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Vestiges archéologiques d'Alger, de la fouille au musée de la place des Martyrs
Publié dans La Nouvelle République le 12 - 04 - 2017

Cette opération d'archéologie préventive a été motivée par la réalisation d'une station de métro dans la zone basse de La Casbah d'Alger, classée patrimoine national, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco et dotée d'un plan permanent de sauvegarde.
Cette fouille s'inscrit dans une dynamique qui concilie les problématiques de la découverte, de la préservation et de la valorisation d'un patrimoine culturel plurimillénaire avec les impératifs du développement économique de l'Algérie dont la construction du métro d'Alger. Les découvertes réalisées depuis 1994 et les résultats du diagnostic archéologique de 2008 et 2009 ont conduit le ministère des Transports à réduire l'emprise de la station de métro de la Place des Martyrs de 8 000 à 3 250 m2, de façon à préserver le patrimoine historique de la ville. Cadre opérationnel La fouille de la Place des Martyrs est menée sous la maîtrise d'ouvrage du ministère de la Culture. Celui-ci a confié la maîtriseplan d'ouvrage déléguée à l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels classés (OGEBC). L'opération de fouille archéologique préventive est réalisée par le Centre national de recherche en archéologie (CNRA) et l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) qui ont constitué un groupement archéologique réunissant des chercheurs et spécialistes dans divers domaines. C'est la première fois en Algérie qu'un chantier de fouille archéologique s'étale sur une aussi longue période (27 mois de travaux de terrain) et qu'il engendre une cohabitation conditionnée par le planning de réalisation d'un grand projet de développement en milieu urbain : la station de métro de la Place des Martyrs. La conduite des fouilles archéologiques a pris en considération les contraintes de l'aménageur, l'Entreprise du métro d'Alger (EMA), dont le planning du génie civil. Vestige des périodes berbé́ro-ottomane et berbéro-islamique La fouille archéologique de l'accès nord (répartie en deux espaces de 180 et 250 m2) a révélé la présence de quartiers berbéro-islamique et berbéro-ottoman directement posés sur le substrat schisteux. L'épaisseur de la couche des vestiges mise au jour n'est pas très importante. En revanche, les informations récoltées ont permis d'identifier plusieurs phases d'occupation s'étendant de l'antiquité berbéro-romaine à la période coloniale. La fouille a permis d'identifier et de mettre au jour des vestiges bâtis orientés est-ouest, attribuables à la période berbéro-ottomane. Ceux-ci s'installent sur une canalisation plus ancienne (probablement berbéro-islamique) qui reprend l'orientation des fondations dont l'ampleur laisse supposer un bâti monumental. Le puits de ventilation s'étend sur une surface de 80 m2 pour une profondeur d'environ 2 mètressud. Du côté de l'accès Sud, cette fouille a concerné une surface de 133 m2 pour une profondeur maximale estimée à 7 m. Les vestiges marquants de cette occupation sont constitués de lambeaux de sols d'habitat et, en partie, d'espaces d'artisanat remontant à la période berbéro-romaine (Haut Empire). Une rue d'une largeur de 6 m, orientée nord-sud (cardo), a également été mise au jour à l'ouest du puits. Elle représente un élément remarquable mettant en évidence un axe de circulation majeur de la cité d'Icosium. nordPar ailleurs, la fouille archéologique de la zone nord, qui se trouve sur l'emplacement même du corps de la station de métro, s'étale sur près de 800 m2. Les constructions coloniales se caractérisent par deux bâtiments aux caves très profondes (Hôtel de la Régence et Café Apollon).Le nord de cette rue est marqué par une série de commerces dont les arrière-boutiques reprennent généralement les orientations du bâti berbéro-ottoman sur lequel elles s'appuient. La partie nord de la zone de fouille a livré un îlot d'habitation berbéro-ottoman bordé à l'ouest et au sud par deux rues. Deux grandes citernes, très