible, ce ne seront pas les migrants, mais bien ceux qui gagnent de l'argent à leur détriment», a insisté la haute représentante Federica Mogherini. Les Européens veulent souligner le fait que cette opération militaire n'est qu'un volet d'une «Stratégie pour la migration» élaborée récemment par la Commission de Bruxelles. Elle vise aussi, dans un scénario idéal, à œuvrer sur les causes des migrations, dans les pays d'origine et les pays de transit, insiste Mme Mogherini. Et à répartir les demandeurs d'asile et les réfugiés entre les Vingt-Huit, ce qui doit faire l'objet d'une nouvelle discussion au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, jeudi et vendredi, à Bruxelles. La phase 1 de l'opération européenne vise officiellement à collecter des renseignements précis sur les passeurs, leur stratégie, leurs moyens et leur «modèle économique». «Nous savons déjà beaucoup de choses sur les réseaux, mais pas assez pour atteindre toutes nos cibles», précise un diplomate européen. Eunavfor Med sera menée en liaison avec l'Otan – qui poursuit en Méditerranée sa mission antiterroriste Active Endeavour, lancée en 2001 – et diverses agences onusiennes, l'agence européenne Frontex, etc. Une collaboration avec l'Union africaine et divers pays arabes est également évoquée, selon les modalités qui ne sont pas précisées à ce stade. Commandée depuis un quartier général européen établi à Rome, l'opération impliquera, dans un premier temps, une douzaine d'Etats membres de l'Union, «du Nord et du Sud». Une dizaine fournit des équipements pour le lancement – dans quelques jours – de l'opération. Elle comportera initialement cinq navires de guerre, trois avions de reconnaissance et de patrouille, trois hélicoptères, deux sous-marins et deux drones. Le bateau de commandement sera italien mais ne transportera pas d'avions de combat. «Du moins au début ; pour la suite, on verra», précise une source diplomatique. Deux navires ont subi des tirs récemment Le lancement de l'opération se fera «dans un environnement complexe», commente la même source, qui indique que deux navires marchands croisant au large des côtes libyennes ont subi des tirs récemment, à partir du sol et des airs. Des trafiquants ont, d'autre part, menacé des embarcations venues au secours de migrants. Les responsables d'Eunavfor Med estiment qu'elle sera totalement opérationnelle dans un mois. La suite ? Un passage éventuel à la phase 2. A savoir des interceptions en haute mer, puis dans les eaux libyennes, en cas de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU et d'un accord des autorités libyennes. Cela supposerait une nouvelle décision du Conseil. Comme pour un éventuel passage à la phase 3, visant à mettre hors service les embarcations des passeurs, en Libye. A ce stade, les responsables européens préfèrent éviter les questions sur ces évolutions possibles. Et ils nient farouchement vouloir s'impliquer dans une opération antiterroriste, même si une partie importante de la côte libyenne est sous le contrôle de l'Etat islamique. «Nous procéderons à une première évaluation dans un mois et nous étudierons ensuite la mise en œuvre éventuelle des étapes 2 et 3», déclare une source militaire, qui affirme que la réflexion sur la suite de l'opération n'est pas encore engagée.