De ces grognements de Kelba toute la horde de chiens charge le légionnaire sénégalais. Ils lui coururent après avec des aboiements d'attaque, comme ceux d'une chasse à la cour. Il a failli être renversé par une juva4 de passage lorsqu'il traversa la rue Boisguilbert. Il n'eut son salut qu'au passage d'une Jeep dans laquelle il sauta. Depuis à chaque permission les chiens de Kelba tentent de mordre le mollet du légionnaire sénégalais. Depuis, plus personne ne se moquait de Dramatou. Tous les citadins djelfaouis évoquaient l'histoire de Dramatou et de Kelba sa chienne. Certains vantaient leur loyauté comme exemple. D'autres prenaient comme formule le rire moqueur comme le fait Dramatou pour se défendre. Un beau jour tous les employés municipaux se mettent à nettoyer les rues de Djelfa. Ils tendaient des fils entre les poteaux et façades sur lesquels sont fixées des guirlandes du drapeau tricolore. Sur la rampe qui menait vers le fort CAFFARELLI les préparatifs battaient leur plein. La visite du général Salan était imminente. Dramatou regardait depuis son gourbi en contrebas sur la berge d'Oued mellah les va et vient. Le ballet des cavaliers des spahis ne s'arrêtait pas. Sur ordre de leur chef ils se rangeaient en accueil, épées sur le front et fusil en l'air. Le chef ordonne « feu ». Ils lâchent une salve en l'air. C'est une répétition grandeur nature. Depuis plusieurs heures Dramatou suit le manège. Une idée lui trotte alors dans la tête. Parmi les spahis il y avait un membre d'une tribu antagoniste. Il ne l'aimait pas. Les djelfaouis le surnommaient (sbaissi lazreg el bayoui). D'ailleurs son père s'en est lavé les mains. Le lendemain le jour J le pavoisement se met en place. Les carrées des différents corps d'armes sont formés et les militaires au garde à vous. La fanfare des légionnaires entonne plusieurs airs. Les chevaux barbes juchés par les spahis ne vibraient que lorsque Amar el Ghayat, mobilisé pour la circonstance, jouait un Sadaoui. Dramatou récupère un baudet qui broutait dans le coin. Il le harnache sommairement avec une vielle couverture en guise de scelle. Comme toujours bien rasé, il arrange ses vêtements. Il monte sur le dos du baudet. Le buste droit la tête haute, il fait avancer sa monture. Sur son épaule droite son gourdin. Il avance au milieu de la foule. Les écoliers lui ouvrent un passage. Il avance et s'arrête en dernière minute devant la haie des spahis. Avec précisément devant le cheval du sbaissi lazreg. Personne ne bouge le général descend de son véhicule. Il tombe nez à nez avec Dramatou. Il lui présenta l'arme avec son gourdin en le saluant. Le général Salan lui sourit et lui rend le salut. C'est ce qui sauva Dramatou d'éventuelles punitions. Les élèves de l'école primaire ramenés en pavoisement avec des petits drapeaux Bleu Blanc Rouge. L'élève Brahim Lehziel le chahuteur en sourdine est au milieu. Il rira de cette scène pendant plusieurs jours. Après le départ du général Salan, Dramatou bénéficie d'une tournée dite le tour du monde dans tous les bars pendant six mois. Même le commandant en chef du 4°RT lui offre un casier de 12 bouteilles de Pino des 3 caves de Maison Carrée. Bien plus tard, l'indépendance acquise, Dramatou a vécu les drames des familles qui ont été victimes de Chaabani, Slimane Lak'hal, Boudjadja et d'autres fous. Il avait pleuré comme un orphelin le commandant Benayad qui venait d'être assassiné par Boudjadja sur ordre de Chaabani. Son seul tort c'était d'être de la wilaya historique 4 et Djelfaoui Naili. (A suivre)