Prévue depuis quelques années, la réorganisation des services spécialisés a atteint son stade final, avec la création de trois directions distinctes qui seront chapeautées par un coordinateur, qui, lui-même travaillera en étroite relation avec le président de la République. Au-delà des changements d'hommes à la tête des «services» et du changement de sigle, ce qui est recherché dans cette restructuration, c'est une plus grande efficacité et une plus grande fluidité du renseignement dans un monde dominé par l'information, qui est devenu le véritable pouvoir. Le successeur, du général Mohamed Mediene dit Toufik, mis à la retraite, est chargé d'assurer une meilleure coordination entre les services de sécurité, dont les prérogatives et les fonctions sont désormais clarifiées, justement pour éviter toute confusion dans la mise en application des décisions, comme cela s'est passé dans le passé. En définitive, cette réforme des services de sécurité, qui devait intervenir au lendemain de l'ouverture démocratique de 1989, est une suite logique du retrait de l'armée du parti unique, le FLN, et des rouages de la politique. Ce sont les impératifs dictés par la lutte contre le terrorisme, durant la décennie 1990, qui auront ajourné la prise en œuvre de cette réforme. Les services de sécurité étaient alors appelés à conjuguer leurs efforts avec l'ensemble des forces vives du pays pour affronter une situation particulière. C'est pourquoi, les services de sécurité ont été naturellement impliqués dans tous les efforts de redressement. Aujourd'hui, la nouvelle conjoncture exige de ces services qu'ils se consacrent davantage sur les enjeux sécuritaires internes et externes, avec l'apparition de nouvelles menaces qui guettent la sécurité et la stabilité du pays : tensions régionales persistantes, terrorisme transfrontalier qui a déjà fait tant de dégâts (attentats au sud, complexe gazier de Tiguentourine...), lutte contre les réseaux de recrutement et de soutien à Daech, lutte contre la contrebande, le contre-espionnage... sont autant de périls auxquels l'Algérie doit faire face. D'où la nomination d'un homme, le général Bachir Tartag, rompu à la lutte antiterroriste et qui maîtrise bien les enjeux liées à cette lourde tâche. De l'avis des observateurs les plus avertis, les bouleversements opérés dans le fonctionnement de certaines directions, la dissolution ou le changement de tutelle de certains services opérationnels présagent, au-delà des calculs de pouvoir immédiats, une mutation en profondeur de cette institution dont les résultats ne seront visibles que plus tard. Donc, au lieu de voir dans le processus qui a culminé par la mise en place d'une nouvelle organisation des services de renseignements une opération de «démembrement» ou le reflet d'une lutte de clans sourde, voire la fin de «police politique», comme le suggèrent certaines voix, il faudrait plutôt se réjouir d'une réforme susceptible de relever le niveau d'efficience de nos services névralgiques, tout en les mettant à l'abri des circonvolutions et des bouleversements qui ponctuent la vie politique nationale.