profondes, marquent la partie ouest et la partie centrale de la zone fouillée. De la période berbéro-islamique, il ne reste que les fondations d'un schéma urbanistique dont le tracé a été repris presque exactement lors de la restructuration du bâti à la période berbéro-ottomane, ayant engendré une perturbation de toutes les structures antérieures (antique et islamique). Dans la partie sud ont été mises au jour quelques tombes berbéro-byzantines. A l'ouest a été retrouvée une partie de la grande voie dallée (cardo), déjà repérée dans la fouille du puits sud. Et, sur le substrat schisteux, dans la partie est, ont été découvertes les fondations (3 m) d'un grand mur (probablement berbère) en forme d'arc de cercle. Du IIe au IXe siècle En exhumant les vestiges conservés sur près de 7 m de profondeur, les archéologues vont écrire 2000 ans d'histoire de ce tombequartier central d'Alger, à proximité immédiate d'Ikosim, ancien comptoir berbéro-punique du IIe-IIIe siècles avant notre ère.Cité autonome de Maurétanie, la ville est passée sous l'autorité du royaume de Juba II. Elle adopte le nom d'Icosium à la fin du Ier siècle de notre ère. L'urbanisme berbéro-romain y apparaît avec la découverte de deux rues dallées orientées nord-sud (cardo). Entre les deux rues, les vestiges d'un bâtiment de grande taille sont mis au jour. Il remonte à la fin du IIe siècle. Sa surface importante (440 m2) et ses deux séries de 6 piliers séparant le vaisseau central des deux bas-côtés, permettent de déduire qu'il s'agit d'un bâtiment public. La dernière étape du bâtiment présente un immense sol mosaïqué dont la mise en place est datée du milieu du IVe siècle. La mosaïque est constituée de deux tapis noir et blanc dans les deux collatéraux et d'un tapis décoré de motifs géométriques dans la partie centrale. Une dédicace comportant huit lignes de texte marque peut-être le centre de l'édifice. A partir de la fin du Ve siècle, on constate un abandon et une rétraction de la ville. En atteste la nécropole berbéro-byzantine du VIIe siècle qui s'est installée sur les ruines du quartier. Elle compte 71 tombes abritant en majorité plusieurs inhumations avec 64 sépultures d'adultes et 48 individus immatures. Forges berbé́ro-ottomanes du Xe au XIXe siècle L'époque berbéro-islamique voit l'installation de nouvelles constructions, celles érigées par les Ath Mezghenna qui recréent au Xe siècle la ville, mais dont il ne subsiste que les fondations correspondant à un schéma d'urbanisme élaboré.El Djazaïr est devenue prospère grâce à son port et connaît son apogée entre le XVIe et le XIXe siècle. Les différents aménagements et constructions sont organisés à partir d'une trame héritée de la période berbéro-islamique. Cette partie de la cité urbaine est constituée, dans la partie occidentale, d'ateliers-boutiques. La partie orientale est occupée par des espaces bâtis consacrés exclusivement à des activités artisanales : les forges et ateliers de ferronnerie. Au sud-ouest, les restes du Beït El-Mal et de la mosquée Es-Sayida constituent la dernière étape de ce secteur majeur de la ville, centre spirituel et politico-économique. Les fondations, puissantes, d'un bâtiment carré sont identifiées comme celles du minaret qui devait jouxter la mosquée vers l'est. Cette partie de la Casbah d'Alger a subi une action de destruction au début de la période coloniale (1830 et 1832). Outre les résultats scientifiques attendus, ce projet sera le reflet pratique de la politique patrimoniale qui a pour but la protection et la valorisation du patrimoine culturel. Les vestiges mis au jour, et représentant différentes séquences historiques stratifiées, seront restitués et valorisés en direction du grand public, à travers la création d'un musée de site intégré à la station de métro. C'est une opportunité unique pour le grand public, notamment les usagers du métro, de prendre connaissance de 2000 ans d'histoire ancienne de la capitale de l'Algérie et de s'approprier son passé, depuis l'antique Icosium à Alger la contemporaine.

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