Les longues files d'attente des véhicules qui se formaient à longueur de journée devant les stations services à travers l'ensemble de la wilaya de Tlemcen, depuis voilà plus d'un quart de siècle, ont disparu comme par enchantement. L'augmentation des prix des carburants, la récente mobilisation des services de sécurité le long de la frontière et la tranchée de 70 km de longueur qui s'étale de Marsat Ben M'hidi jusqu'à El Aricha, de 10 m de largeur et 8 m de profondeur, semblent être pour beaucoup dans cet inattendu et subit déclin du trafic de carburant. Un automobiliste de Maghnia nous dira : «De temps à autre, lorsque le roi est en visite à l'est du royaume ou des hauts responsables militaires ou civils algériens le sont dans les régions frontalières et également lors des fêtes, notamment des deux Aid, le trafic cesse pour reprendre à la fin de leur mission, au bon vouloir des trafiquants et d'autres parties occultes. C'est dire que tout est orchestré.» Cet autre automobiliste est plus optimiste : «Jamais la trêve du carburant n'a autant duré, ceci augure d'un redressement définitif de la situation que l'honnête automobiliste a endurée,voilà plus de deux décennies.» Ainsi, les dernières mesures s'avèrent dissuasives et semblent avoir eu raison du phénomène. Aux stations-services, c'est le retour à la normale, ce qui n'est pas fait pour plaire à certains dont les véreux parmi les pompistes, les hallaba ou encore les revendeurs de carburant. La crise s'est dissipée depuis plus d'un mois et la disponibilité du carburant est permanente au point où l'automobiliste retrouve son statut de roi et se paie même le luxe de choisir la station qui répond aux critères du bon accueil principalement ou spécifique telle celle relative au comportement des pompistes et du propriétaire, durant les deux décennies noires du trafic. Les stations Naftal semblent faire l'unanimité quant au bon accueil et cadre agréable et connaissent une affluence relative alors que celle-ci se fait très timide dans les autres stations-services, lesquelles tentent de se redorer le blason en commençant par ignorer, sans aval officiel, l'arrêté du wali qui plafonne les quantités servies à 500 et 2.000 DA pour les véhicules légers et les camions en encourageant même leurs clients à faire le plein. L'impact de ces dernières mesures a été dramatique de l'autre côté de la frontière. Ceci a sérieusement affecté les consommateurs et ébranlé les trafiquants frontaliers marocains. Les familles qui se nourrissent ou qui s'enrichissent de ce trafic ont subi de plein fouet le revers des mesures algériennes qui visent en ce temps, économiquement difficiles, à limiter cette saignée économique, qui selon des déclarations officielles s'élèvent à 2 milliards de dollars par an. Les statistiques officielles ont fait ressortir que le trafic aux frontières a permis à 360.000 véhicules marocains et 180.000 tunisiens de circuler avec du carburant que le gouvernement algérien achetait sur le marché mondial à cause de ses capacités de raffinage limitées. Selon un citoyen marocain de la ville d'Oujda, c'est l'assaut vers les quelques stations-services qui ont survécu à la crise par les automobilistes et les propriétaires d'engins et de machines agricoles, qui se voient contraints à s'alimenter en carburant à 9,4 dirhams le litre d'essence et 7,8 dirhams le litre de gasoil contre environ 6 dirhams et 4,5 dirhams chez les revendeurs de carburant de contrebande en provenance d'Algérie. Le consommateur frontalier algérien, très satisfait de la normalisation du carburant, se demande si c'est la réelle fin d'une crise qui n'a que trop duré et si l'ère des longues filles d'attente dans les stations-services à chaque livraison de carburant, de la conduite dangereuse des hallabas qui slaloment à longueur de journée, à travers toute la wilaya pour réussir le maximum de pleins, engendrant des morts dans leur sillage, notamment sur la RN 35, du diktat des pompistes, est réellement bel et bien révolue et que ce n'est pas là juste une accalmie éphémère. Les hallabas se trouvent être les plus affectés et subissent sérieusement les fâcheuses conséquences de cette régularisation, «Depuis que j'ai quitté l'école, je ne sais que conduire les baudets chargés de jerricans remplis de carburants vers la frontière pour subvenir aux besoins de ma famille. Je gagnais en moyenne 1.500 DA par jour pour ce travail fatigant et risqué. J'ai à charge une famille composée de 5 personnes et je me sens perdu», dira, tourmenté, ce hallab de 35 ans, dont les yeux dégagent la peine et le désarroi. Des cas similaires se comptent par centaines dans l'extrême ouest.