Cela remonte au temps où l'enseignement de la morale était rigoureuse et où les enfants obéissaient à la lettre aux éducateurs qui s'évertuaient alors à leur inculquer des principes de conduite pour le bonheur et l'équilibre de tous. Les enfants, c'est comme la pâte qu'on peut modeler à loisir pour en faire un élément utile à la société dont l'organisation est fondée sur le respect des contraintes comme le respect des convenances. Cet enfant qu'on peut considérer comme un exécutant ou une victoire, s'est exprimé naïvement et son témoignage qui fait partie d'un vécu familial est authentique. Une fois, dit-elle, il s'agit d'une fille, notre maîtresse qui nous impressionnent par sa vigueur dans le travail et la discipline, son éloquence et ses qualités pédagogiques, nous a fait comme à l'accoutumée par des anecdotes vécues. A l'époque, on considérait l'enseignement abstrait comme inefficace et que seul des exemples concrets pouvaient aider les enfants à comprendre puis à mémoriser les concepts et principes de moralité, comme la compassion, l'altruisme, la générosité, le secret de famille... Ce jour là, il s'agissait de l'aumône à donner aux plus démunis. Une pièce de monnaie, un vêtement, un fruit qu'on offre à un pauvre est un geste de chaleur humaine qu'on apporte à celui-ci. Imaginez si chacun faisait preuve de générosité vis-à-vis du même pauvre ou d'autres misérables ! Et moi qui étais très sensible aux souffrances d'autrui et qui vouais à ma maîtresse une obéissance irrésistible, j'y avais hâte de passer à l'acte en faveur d'une petite fille de mon âge, orpheline de père, mal habillée et maigrioche. En me faisait pitié d'autant plus que sa mère ne tendait jamais la main, préférant vivre misérablement dans le silence. Que pourrais-je « je lui offrirai pour l'aider à avoir une lueur d'espoir et lui redonner quelques couleurs au visage, me disais-je sans cesse. Je fouinais entre les casseroles, les marmites, les couvertures quand tout à coup je fis une découverte sensationnelle, une grosse orange qui pesait plus d'un kilogramme on voit plus de cette espèce aujourd'hui. Du temps où j'étais petite fille, mon père en achetait parmi les plus grosses, une qui donnait plusieurs parts assez importantes pour chacun de nous dans la famille. Lorsque mon père la ramenait du marché, ma mère la cachait jusqu'au repas du soir. Mais j'avais juré d'offrir celle que j'avais découverte à cette pauvre fille et sans demander la permission je la saisis fortement et je courus vers elle pour la lui offrir. Je reviens chez moi, le cœur net et fière d'avoir accompli le plus beau geste de charité de ma vie. Cependant le soir, il y eut chez moi une scène inhabituelle. Ma mère qui avait travaillé toute la journée dans les champs à ramasser les olives avait mis la main sens dessus, dessous pour retrouver la belle orange. Elle avait coutume de déguster sa part de ce fruit doux sitôt qu'elle avait fini son plat de couscous. « Quelqu'un est rentré chez nous pour nous voler », disait-elle et elle en était persuadée. Elle poursuivit ses investigations en vérifiant si ses quelques bijoux que sa grand-mère lui avait offerts n'avaient pas disparus. Et malgré la peur d'être sévèrement corrigée, je lui avoua que si c'était pour l'orange qu'elle avait fait tout le remue-ménage, je l'avais offerte sitôt que j'en avais fait la découverte. Je lui racontais ce qui s'était passé avec tous les détails en insistant sur le fait que son désir était si fort qu'elle cherchait dans tous les recoins de la maison quelque chose à offrir. Elle était restée d'abord bouche bée, mais finit par comprendre que je venais d'accomplir un beau geste. « Va, ma fille, me dit-elle, que Dieu te rende le bien que tu viens de faire et qu'il nous protège ». Ainsi, au lie de raclées, je reçus le plus beau compliment de ma vie qui me conforta dans mes convictions qui se sont avérées nobles.