Remonter aux origines du théâtre algérien est assez complexe, car ce dernier tire ses origines de plusieurs sources, notamment des cérémoniaux organisés par les Amazighs du temps du roi Massinissa où l'on retrouvait tous les éléments entrant dans la composition d'un spectacle (1). Pour d'autres, le théâtre vivant dans toute l'Afrique du Nord, dont l'Algérie, serait plus récent et aurait subi l'influence du théâtre de marionnettes et du théâtre d'ombres « Garagouz » (du nom turc Karageuz signifiant « œil noir») venant d'Asie. Une forme qui aurait été introduite au XIXe siècle, où durant les mois de ramadhan, elle marquait le moment de la rupture du jeûne. Cependant, concernant le théâtre moderne algérien, il a fait son apparition dans les premières années du XXe siècle. Quant au métier de comédien, il serait né avec les poètes meddah ou gouals, ces poètes et conteurs ambulants qui animaient de fort belle manière les places publiques. Mais à la veille de la Première Guerre mondiale, des personnages divers apparaissent dans des saynètes où des spectacles de Garagouz, formant ainsi un véritable répertoire joué, lors de cérémonies telles que les mariages, les circoncisions, ou lors des pèlerinages des Zawiyyas, à l'occasion desquels les gens de la ville apportaient le Rekb, la musique inaugurant ces célébrations. Nous le retrouvons notamment chez les Aïssaouas dont les cérémoniaux sont à chaque mawssim mémorables. Pionniers du théâtre algérien Le théâtre algérien naît timidement. Lors de soirées musicales animées par des associations de musique andalouse comme « El Moutribiya », des intermèdes étaient proposés au public. C'étaient de petits sketches ou « intervalles humoristiques interprétés par des artistes qui se basent sur l'imitation des voix à travers l'interprétation des rôles de personnages typés dans une forme de sketch où l'improvisation des dialogues et des mouvements a été adoptée à l'instar de ce qui prévalait chez les éléments de la « commedia d'ell arte »(2). Parmi ces pionniers, il y a lieu de citer un certain Sellai Ali, dit Allalou qui, en 1917, animait de nombreuses soirées au profit des blessés de guerre. D'autres comme lui, contribueront à l'éclosion timide d'un théâtre national, à l'image de Ben Youcef, Ismaïl Ben Zeghouda, Mohamed Saoudi, Youcef Nidet... C'est à partir de ces premières expériences que l'on assistera à la formation du premier noyau de la troupe théâtrale comptant Allalou, Mahieddine Bachetarzi, Abdelaziz Lakhal, Allal El Arfaoui et Brahim Dahmoune. La visite de troupes étrangères, surtout arabes, ne fera, du reste que renforcer la création théâtrale en Algérie. Parmi elles, il y a lieu de citer la visite en 1921 de la troupe de l'acteur libano-égyptien, Georges Abiad, qui organisa une tournée à travers les pays d'Afrique du Nord avec trois pièces écrites et jouées en arabe classique. Se produisant à Alger, Oran et Constantine, cette troupe présentera trois pièces intitulées « La dignité des Arabes », « Salah'Eddine Al Ayyubi » et « Le fou de Leïla ». Si, les représentations ne trouvent pas l'écho favorable auprès du public, non initié à l'arabe classique -hormis une minorité-, les artistes algériens, cependant, seront galvanisés, redoublants d'initiatives pour développer leurs activités de création. C'est ainsi qu'au début des années 1920, émerge l'idée du théâtre comme moyen d'expression politique, avec la production, en décembre 1922 par un groupe indépendant, de la pièce « Fi sabil El-Watan, (« Pour la patrie »), qui est malheureusement aussitôt interdite par l'autorité coloniale. Loin d'être de se décourager, les comédiens Allalou et Dahmoun se lancent, dès 1926, dans un théâtre accessible au peuple, en adoptant son langage, c'est-à-dire l'arabe dialectal et en lui présentant un personnage qui lui est familial, le célèbre Djeha. Les farces de ce monument de la tradition orale remporteront un grand succès, ce qui encouragera ses initiateurs à faire une tournée à travers le pays, afin de divertir mais surtout d'implanter le 4e art dans toute l'Algérie. Dans les années quarante, on assiste à l'émergence de grands noms du théâtre tels que Mahieddine Bachtarzi, Rachid Ksentini, Bach Djarah, Keltoum et d'autres encore qui vont faire du théâtre algérien une arme contre le colonialisme, une arme pour l'éveil des consciences. Des troupes théâtrales faisaient des tournées à travers plusieurs pays du monde, pour faire connaître le combat que menaient les Algériens contre la domination coloniale et pour faire entendre la voix d'un peuple opprimé. Au lendemain de l'indépendance Au lendemain de l'indépendance, le théâtre algérien va connaître une évolution en dents de scie. Heureusement que des dramaturges de talents tel que Kateb Yacine pour ne citer que ce grand nom, continueront à lui insuffler un souffle de vie et un air de liberté qui -faut-il le préciser- était souvent volé. En effet, Yacine pratiquait un théâtre critique, ce qui n'était pas toujours du goût des responsables. Plus tard, une nouvelle vague de jeunes comédiens et de dramaturges fait son apparition sur la scène théâtrale, cette épopée est menée par des figures telles que Abdelkader Alloula, Allel Mouhib, Azeddine Medjoubi, M'Hamed Benguettaf et Slimane Benaïssa. Ils donneront une nouvelle identité au 4e art algérien, multipliant les créations théâtrales qui souvent étaient une autopsie de la société algérienne, ce qui ralliait en masse le public autour du théâtre algérien. Cette nouvelle génération d'artistes prendra ainsi le relais des Allalou, Bachtarzi et Ksentini en suscitant l'éclosion de nombreux collectifs ont le rôle sera de pérenniser l'héritage des aînés à travers la création théâtrale. Mohamed Boudia, quant à lui, fondera le TNA (Théâtre national d'Alger) dont il sera le premier administrateur et nationalisera tous les théâtres, dans la perspective d'un théâtre algérien à vocation universelle. Aujourd'hui, le théâtre algérien est sur rails, de nombreuses troupes professionnelles et amateurs font vivre la création théâtrale en Algérie. Source : (1)et (2) :Abdelkrim Djedri, « Les origines du spectacle algérien », éd. «Publications Union des écrivains algériens, Alger 2003, 117 pages