Des sources policières indiquent que durant les trois précédents mois, leurs services ont estimé à 3 000, le nombre de jeunes algériens originaires d'Annaba, Tarf, Guelma et Souk-Ahras à avoir pris clandestinement le large à destination de l'Italie à partir des côtes d'Annaba. Si beaucoup ont réussi à atteindre l'île de Lampedusa où la mafia sicilienne les prend en charge en contrepartie d'une certaine somme d'argent, il n'en demeure pas moins que l'on est sans nouvelles de certains. Ils sont, en effet, plusieurs dizaines, à n'avoir plus donné signe de vie depuis leur départ en mer. D'où la ruée des parents sur la Ligue algérienne des droits de l'Homme ou le siège de l'association des haraga disparus. Celle-ci est à l'origine de la médiatisation de l'affaire des haraga algériens détenus avant leur disparition dans les geôles tunisiennes ou libyennes. Elle est toujours d'actualité. Et comble du désarroi, leurs parents souhaitent les voir en vie même emprisonnés dans n'importe quel pays, que d'entendre qu'ils ont péri en mer. Dire que le décompte des haraga enregistrés depuis ce dernier mois d'août à ce jour va se poursuivre, serait-ce se conformer à la situation actuelle sur nos côtes. C'est que les informations communiquées par les services de la météorologie sont assidument suivies par les candidats à l'immigration clandestine. Notamment celles étalées sur plusieurs jours. Elles permettent à tout un chacun des candidats au voyage de la mort de s'inscrire sur la liste des passeurs. C'est dire que la traversée clandestine vers l'Europe via la grande bleue, ressemble à un cri d'alerte de nos jeunes. Confrontés à un chômage chronique aggravé par le manque de loisirs sains, chacun rêve d'un monde meilleur outre-mer. Ce rêve est alimenté par des passeurs criminels. Devenus spécialistes du lavage de cerveau, ils n'hésitent pas, à travers leurs relais dans les quartiers et les cités à forte concentration de jeunes au chômage, de faire miroiter des exemples. Il s'agit de prétendue réussite sociale de ceux qui, au péril de leur vie, avaient bravé la grande bleue pour atteindre l'île italienne de Lampedusa. Bien qu'il concerne la préservation de vies humaines et qu'il soit devenu un phénomène de société, ce dossier sur la gestion des flux migratoires illégaux ne figure toujours pas sur la liste des préoccupations des pouvoirs publics. En l'absence de toute éclaircie au plan social et économique, le risque est latent de voir ce nombre doubler. La tendance se confirme avec les faillites qui, étrangement, se multiplient de jeunes entreprises créées sous le patronage de l'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (Ansej). Aussitôt en possession des avantages matériels attribués dans le cadre de ce dispositif, le bénéficiaire cède local et matériel au plus offrant. Le montant perçu lui permet de disposer du prix de la traversée. Celle-ci a augmenté puisque de 80 000 DA la place sur une vieille barque dotée d'un moteur, le prix est passé à 150 000 DA sans garantie d'arrivée. Après une opération de change parallèle, le reste du montant de la transaction du matériel Ansej servira, à assurer gite et nourriture en terre italienne avant le départ vers la France destination finale pour la plupart. Malheureusement, beaucoup n'ont pas cette chance d'y arriver et périssent engloutis à tout jamais par la mer. C'est pourquoi, du côté de l'association des disparus en mer, l'on estime que sur la liste des délits sécuritaires et les différents trafics, les pouvoirs publics doivent obligatoirement inclure les passeurs spécialistes de l'immigration clandestine. Comme ils appellent à la criminalisation de l'acte et à l'institutionnalisation de la lutte permanente contre le phénomène de la harga à travers un partenariat entre les structures de l'Etat. En fait les 3 000 clandestins ne reflètent pas le nombre réel des jeunes gens ayant clandestinement pris la mer ces 3 derniers mois à partir d'Annaba. Il y a quelques jours les garde-côtes italiens ont annoncé avoir coordonné le secours d'environ 6 500 migrants au large de la Libye. La veille, plus de 1 100 migrants avaient déjà été secourus dans la même zone, selon le bilan des garde-côtes. Selon le HCR, au moins 3 100 migrants sont morts ou portés disparu en Méditerranée cette année en tentant de gagner l'Europe.