La grande marche pacifique, pour exiger la libération des prisonniers du mouvement «Hirak», protester «contre la répression» et maintenir le combat populaire contre le makhzen (pouvoir), a démarré jeudi après-midi à Al Hoceima, dans le nord du Maroc, malgré une forte présence policière, rapportent des médias locaux. Prévu de longue date, l'appel à cette manifestation, annoncée comme la «marche du million», avait été lancé par Nasser Zefzafi, le leader du «hirak» (la mouvance, nom donné localement au mouvement de contestation, ndlr), avant son arrestation fin mai par la police. Si la quasi-totalité des figures de la protestation ont été arrêtées depuis, l'appel à manifester a cependant continué à être relayé par les réseaux sociaux. Selon ses organisateurs, cette «marche pacifique» est destinée à exiger la «libération» des prisonniers du «hirak», protester «contre la répression» et maintenir le combat populaire revendicatif. «L'interdiction de la manifestation pacifique ne semble pas arrêter les habitants des villes et villages avoisinants, qui continuent d'affluer sur Al Hoceima», rapporte la presse locale. «Plusieurs manifestants qui essaient de se rendre à Al Hoceima, en provenance d'Imzouren, Beni Bouayach, Tamassint et les autres villages et villes avoisinantes, sont soit enregistrés dans des fiches rouges, soit interdits de continuer le trajet par les gendarmes ou policiers postés aux entrées de la ville», indiquent plusieurs sources. «Dans les autocars, ceux qui n'ont pas de carte d'identité nationale (CIN) ont été interdits de continuer le voyage pour Al-Hoceima. Pour ceux qui en ont une, c'est à la tête du client», raconte un membre du Hirak, indiquant que «d'autres ont été tout simplement interdits de quitter leur ville, comme c'est le cas d'un autocar à la sortie de la localité de Laroui, et d'un autre à la sortie de Lkassita (une petite localité à côté de Nador, NDLR)». Hakim Saikouk, membre de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH), a expliqué que son équipe et lui ont été «stoppés à trois barrages de gendarmes: Dès qu'on a dit qu'on se rendait à Al-Hoceima, ils nous ont expliqué que la manifestation est interdite et que les pancartes qu'on avait dans la voiture appartiennent à une instance qui n'a aucune existence juridique (le comité national de soutien au Hirak, NDLR)». Après s'être fait enregistrer, ils étaient autorisés à repartir, selon la même source. D'autres ont préféré la voie maritime. Pour rappel, la journée du 20 juillet intervient 24 heures avant l'anniversaire de la bataille d'Anoual, au cours de laquelle Abdelkarim El Khattabi avait infligé une défaite à l'armée espagnole. Pour sa part, Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié et coordinatrice de la Fédération de la gauche démocratique FGD, a soutenu que «l'interdiction de la manifestation d'Al Hoceima est un acte lâche". "Nous étions choqués lorsque des membres du gouvernement ont accusé les militants d'avoir des revendications séparatistes. Aujourd'hui, on interdit une marche pourtant légitime», a-t-elle assuré, soutenant que «ce sont ces agissements qui ne calment pas la population d'Al Hoceima». «L'approche choisie par le gouvernement est inacceptable et lâche. Depuis ce matin, des militants ont été arrêtés en route et empêchés d'arriver à Al Hoceima. C'est inadmissible que des méthodes pareilles soient encore employées aujourd'hui», a-t-elle dénoncé, ajoutant que "le Hirak ne se calmera pas tant que ses détenus ne seront pas libérés". «Aujourd'hui, les gens du Rif se comportent comme s'ils n'avaient rien à perdre. Les détenus mènent une grève de la faim parce qu'ils se foutent de la vie, car celle qu'on leur propose ne vaut pas la peine d'être vécue, alors qu'une poignée de mafieux profite des richesses du pays», a-t-telle regretté.