L'intervention d'Ahmed Ouyahia jeudi devant la conférence nationale de la jeunesse de son parti a le mérite de remettre les pendules à l'heure, à l'heure où le débat dans le pays cédait de plus en plus à une sorte de cacophonie qui ne fait qu'envenimer davantage la vie politique nationale. Evitant de parler en sa qualité de directeur de cabinet de la présidence de la République, Ouyahia n'en pas moins réussi à poser les problèmes avec suffisamment de pertinence et d'autorité pour que son message soit bien entendu. Il faut reconnaitre que nul avant lui, ni Sellal ni aucun ministre, n'avaient pu imposer ou du moins expliquer les options de l'Etat sur les questions qui occupent l'opinion avec autant de panache et de diplomatie. Les déclarations souvent intempestives et ambivalentes de certains officiels n'ont pas aidé à clarifier le débat ; au contraire, elles y ont ajouté de la confusion et de l'ambigüité. D'abord, sur l'affaire Mezrag, le chef du RND a tranché le débat, en expliquant la position intransigeante et indiscutable de l'Etat par rapport au projet de création d'un parti politique par les anciens terroristes de l'AIS. Il est clair que Madani Mezrag n'en parlera plus à l'avenir, auquel cas il aura à faire à une réaction plus musclée. Parce que si les autorités ont évité de l'interpeller après ses dernières déclarations inopportunes, c'est sans doute pour éviter de rameuter tous ses affidés, ces islamistes radicaux qui guettent la moindre opportunité pour s'incruster dans le débat national et créer un tapage qui risque de s'amplifier et prendre une tournure dangereuse. S'agissant de la fermeture des locaux de la chaîne de télévision El-Watan TV, qui paye ainsi pour ce trublion islamiste, Ouyahia a montré aux médias nationaux les limites éthiques et politiques à ne pas franchir. Même s'il est vrai que la décision est très dure pour ces jeunes journalistes qui ont choisi l'aventure et aussi pour tous les autres employés qui perdent ainsi leur gagne-pain. Peut-être les autorités, notamment par le biais de l'Autorité de l'audiovisuel (Arav), auraient dû avertir, à l'avance, ces tribunes médiatiques, avant d'être obligées de recourir à de solutions aussi douloureuses qui ne manquerant pas, au passage, d'attirer les condamnations et les protestations de toutes les ONG internationales spécialisés dans la liberté de la presse et d'opinion. Un choix difficile, donc, pour le gouvernement, mais inévitable parce que le pays ne pouvait plus s'accommoder d'une situation où les symboles de l'Etat sont bafoués au vu et au su de tout le monde. De ce point de vue, cette décision d'interdiction de la chaîne El-Watan TV a valeur d'avertissement à toutes les autres chaînes, et plus particulièrement à celles qui, se sentant couvert par le droit étranger qui régente leurs médias, se permettent de diffuser des contenus subversifs et de produire des discours nourris de haine et de division. Ahmed Ouyahia a aussi expliqué que le langage de fermeté adopté désormais par l'Etat ne doit pas se limiter à des cas bien déterminés, qui sont plus médiatisés, comme ceux qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines (le cas du général Benhadid par exemple, ou celui, plus ancien, des militants de Ghardaïa), mais devrait s'appliquer à tout le monde. Comment parer aux risques d'abus, dans ce cas, et comment rassurer l'opinion publique sur les intentions du pouvoir ? Il appartiendra à la justice de prouver, sur cette question, son indépendance et son impartialité irréprochable.Plus politiquement, Ouyahia a de nouveau démonté, un à un, les arguments de l'opposition qui appelle à une période de transition, en expliquant la fatuité d'un retour en arrière, alors que l'Algérie a déjà mis en marche d'importantes réformes politiques et institutionnelles depuis le début des années 1990. Il y a aussi le projet de révision de la Loi fondamentale qui promet de grandes avancées démocratiques à tous les niveaux.