Sous l'égide du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, dans le cadre de la manifestation «Constantine, capitale de la Culture Arabe 2015» et, en partenariat avec le Département cinéma de la manifestation, le Centre algérien de développement du cinéma (CADC) et le Commissariat de «Constantine, capitale de la culture arabe», l'avant-première constantinoise, algéroise et oranaise du long métrage «Ibn Badis» du réalisateur Basil El Khatib s'est déroulée, respectivement les mardi 23 mai 2017 à la salle «Ahmed Bey» (Zenith) Constantine, mercredi 24 mai 2017 à l'Opéra d'Alger «Boualem Bessaieh» ainsi que le jeudi 25 mai 2017 à la salle «Essâada» à Oran. Les projections ont eu lieu en présence du réalisateur, de l'équipe artistique et technique. Dans le synopsis initial de ce film, il est dit que : « On ne peut en aucun cas résumer la vie du réformateur du mouvement scientifique algérien en deux heures ; on ne peut également s'empêcher d'accomplir un travail cinématographique sur la vie d'Abd El Hamid Ben Badis. Dans ce film nous avons adopté une nouvelle approche des films biographiques en misant sur l'extrapolation de l'environnement politique et surtout social de Ben Badis afin de rapprocher le spectateur de cette personnalité et comprendre les difficultés endurées dans l'accomplissement de ses buts. Et sachant que l'essence même du cinéma est d'apporter toujours un plus, on ne s'est pas attardé sur les aspects que connaissent les algériens sur cet homme afin qu'ils ressentent sa souffrance et l'ampleur de ses sacrifices. Nous avons axé ce travail cinématographique sur des étapes essentielles de sa vie afin que son expérience humaniste soit l'école de pensée qui révélera à chaque algérien la voie de la lumière. Ce film présente également pour la première fois, de nouvelles approches. » Sans oublier, la liberté de ton imprimée par le scénariste Rabah Drif qui a préféré ici donner une vision poétique du grand « aâlama » algérien dont on aura découvert dans ce film de fiction un caractère inédit, de force tranquille, d'abnégation farouche pour la cause nationale et de sacrifices à l'aune d'une idée d'un peuple libre de choisir son destin. D'emblée, la caméra de Basil Al-Khatib nous donne le ton de superbes ralentis filmés à ras de sol qui installent, dès la scène d'ouverture, des images poétiques malgré la douleur du sujet. Le colonialisme dans toute son horreur sous une pluie battante et des gouttes d'eaux qui giclent autour des pieds nus de prisonniers algériens en marche vers un destin inconnu. Ici, dans le film, Al Khatib et son scénariste choisissent de faire naitre Ben-Badis en réalité, quand il clôt la lecture du saint coran. Une très belle ellipse qui le fait guider la première prière collective sous l'œil brillant d'émotion de son père. Le film va ainsi d'étape en étape nous livrer à travers une très belle image et un casting affolant qui regroupe la fine fleur des comédiens algériens avec d'excellentes nouvelles recrues qui donnent au film une épaisseur inédite dans l'univers des biopics algériens. Youcef Sehaïri incarne avec retenue et intelligence, ce rôle et donne un style serein mais aussi tout en force au récit chronologique mais jamais ennuyant car bourré de rebondissements inattendus. L'émotion reste au rendez-vous avec la subtilité du réalisateur qui appuie toujours son propos dans des tableaux qui annoncent la couleur dans une esthétique servie par des plans très originaux de caméras. Ici, Basil Al Khatib mêle la direction d'acteurs dans une empathie qu'il rehausse de son esthétique particulière. Le Syrien donne au montage toute sa valeur et l'image reste au service d'une poétique élaborée qui, par ses plans, énonce le propos jamais démenti par le jeu des acteurs, très à l'aise sur la plan discursif, entre langage constantinois, arabe littéraire ou français du colon. Le casting très complet nous mène vers de très belles dualités entre les protagoniste-antagonistes, tels que Kechache, excellent dans le rôle du méchant et Ben-Badis (Youcef Seraïhi) très à l'aise dans sa peau de savant réformateur illuminé par une grâce, aussi aidée par des décorateurs qui ont sans doute imposés les plans rapprochés sans que jamais nous n'y fassions attention. Ce récit d'un homme hors du commun a été très fluide par l'entremise de plans esthétiquement efficaces, fondus à leur place et cuts jamais brusques. La galerie de personnages qui entoure le héros principal, comme Yamna, El Djouher, le goual qui impose la ligne de temps et d'espace, le père bienveillant, les personnages troubles qui gravitent dans cette intrigue palpitante, nous tiennent en haleine, donnent de l'émotion, de la rage et de la compassion pour le récit très fluide, en fait. « Ibn-Badis » est un très bon exercice de style qui montre que l'élaboration, l'audace et la mise en abyme à contre-emploi de temps à autre et à bon escient nous laissent dans les yeux et dans les cœurs une très bonne impression d'ensemble, qui nous a mené par la main à découvrir les architectures intellectuelles dont nombre de nos personnages illustres qui ont guidé le peuple par la lettre et la plume. Là où d'autres ont mené une guerre armée. Un juste retour des choses pour la redécouverte à travers la poésie de l'image, et l'esthétique cinématographique complète d'un grand savant qui a fait de sa vie, un long récit...en rejoignant la légende, par la main de Basil Al-Khatib et d'une équipe fabuleuse. A voir à tout prix, le film passera en feuilleton sur la télé nationale. Fiche Technique : «Ibn Badis» Une production du Centre Algérien de Développement du Cinéma dans le cadre de «Constantine, capitale de la Culture Arabe 2015». Réalisé par Basil El Khatib Scénario de Rabah Drif Musique de Salim Dada Ditribution : Youcef Sehairi, Sara Lalama, Souhila Maalem, Mohamed Zaoui, Farouk Boutadjine, Hassen echache, Aziz Boukerouni, Abderahmane Boudia...