Dès que vous entendez un Algérien prononcer le mot «sacouéla» dans son parler de tous les jours, vous devinerez immédiatement qu'il s'agit d'un Témouchentois. Il est utilisé par tous les habitants de cette région qu'ils soient lettrés ou illettrés, jeunes ou âgés. En effet, ce mot dérive du terme «escuela» qui signifie en langue espagnole «école primaire». Ce vocable est un élément fondamental pour montrer l'influence de la culture espagnole dans les arts et cultures populaires de la wilaya d'Aïn Témouchent. Il remet les pendules à l'ère de la colonisation de l'Algérie par la horde française. A partir des années 1830, les Espagnols affluaient par milliers à Aïn Témouchent à la recherche d'un emploi chez les colons français notamment dans le secteur de la viticulture qui faisait la réputation de la région. Ils étaient attirés par ses richesses naturelles et sa situation géographique. Ainsi, les Espagnols ont tissé des relations collégiales et amicales avec les Algériens car ils partageaient en commun une certaine partie de la civilisation arabo-musulmane en Andalousie. Et encore, les Espagnols étaient modestes et coopérants dans leur comportement quotidien. Ils vivaient en bon voisinage avec les Témouchentois dans un respect mutuel des us et coutumes. Dans ce contexte, l'on peut citer le témoignage d'un notoire enfant de la ville d'Aïn Témouchent, Bouterfas Hadj. Les Espagnols dans le quartier San André cohabitaient en convivialité avec les Témouchentois dans le quartier mitoyen de Sidi Saïd. Une dame espagnole de confession chrétienne célébrait également la waâda du saint marabout Sidi Saïd. De même qu'il y avait des Témouchentois mariés à des Espagnoles. Dans certains livres écrits par des pieds noirs originaires de Aïn Témouchent, les Espagnols représentent les 50% de la communauté européenne installée dans cette région et étaient répartis à travers les villes du littoral et de l'intérieur, à l'instar de Aïn Témouchent, Maleh, Bénisaf, Sidi Ben Adda, Hammam Bouhadjar et autres. Selon l'écrivain et chercheur sur l'histoire de la région, M. Reguig Miloud : «La ville de Rio de Salado «Maleh» actuellement, est un nom espagnol qui signifie «rivière salée». Elle était occupée par une grande population espagnole. Ce nom a été donné par les Espagnols lors de leur conquête de l'Oranie en 1518. Ils se sont installés dans cette ville en 1882. Leur population a été estimée à 283 familles parmi les 420 familles au total». Compte tenu de cette fréquentation et du rapprochement de ces deux communautés, beaucoup de mots espagnols de large usage ont glissé dans le langage témouchentois tels que barato, negro, mucho, musica... En gastronomie, l'on cite le plat le plus populaire, celui de la «calentica», d'origine espagnole et est préparé principalement à base de farine de pois chiche ou encore la «paella», un menu à base de poisson. Si l'on descend vers la ville portuaire, Béni Saf, terre natale de l'écrivain et moudjahid Jean Sénac, d'origine espagnole, on déguste les termes «marina», «playa», «sardina»... parce qu'une importante population espagnole y travaillait dans le secteur de la pêche. En sport collectif, plusieurs équipes de football et de basket-ball étaient composées essentiellement d'Espagnols et de Témouchentois. Autres mots utilisés, notamment dans les chansons raï tels que «madré», «larga», «hasta la vista».... La plage de Sidi Djelloul avait porté antérieurement l'appellation de «camérata» car elle était très fréquentée par les Espagnols à l'inverse de celle d'Oued El-Hallouf squattée par les colons français. Jusqu'à aujourd'hui, les Témouchentois jouent aux cartes et prononcent les chiffres espagnols, «las», «dos», «tres», «quatro»......«rey»... Autres avantages légués, les Témouchentois ont appris des métiers comme la menuiserie, la viticulture, la vinification, la maçonnerie, la mécanique, la forge et chaudronnerie et ont pu ouvrir des ateliers et travailler pour leur propre compte au lendemain de l'indépendance. Une frange de la population, parmi les personnes âgées parlait couramment la langue espagnole bien qu'elle ait vécu dans une ville colonisée par les Français. Cet héritage historique et culturel a incité les Témouchentois à visiter l'Espagne pour affaires économiques. Encore plus, les Témouchentois connaissent plus les clubs espagnols de Barcelone et de Madrid que leur club local.