Alors que les usages en matière de journalisme continuent d'évoluer, que la réalité virtuelle s'immisce dans nos vies, que les images envahissent désormais les réseaux sociaux, le plus grand Festival international de photojournalisme ne pouvait passer à côté du web et de l'information numérique. Parrainé par France Médias Monde (FMM), France Télévisions (FTV) et Radio France, le Visa d'or de l'information numérique a été décerné au projet Fatima's Drawings de Magnus Wennman et Jenny Svenberg Bunnel. Quand les dessins d'une petite réfugiée syrienne prennent vie, ça se passe sur la Toile, et à Perpignan, à Visa pour l'image. Fatima vit en Suède. Mais c'est une petite fille syrienne. Avec sa mère, Malaki, et ses deux frères et sœurs, elle a fui la ville d'Idlib lorsque l'armée nationale syrienne a commencé à bombarder les civils de la ville. Après deux ans dans un camp de réfugiés au Liban, la situation est devenue intolérable et la famille a dû fuir vers la Libye à bord d'un bateau. Sur cette embarcation, Fatima se souvient qu'il y avait une femme enceinte qui a donné naissance à son bébé. Le bébé était mort-né et a été jeté par-dessus bord. Fatima a tout vu. Aujourd'hui, elle va à l'école à Norberg en Suède. Mais elle n'a pas oublié. Grâce à ses dessins, Fatima évoque ses souvenirs de la Syrie ainsi que son voyage en Suède. Parfois, elle rêve qu'elle tombe du bateau. « C'est la question du traumatisme et de la santé mentale qui est traitée dans ce projet », explique Samuel Bollendorf, le président du jury. « Qu'est ce qu'il reste, après un tel voyage dans la tête d'un enfant et qu'il est seul dans son lit et qu'il n'arrive pas à dormir ? On n'a jamais eu cette problématique avant, des enfants vraiment au coeur de l'enjeu de l'horreur. Alors comment réussir à alerter différemment, quand les images d'Eylan ou d'Omrane n'ont pas suffi ? Des plans très simples, une petite fille qui dessine et des dessins qui s'animent. Les images sont peu bavardes. On entre vraiment dans le récit grâce aussi au travail sur le son, la voix de la petite fille qui raconte », commente Samuel Bollendorf. Le photographe Magnus Wennman avait déjà travaillé sur les enfants réfugiés en train de dormir tout au long de leurs périples. Avec ce récit, il nous incite à poursuivre la réflexion, à ne pas nous arrêter sur les images d'exode mais à voir plus loin. Que devient Fatima ? Que fait-on de ses cauchemars ? Magnus Wennman pose la question, simplement et intelligemment. Le Visa d'Or rebaptisé Visa de l'information numérique cette année ne se limite plus aux webdocumentaires, consultation de l'information transmedia oblige. La mention spéciale attribuée par le jury à Guillaume Herbaut pour Carnet de route d'un photographe, va dans ce sens. Chaque jour, un épisode, chronique d'un voyage dans le Donbass composée de photos, de quelques sons d'ambiance et d'une voix off, est diffusé sur Arte, dans le journal. Et quand Guillaume Herbaud se met au diaporama sonore en télé, cela fait monter les enchères : une Rolls !