Progressivement, la campagne pour l'élection présidentielle française a viré aux chicayas judiciaires, aux accusations de toutes sortes et aux coups bas, pour finir par donner aux Français le sentiment d'un rendez-vous raté. Fait inédit, cette élection voit aussi se produire des renoncements et des ralliements contre nature politique. Au lieu et place d'un débat contradictoire, cadre où les candidats doivent décliner leurs propositions programmatiques, l'on assiste à un grand déballage des affaires, mouillant la classe politique, quelle qu'en soit la tendance. Le clap de début du feuilleton aux multiples rebondissements, tout aussi invraisemblables qu'inattendus, et qui a littéralement occulté le débat de fond, a été donné le 25 janvier dernier. Le Canard enchaîné avait en effet lâché une bombe : le Penelopegate. L'hebdomadaire satirique avait révélé que l'épouse du candidat Fillon, également mise en examen, mardi dernier, pour les mêmes chefs d'accusation que (son) époux, aurait occupé un emploi fictif auprès de son mari et aurait touché 900 000 euros de rémunération. Depuis, tout le monde [médiatique et judiciaire ] s'est mis à fouiller et exhumer d'autres scandales. Les révélations, allant d'emplois fictifs à des cadeaux en tous genres, fournis par de riches hommes d'affaires et des barbouzes des reseaux occultes de la France-Afrique, se succèdent à un rythme effréné, et les mises en examens se multiplient dans la foulée. Elles touchent François Fillon, le vertueux troubadour porte-étendard de la morale et de la probité qui, au sortir de la primaire, avait considéré l'élection présidentielle comme une simple formalité. Ses proches collaborateurs, la candidate du Front national et, plus grave encore, des membres du gouvernement sortant sont là encore dans le collimateur de la justice. Les accusations (fondées ou non) ne s'arrêtent pas là. A travers un livre « Bienvenue Place Beauvau », sorti lundi dernier, le président de la République en personne est suspecté d'avoir mis en place un supposé cabinet noir qui lui aurait permis d'avoir un oeil sur tout et partout et, si besoin s'en serait senti, d'actionner le levier judiciaire à l'encontre d'adversaires politiques. A ce propos, des ténors du parti Les Républicains (LR) ont saisi, lundi dernier, les procureurs du pôle financier et de Paris et demandé l'ouverture d'une enquête. Par une telle ambiance, c'est la campagne qui en pâtit. Les propositions sur le chômage qui mine la société, sur le redressement d'une économie claudicante et la construction d'une Europe qui se délite, aux prises avec les velléités nationalistes, sont inaudibles, et noyées dans les sempiternelles palabres des commentateurs et le charivari médiatique. La France pétrie à l'ancienne, où le général de Gaulle dut payer ses factures d'électricité, ressurgira-t-elle de ce climat délétère ? Rien n'est moins sûr. Car, en dépit d'une forte demande de transparence dans la gestion des deniers publics, nombre d'hommes politiques ciblent les institutions qui sont mises à mal et font sans cesse là encore l'objet d'attaques, mettant en doute leur impartialité. Originellement quatrième pouvoir, les médias sont accusés d'être une meute acharnée, avide de scoops. Par conséquent, c'est le statu-quo qui prend le pas et, résultat, se sont les fondements de la république qui se trouvent fragilisés. Finalement, cette élection, quelles qu'en soient l'évolution et l'issue, aura le mérite de poser les vraies questions. Comme par exemple : quel modèle de société veut le peuple français ?