Certains responsables de la presse privée ne veulent pas admettre que des journaux reflètent une autre vision des choses, aussi bien sur la vie politique nationale que sur les questions liées à l'évolution du monde de la presse écrite dans notre pays, et aux nombreuses et vicissitudes auxquelles il est confronté. Et ils n'hésitent pas à «dénoncer» ces titres, comme s'ils avaient commis une hérésie, et à user de qualificatifs pour le moins méprisants et dédaigneux : «journaux parapublics, à la solde du pouvoir» ou, plus pernicieux, celui de «journaux rentiers», qu'ils utilisent pour mieux cacher leur propre tare. En un mot, ils leur refusent tout simplement le droit d'exprimer leur propre opinion sur tous les événements qui nous entourent. Il y a vraiment de quoi être sceptique pour l'avènement d'une presse adulte et réellement indépendante dans notre pays. Il n'y a peut-être qu'en Algérie où des journalistes ont manifesté - au sens propre du terme - pour décrier la ligne éditoriale d'autres journaux, jugée «diffamatoire» et «intolérante», et que des éditeurs de presse dits indépendants s'opposent franchement au pluralisme médiatique et à la liberté d'expression, au nom d'une vision étriquée et foncièrement maccarthiste de cette liberté d'expression, et n'hésitent pas à en faire part publiquement. C'est le cas d'un quotidien francophone qui se présente comme «la référence» de la presse écrite en Algérie, et le porte-flambeau de l'opposition politique qu'il veut monopoliser. C'est pourquoi ces journalistes se permettent de commenter et d'écrire ce qu'ils veulent sur les autres journaux qui adoptent une ligne éditoriale différente, mais ne tolèrent point qu'on les cite ou qu'on critique leur démarche ou tout simplement même qu'on les sollicite pour tel ou tel événement. Ils veulent imposer leur vision de l'information et la manière dont il faut gérer le secteur, et leur stratégie, payante jusque-là, est de «complexer» à la fois les institutions compétentes et les différents acteurs du secteur pour aboutir à leurs fins. Ce glissement dangereux, à la fois éthique et politique, risque toutefois d'être tout aussi préjudiciable à l'idée même que ces titres se font de l'opposition politique apolitique. Car, après tout, les simples lecteurs – plus avisés qu'on le pense - en sortent toujours avec des conclusions qui ne font pas plaisir aux hérauts de la démocratie. C'est cet enfermement incurable de certains de nos confrères qui détourne le débat des véritables enjeux qui engagent l'avenir de la presse algérienne dans son ensemble. Alors que ce débat doit s'élargir et s'enrichir pour trouver des solutions viables aux problèmes lancinants qui se posent aujourd'hui aux éditeurs et à tous les gens de la corporation avec plus d'acuité. Ce débat a surtout, en ce moment, besoin d'approches objectives de la situation et une unité d'action.