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La rémission par le sang de civils innocents
Publié dans La Nouvelle République le 07 - 12 - 2015

La stratégie apocalyptique mise en œuvre par Daech, particulièrement à l'égard d'un des alliés majeurs des djihadistes de surcroît le pays occidental le plus en pointe dans sa guerre psychologique incitative à l'encontre du président syrien Bachar Al Assad, leur ennemi commun, paraît devoir mettre un bémol à la frénésie anti-syrienne de la classe politico-médiatique française, sauf à précipiter la France dans une sarabande mortifère, avec, à terme, sa relégation à l'échelle des puissances.
S'il a quelque peu libéré la France d'une alliance encombrante et déshonorante au regard de ses valeurs et de son histoire, ce terrible tribut de sang – le carnage de Charlie Hebdo le 5 Janvier 2015 et la tuerie du Bataclan le 13 Novembre 2015 – a, par contrecoup, mis en relief la dérive pathologique en même temps que la persistance des présupposés idéologiques post coloniales du pouvoir décisionnel français dans sa double version néo-gaulliste : Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, les initiateurs de la guerre de Libye et de Syrie et socialo-atlantiste François Hollande et Laurent Fabius, les zélés soutiens des djihadistes et portant les amplificateurs de leurs thèses nauséabondes. Si le bain de sang dont le territoire français a été le théâtre en 2015 a suscité une empathie internationale à l'égard de la France, il n'en occulte pas pour autant la responsabilité – lourde et directe – de la «Patrie des Droits de l'Homme» tant dans la gangrène djihadiste du Moyen-Orient que dans la destruction des états à structure républicaine, au bénéfice d'un syndicat pétro-monarchique le plus obscurantiste et le plus répressif de la planète. Comparaison n'est pas raison Certes Bachar Al Assad et Mouammar Kadhafi sont à classer parmi les dictateurs, mais au même degré que Mobutu (Zaïre), le tueur de Patrice Lumumba, Hissène Habré (Tchad), le geôlier de François Claustre, Blaise Compaoré, le tueur de Thomas Sankara, le Roi Hassan II du Maroc, le tueur de Mehdi Ben Barka. Mais contrairement aux grands amis de la France, qui ont décapité avec un bel enthousiasme les figures de proue du tiers- monde en lutte pour son indépendance et sa dignité, le Syrien n'est pas pourvoyeur des djembés et mallettes à une fraction vénale de la classe politico-médiatique. C'est là l'un des motifs de la furie anti-syrienne. Le second est que l'ultime récalcitrant à une reddition arabe à l'impérium israélo-américain se veut et se vit comme le pivot de la contestation à l'axe atlantiste. Deux péchés mortels au regard d'une classe politique française philo-sioniste, gagnée par la pensée néo-conservatrice américaine. La France, en Libye et en Syrie, a commis un crime contre l'intelligence. Elle en a payé le prix dans la chair de ses citoyens, d'une manière répétitive tout au long de 2015. En toute impunité pour ses dirigeants. Si la responsabilité première incombe, sans la moindre contestation possible, aux néo-conservateurs américains, sous l'autorité du trio de sinistre mémoire George Bush Jr, Dick Cheney et Donald Rumsfeld et leurs alliés wahhabites représentés par le Prince Bandar Ben Sultan, l'orchestrateur en chef du chaos destructeur de ce «désordre constructeur», la responsabilité seconde incombe au pouvoir français socialo-gaulliste dans sa nouvelle version néo-conservatrice et atlantiste. Non seulement en Libye et en Syrie, mais aussi par son silence mortel sur le Yémen, son alliance privilégiée avec le royaume saoudien, l'incubateur absolu du djihadisme erratique dégénératif et son appendice du Qatar, la Mecque de la confrérie des Frères Musulmans, la matrice de toutes les organisations radicales djihadistes d'Al Qaida et Jabhat An Nosra. Enfin, dernier et non le moindre, de la Turquie le volant régulateur des djihadistes sur le plan militaire, en même temps que le principal pourvoyeur du flux migratoire à destination de l'Union européenne en crise systémique de son économie. Le sommet G20 d'Antalya qui a regroupé le 14 Novembre 2015, au lendemain de la tuerie du Bataclan les 20 puissances économiques mondiales, en présence du Turc Reccep Tayyeb Erdogan, du Saoudien Salmane et de Laurent Fabius, – l'homme qui aurait mieux fait de brider les pulsions casinotières de son fils plutôt que de proférer des monstruosités du genre «Jabhat An Nosra fait du bon travail en Syrie», apparaît, rétrospectivement comme une farce tragique. D'un goût saumâtre. A Charlie Hebdo, au Bataclan, comme auparavant en Isère lors de la décapitation d'un patron, le 26 juin 2015, le pouvoir décisionnaire français dans sa version sarko hollandaise paie le prix de son dévoiement et de sa démagogie, de la morgue de ses élites intellectuelles, particulièrement de ses universitaires islamophilistes et de la servilité de sa classe politico-médiatique. Qu'un président confie la conduite de sa politique étrangère au plus célèbre ronfleur de la diplomatie internationale contemporaine donne la mesure de l'érosion de la déontologie du commandement. Qu'un socialiste soit le meilleur allié du turc, massacreur des Kurdes, auparavant des Arméniens et des Assyriens, des Wahhabites, les plus gros corrupteurs de la vie politique arabe et les plus grands destructeurs du Moyen-Orient, laisse rêveur quant à la signification du socialisme au XXIe siècle. Un fait qui explique, pour une large part, la désaffection politique de la jeunesse parisienne fauchée par la mitraille djihadiste.

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