Une immersion dans un univers musical fait de rock et de pop, revisitant de manière singulière les musiques traditionnelles de la région des Aurès est proposée par le groupe «Ithrane» (étoiles) dans son dernier album sorti récemment sous le titre «El-Mahfel» (la fête). «El-Mahfel», troisième album du groupe, présente une fusion harmonieuse entre le chant chaoui ses rythmes et sa tonalité de voix typique et une instrumentation pop-rock ponctué d'arrangement jazz et de bendir. En neuf pistes, entièrement chantées en Tamazight dans sa variante chaouie, l'album passe de ses propres compositions, au répertoire, revu, de Aïssa El-Djarmouni en passant par des berceuses et des chants traditionnels de la région. Mené par le guitariste Mohsen Ferrah, le groupe restitue l'ambiance des grandes fêtes populaires de manière contemporaine dans des morceaux comme «El-Mahfel» ou «Acha Bouya» (Que s'est-il passé mon père?), des compositions, sur rythmes chaoui, revêtant une mélodie pop rock enrichie de distorsions et d'arrangements jazzy et portées par la voix typique du chanteur Laïb Rabah. Le band explore réellement le chant des rahaba dans son expression la plus authentique dans «Adhrer Loures» (Les montagnes des Aurès) où les musiciens ont réussi à trouver un point de fusion entre le bendir et un habillage contemporaine au saxophone et à la guitare sans toucher à la tradition. Dans «El-Mahfel», les musiciens proposent une ballade, chantant un amour impossible, avec des influences pop intitulée «Idhalli» (hier), ou encore du rock énergique des années 1980 dans le titre «Dorth Fellam» (la roue tourne) où le guitariste Mohsen Ferrah fait preuve d'une grande dextérité et d'une remarquable fluidité dans le jeu. Une touche jazz très prononcée, par des phrasés de saxophone, caractérise le morceau «El-Fouchi» (le fusil) qui garde le rythme chaoui et le son du bendir pour chanter la fierté des chaouis, la gloire des Aguelid de la Numidie et la soif de liberté des ancêtres Massinissa, Jugurtha ou encore la Kahina. Cette importante empreinte jazzy se retrouve également dans «Ouchen» (Le loup), un jazz de composition pour basse et batterie. En plus des trois frères Ferrah (Mohcen, Yazid et Rabah) et du chanteur du groupe, le batteur Hassen Khoualef et le saxophoniste Mehdi Djama ont également participé à l'enregistrement de cet opus qui s'inscrit dans la vague des groupes et musiciens pop-rock d'expression amazigh des années 1980 et 1990 comme que «Les Abranis», Djamel Sabri, «Ichenwiyen» et autre Ali Amrane. Si le contenu musical reste captivant et la fusion conçue intéressante, la jaquette de l'album manque cependant de créativité, se limitant à une simple photo du groupe. Fondé en 1992 le groupe «Ithrane», qui ambitionne de donner un habillage contemporain à une musique traditionnelle par un grand enrichissement instrumental, a déjà édité «Imazighen» en 1993 et «New Tindi» en 2011, en hommage au monument de la musique targuie Othmane Bali disparu en 2005.