1ere Partie Mahieddine Bachtarzi est présenté comme l'initiateur de la création du théâtre selon ses Mémoires. Il était aussi l'organisateur et le guide des troupes musico-théâtrales dans les tournées à travers le pays durant la période de l'occupation. Bachtarzi a, de son vivant, rassemblé, dira t-il, ses Mémoires qu'ils a publiés dans deux tomes. C'est, une idée ancienne déclare Bachatarzi. C'est pourquoi, nous avons jugé bon d'exhumer de l'oubli un entretien effectué avec l'auteur avant sa mort, le 6 février 1986. Bachtarzi nous raconte son histoire : « Au début, je ne pensais pas pouvoir écrire un jour mes mémoires, jeune, je prenais des notes et j'étais arrivé par la suite à faire mon journal, le l'avais commencé en 1929, et c'était devenu une habitude que j'ai maintenue durant toute ma vie. C'est la guerre de libération qui m'a donné l'idée d'écrire mes mémoires. Quand je suis rentré en Algérie, j'ai été chargé de diriger le Conservatoire d'Alger. Ce n'est que huit ans après que j'ai remis mon second tome à l'éditer à la SNED en 1978 et il n'a paru qu'en 1985. Il a donc mis sept ans pour sortir. C'est vrai, il y avait 700 pages. Noua avons décidé de diviser le second tome en deux parties. La première partie prend en charge la période 1939-1951, alors que la seconde est consacrée aux vingt-trois années suivantes (1951-1974). Mahieddine Bachtarzi, nous parle de son expérience, de son parcours : « J'ai débuté en 1919 à Tlemcen, je chantais des chants religieux. Tahar Aichi, m'avait remis un poème que j'avais chanté en m'inspirant de la méthode de « comme la pluie » de Rigoberto. En 1922, j'ai édité un disque « Ô frères algériens ». Jusqu'en 1937, année d'interdiction de mes pièces, j'ai tenté d'emprunter cette voie politique, je me suis exilé en France. A l'époque, l'Emir Khaled, petit fils de l'Emir Abdelkader, qui était capitaine de l'armée revendiquait l'égalité avec les Européens jusqu'en 1938 on ne cherchait que l'égalité. L'Emir Khaled, cherchait à susciter une conscience politique chez les Algérois. La troupe de Grorges Abied, venue à Alger en 1921, avait attiré très peu de gens. L'Emir Khaled avait fait beaucoup de publicité pour la pièce. Les deuxième et troisième représentations s'étaient jouées devant un public très nombreux » . Mahieddine Bachtarzi, nous trace l'itinéraire dé débuts du mouvement artistique typiquement Algérien. Lui qui fait partie « En 1920 ou plus exactement en 1919, la jeunesse algérienne commençait à remuer. Par bonheur, la troupe égyptienne de Georges Abied était venue se reproduire à Alger. C'est à partir de ce moment que le théâtre commença à intéresser les gens. Nous avions des sketches qu'on montait à l'occasion des fêtes et des pèlerinages. Les gens rendaient visite à des marabouts à Sidi Brahim à Cherchell, à Miliana. A Alger les gens venaient célébrer Sidi M'hamed un marabout. Le soir, autour d'un couscous, des amateurs présentaient des scénettes. C'est la seule source algérienne, Ksentini et Allalou étaient partis de là. On nous accusait de copier le théâtre français. On ne fréquentait pas les lieux où les Français donnaient leurs représentations. L'Algérien était complètement séparé de l'Européen. Seulement, on aimait le théâtre ». Bachtarzi, continue dans son récit, pour nous dessiner l'image des comédiens algériens de cette époque ; « C'étaient des amateurs qui faisaient du théâtre, ils aimaient jouer, ils y étaient prédisposés. On les appelait « Al Adjadjbiya », une sorte d'amuseurs publics. Ils se produisaient bénévolement, ils riaient, ils s'amusaient. C'est cette voie que nous avions empruntée. Mais le véritable départ de l'activité théâtrale fut la venue de George Abied. Avant que les autorités Françaises n'imposent le service militaire aux Algériens, nombreux étaient parmi ces derniers qui émigraient en Orient. La famille Mansali s'était établie à Beyrouth, Mohamed Mansali revint à Alger en ramenant des pièces de théâtre. Parmi elles : « Fi Sabil Al Watan » et « Feth Al Andalousse ». Ce n'est que quarante années après que j'ai appris que « Fi Sabil Al Watan » n'était en fait que la traduction de « Pour la Patrie » de Sardou. A l'époque, la pièce nous avait touchés parce qu'elle parlait de patrie. Nous l'avons interprétée en 1922. L'accueil du public n'était pas du tout favorable. Les gens ne comprenaient pas l'arabe littéraire. Quant la troupe de Georges Abied avait été bien reçue, nous avons cru bien faire en interprétant des pièces en arabe littéraire. Ce fut un échec. On jouait souvent dans la salle du Kursal, une salle de 1000 places. Les gens de la médersa fréquentaient ce lieu. Les gens de l'époque n'étaient pas des « mordus » du théâtre. Ils savaient que ça ne leur appartenait pas. Cela les laissait indifférents. Ce n'est qu'après qu'ils nous ont combattus. Allalou a été le premier qui a eu l'idée d'écrire une pièce en arabe dialectal : « Djeha », une adaptation des légendes de Djeha. Ses pièces ont eu un énorme succès. Pourquoi ? Je ne dis pas que les Algérois de l'époque avaient devant eux des génies. Seulement pour la première fois, ils sentaient qu'il y avait quelque chose qui les liait. C'est là, le vrai départ du théâtre algérien. Allalou a adaptés les contes de Djeha. Il a pris l'idée et en a composé une pièce. Allalou a adapté « Djeha » en s'inspirant des pièces qu'il a vues à Alger. Nous connaissons Djeha. Nous lisions ses histoires, mais il n'y avait jamais eu Djeha sur scène. Allalou utilisa les costumes de l'époque. Pour le public, c'était Djeha. La pièce était composée en trois actes. Comme il n'y avait pas de femme comédienne le regretté Dahmoune joua le rôle de la femme de Djeha. On avait joué « Othmane en Chine », « l'Etat des femmes », « La Princesse d'Andalousie ». Nous étions obligés dans ce genre théâtral à faire un travail de mise en scène. La mise en scène s'est améliorée grâce à l'apport des jeunes après l'indépendance (Mustapha Kateb, Allel El Mouhib). A notre époque, le public ne s'intéressait pas à la mise en scène. Ce qui intéressait, c'étaient les jeux des artistes, le dialogue et le sujet de la pièce ». Bachtarzi, ne parle pas de Kaki, ni de Abderrahmane Djillali, ni de Mustapha Touri, ni de Keltoum, ni de Bahi Foudala. Comme s'ils n'avaient jamais existé.