En dépit du rôle joué récemment par les USA dans le cessez-le-feu syrien et les pourparlers de paix, généraux et sénateurs continuaient à planifier ostensiblement l'élimination du président Bachar al-Assad, et les modalités du prochain programme US destiné à entraîner et équiper de nouveaux combattants à envoyer en Syrie pour y perpétuer les violences. Tout en continuant à planifier unanimement le renversement du gouvernement syrien, les membres du comité revenaient continuellement sur le constat, non seulement de la présence de Daech dans le pays, mais de son expansion dans un nombre croissant de nations comme l'Afghanistan, l'Irak ou la Libye, trois pays entièrement détruits par les USA – la Libye étant le dernier en date et évoqué à plusieurs reprises au cours de la séance comme «désormais ingouvernable». Ce caractère «désormais ingouvernable» de la Libye était d'ailleurs avancé comme la raison principale de la «soudaine» émergence de Daech dans cette région d'Afrique du Nord. Evidemment, pas un seul des sénateurs ou généraux présents à cette audience n'a daigné évoquer la manière dont, initialement, la Libye est devenue «ingouvernable» – pas même le sénateur McCain, qui avait pourtant marché littéralement main dans la main avec le futur dirigeant de Daech en Libye, lors de leur commune prise de pouvoir dans ce pays, suite au renversement du gouvernement libyen à Tripoli. L'incapacité de l'armée américaine, 16 mois durant, à cibler et détruire l'infrastructure pétrolière de Daech en Syrie aura certes été évoquée, mais le reste de leur infrastructure logistique en Syrie et au-delà, ou leurs sponsors étrangers, tout cela est totalement passé à la trappe. Ce que cette séance illustrait une fois de plus c'est que, comme toujours, c'est encore aux Américains de faire tout le boulot – en l'occurrence transformer des pays en champs de ruines, puis y semer les graines d'un chaos perpétuel avec des forces mercenaires lourdement armées, grassement financées et solidement soutenues, afin de changer des régions entières en zones de conflit perpétuellement divisées, affaiblies, perpétuellement déchirées, perpétuellement instables, d'où les ennemis de l'Occident puissent être extirpés, et où des régimes plus à leur convenance puissent être mis en place. En plus d'une heure de séance, rien n'a été abordé qui ressemble de près ou de loin à une véritable stratégie pour affronter et détruire Daech. Des généraux qui ont passé leur vie dans l'armée, descendants de lignées de militaires, dissertaient tranquillement de l'insuffisance des frappes aériennes en Syrie pour réduire à elles seules les capacités militaires de Daech, sans mentionner une seule fois le fait que l'armée US dispose de forces considérables stationnées en Turquie et en Jordanie, suffisamment nombreuses pour verrouiller hermétiquement les lignes de ravitaillement de Daech dans ces pays même (donc sans avoir à violer le territoire syrien), et empêcher de facto le flot continu de combattants étrangers (pourtant constamment évoqués pendant toute la séance) de venir renforcer les positions de Daech en Syrie. (A suivre)