L'Union européenne a lancé officiellement hier, lors d'une réunion de ses ministres des Affaires étrangères à Luxembourg, une mission navale de lutte contre le trafic de migrants en Méditerranée, qui sera limitée dans un premier temps à une surveillance accrue des réseaux de passeurs. «Je vous le dis clairement, les cibles ne sont pas les migrants, mais ceux qui gagnent de l'argent sur leurs vies et, trop souvent, sur leurs morts», a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. «Cette première phase de l'opération commencera à être mise en œuvre dans les jours à venir, à savoir un recueil d'informations et des patrouilles en haute mer pour aider à la détection de réseaux de passeurs», a-t-elle expliqué. Baptisée EU Navfor Med et forte d'un millier d'hommes, l'opération est dirigée par l'amiral italien Enrico Credendino, basé à Rome. Son navire de commandement sera le porte-avions italien Cavour, doté d'un hôpital. L'opération est censée in fine permettre de détruire les embarcations utilisées par les trafiquants au plus près des côtes libyennes, et notamment les «bateaux mères» qui servent à tracter en haute mer des radeaux de fortune chargés de migrants. Mais en l'absence d'une résolution du Conseil de sécurité autorisant l'usage de la force dans les eaux territoriales libyennes, elle sera pour l'instant très limitée. Une telle résolution ne peut être votée qu'avec le consentement des autorités libyennes, alors que le pays est plongé dans le chaos, avec deux gouvernements rivaux. Ceux-ci sont actuellement en pourparlers, sous l'égide de l'ONU, pour former un gouvernement d'unité nationale. Les Européens espèrent pouvoir «aller de l'avant», selon les mots de Mme Mogherini, une fois que ce gouvernement d'union aura été formé. En attendant, «nous pouvons faire quelque chose en haute mer», a-t-elle fait valoir. A ce stade, cinq navires de guerre, deux sous-marins, trois avions patrouilleurs maritimes, deux drones et trois hélicoptères participent à l'opération, dont le personnel sera formé sur les questions du droit des réfugiés, mais aussi aux procédures de sauvetage de barques chargées de migrants en perdition. «MENACES» «Dans les jours à venir, les avions et navires vont arriver dans la zone d'opération», a assuré un haut responsable européen à des journalistes. Les commandants de la mission ont pris en compte plusieurs «menaces», alors que le groupe djihadiste Etat islamique contrôle une partie de la côte libyenne et que des navires marchands longeant la côte libyenne ont à deux reprises été attaqués par des avions de combat et des tirs depuis le rivage, a-t-il ajouté. «C'est un environnement complexe, c'est la raison pour laquelle ceci est une opération militaire», a expliqué ce responsable, soulignant «l'instabilité» qui règne en Libye. L'idée d'une telle mission est née en avril, «il y a exactement deux mois, après la mort de 900 personnes» dans le naufrage d'un chalutier chargé de migrants au large de la Libye, avait rappelé Federica Mogherini en arrivant à la réunion. «Il fallait une réponse européenne», a-t-elle souligné, en assurant que ce déploiement militaire fait partie d'un ensemble de mesures de l'UE pour répondre à la crise des migrants en Méditerranée. «C'est le commencement, la mise en place d'une série de mesures qui nous permettront d'interrompre, de détruire le business des passeurs, de travailler avec les pays en amont, pour essayer d'arrêter les pressions qui poussent ces vagues de migrants vers l'Europe», a souligné le ministre britannique Philip Hammond. Les Européens ont injecté plus d'argent dans le sauvetage en mer, et renforcé leur présence à Agadez, une ville du nord du Niger par laquelle passent une grande majorité des migrants qui affluent en Libye. Ils entendent aussi soutenir d'autres pays de transit dans leurs contrôles aux frontières. En revanche, les 28 se déchirent sur l'accueil de 40.000 demandeurs d'asile, alors que Bruxelles les pousse à mieux les répartir au sein au sein de l'UE.