Il était prévisible depuis longtemps que le conflit régional qu'est devenue la guerre syrienne raviverait d'anciennes querelles moyen-orientales. La collision entre l'Iran et l'Arabie Saoudite était attendue, celle entre la Turquie et la Russie est plutôt due à l'instabilité mentale d'Erdogan. Toutes deux ont été amplement développées sur la Toile. Penchons-nous aujourd'hui sur un autre conflit latent réveillé par le chaos syrien. Le Hezbollah a vu avec horreur l'avancée des takfiris sunnites en Syrie à partir de 2012. Idéologiquement et stratégiquement (rupture du croissant chiite, donc de l'approvisionnement iranien), une Syrie qatarisée ou saoudisée était un coup mortel porté au mouvement chiite libanais. Aussi, personne n'a vraiment été surpris quand Hassan Nasrallah décida de voler au secours de Bachar en 2013, envoyant des milliers de combattants, d'abord à la frontière syro-libanaise puis partout en Syrie. Par contrecoup, Israël a longtemps flirté avec Al-Qaïda, soignant quelques djihadistes par-ci, fournissant quelques armes par-là, sans doute plus pour embêter Assad et le Hezbollah que pour réellement provoquer une victoire djihadiste. On en était là quand l'intervention russe a sérieusement rebattu les cartes, Tel Aviv et Beyrouth-Sud se mettant sur leurs positions pour courtiser Poutine. L'alliance entre Moscou et le Hezbollah est logique, presque naturelle. Mêmes alliés (Assad, Téhéran), même farouche opposition à l'islamisme sunnite. La tolérance absolue du Hezbollah envers les chrétiens d'Orient joue également en sa faveur, la Russie se considérant comme la protectrice du christianisme moyen-oriental. Alarmé, Netanyahou s'est alors précipité à Moscou faire des ronds de jambe à Poutine. On avait connu Bibi la Terreur moins placide... Ce voyage n'a pas empêché le Hezbollah de mettre la main sur des armements russes. Qu'ils aient été livrés par les Syriens qui les avaient eux-mêmes reçus (plus probable) ou livrés directement par Moscou selon les dires de hauts responsables du mouvement chiite, cela importe somme tout assez peu. L'état-major de Tsahal est plus que remué, notamment par le fait que le mouvement libanais est vraisemblablement en possession de missiles de croisière supersoniques Yakhont. Les récentes déclarations de Nasrallah – «les stock de gaz ammoniac d'Haïfa sont notre bombe nucléaire» - ont également provoqué la panique en Israël où l'on considère sérieusement transférer les usines chimiques dans le sud du pays, à un coût exorbitant. Les sacrifices auxquels se soumet le Hezbollah en Syrie pourraient finalement lui rapporter gros. L'espèce d'équilibre de la terreur en train de s'installer avec Israël est une assurance contre toute intervention militaire future de l'Etat hébreu et pérennise la présence du «parti de Dieu» au Liban. Il convient de mettre tout cela en relation avec la brusque décision de l'Arabie Saoudite de couper son aide financière militaire à Beyrouth et des pétromonarchies fondamentalistes du Golfe d'appeler sans rire leurs ressortissants à quitter le pays, arguant de la «mainmise du Hezbollah sur l'Etat libanais».