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La prise en charge médicale et psycho-éducative de l'autiste en Algérie
Publié dans La Nouvelle République le 28 - 09 - 2017

L'autisme prend une ampleur phénoménal en Algérie, le nombre d'enfants atteint par cette pathologie ne cesse d'augmenter d'année en année. Aujourd'hui, cette frange fragile de la société ne bénéficie d'aucun accompagnement. Ces enfants trouvent, en effet, d'énormes problèmes de scolarisation, d'intégration sociale et professionnelle, d'où la nécessité d'augmenter le nombre de structures médicales et éducatives adaptées à ces enfants malades. Et pour mieux comprendre ce que ressentent et vivent nos enfants autistes et de leurs parents, nous nous sommes rapprochés auprès de ces derniers. Rencontrés en marge d'une journée de sensibilisation sur «l'autisme», organisée par l'association «Pour le sourire d'un enfant», auprès du jardin d'essai d'El-Hamma (Alger). Les parents n'ont pas manqué de déplorer le manque flagrant de centres médicaux et psycho-éducatifs spécialisés pour la prise en charge de leurs enfants malades, précisant qu'ils souffrent énormément du manque de moyens financiers pour assurer une prise en charge efficace des enfants souffrant de ce trouble.
Le président de l'association «Pour le sourire d'un enfant», Yacine Iddir à La NR
Le président de l'association «Pour le sourire d'un enfant», Yacine Iddir a estimé que les enfants autistes trouvent, actuellement d'énormes difficultés à la scolarisation, précisant que 90% de ces enfants malades ne sont pas scolarisés. Il a fait savoir, également que les capacités d'apprentissage chez les autistes sont limitées.
Pour cela, ils nécessitent une prise en charge éducative spéciale. L'interlocuteur a tout de même recommandé de l'ouverture de plus des centres médicaux pour la prise en charge médicale de ces enfants, évoquant, également la nécessité d'apporter qualitativement et quantitativement à ces enfants les soins que leur état requiert, dans une prise en compte globale de la problématique de l'enfant et de celle de sa famille.
M. Iddir a, d'autre part, précisé que l'association «Pour le sourire d'un enfant» et depuis sa création en 2014 est impliqué pour venir en aide aux enfants malades ou en difficulté, indiquant que parmi ces activités est d'organiser des campagnes de sensibilisation ainsi que des visites aux centres des personnes âgées et parmi ses projets, il y a lieu de citer : le projet «Dream», un projet en cours, qui vise à réaliser les souhaits des enfants gravement malades en leur offrant la chance d'exercer le métier de leur rêve pendant une journée, a-t-il encore ajouté : «Nous organisons ainsi, des visites de cinq hôpitaux différents pendant une semaine, un programme riche en activités», a-t-il souligné.
Pour ce qui est du nombre global d'autistes en Algérie, M. Iddir a affirmé, que ce nombre augmente d'année en année en Algérie, soulignant que l'Algérie compte (selon les statistiques de 2017), 400.000 personnes présentant des troubles autistiques. Et il n'a pas manqué de préciser, à ce titre, que l'autisme touche 4 garçons sur une fille.
Madiha Benali Benamara, présidente de l'association «Espérance» pour Autiste d'Akbou (Béjaïa)
«L'intégration d'une personne autiste dans le circuit social et professionnel reste très difficile»
La présidente de l'association «Espérance» pour Autiste d'Akbou (Béjaïa), Madiha Benali Benamara a précisé à La Nouvelle République que le diagnostic de l'autisme est difficile à établir vu la diversité des symptômes de cette maladie, ajoutant qu'il n'existe pas un traitement fiable et efficace : «Le seul traitement des enfants autistes est beaucoup plus une prise en charge médicale, psychologique et sociale», a-t-elle expliqué. La même responsable a fait savoir, également que cette maladie rend la vie très difficile aux parents et à leurs famille : «Surtout que l'intégration de ces enfants malades dans le circuit social et professionnel reste très difficile», a-t-elle souligné. Mme.
Benamara a expliqué, également que cette prise en charge de l'enfant autiste consiste en une approche comportementale pour améliorer la communication sociale de l'enfant pour qu'il ait son autonomie et son intégration sociale dans la société. Tout en déplorant le manque de structures assurant le diagnostic et la prise en charge de l'autisme et le manque de personnel qualifié dans ce domaine.
Toutefois, elle a souligné que : «C'est ce que nous souhaitons à travers les activités de notre association qui s'occupe des malades autistes est la création d'un centre de référence pour l'autisme ainsi qu'assurer une prise en charge des autistes adolescents et adultes en leur assurant les formations et de postes de travail adaptés pour une vie meilleure.» Et elle n'a pas manqué, à ce titre, d'évoquer les objectifs de cette association à caractère médico-social, éducatif et culturel : «Notre objectif est d'ouvrir une crèche thérapeutique pour la prise en charge précoce et la généralisation des classes spécialisées pour autistes», a-t-elle conclu.
Autisme
Quel quotidien pour les familles algériennes ?
Avoir un enfant autiste est une souffrance quotidienne reconnaissent les mères d'enfants autistes rencontrées. Ces dernières, désespérées, déplorent le manque flagrant de lieux ou espaces pouvant recevoir leurs progénitures. A cet effet, ces mères nous racontent le stress, la solitude et l'angoisse de leur quotidien ainsi que leur vœu de voir leurs enfants suffisamment développés sur les plans social mais surtout comportemental afin d'intégrer l'école publique. Donc, les parents en général, semblent souvent conscients de la gravité du trouble de leur enfants, car ces derniers trouvent d'énormes difficultés de communications, ils ne se lient pas avec les autres enfants, d'autres autistes ne veulent pas parler. Des souffrances interminables d'autant plus que l'entourage ne comprenaient pas ce qu'était l'autisme...
Selon les statistiques de 2017
En Algérie, 400.000 personnes présentent des troubles autistiques 10% des enfants atteints d'autisme sont scolarisés.
L'autisme touche 4 garçons sur 1 fille.
Témoignages des parents d'enfants autistes
Meriem, mère de l'enfant Adila, 5 ans
«Il faut augmenter le nombre de centres médicaux pour autistes»
Meriem, cette jeune mère estime que sa fille Adila, 5 ans, a été privée d'accès aux soins. Pour elle, il y a un manque du nombre de centres médicaux spécialisés, donc privées, de la chance de pouvoir gagner son autonomie et vivre dignement son handicap.
Farida, mère de l'enfant Acil, 18 mois
«La nécessité de traiter tôt ces enfants autistes»
Je me suis rendu compte que mon fils était un autiste à l'âge de 18 mois, il avait des gestes stéréotypés et répétitifs, il avait des jouets et des cubes qu'il retournait sans arrêts et il les regardait très longtemps et cette situation m'a inquiété. J'ai vu son pédiatre et j'ai commencé à lui faire le diagnostic précoce car il faut bien traiter tôt un enfant précoce pour éviter les complications de cette maladie.
Naïma, mère de l'enfant Rayan, 5 ans :
«Nous sommes très en retard en matière de prise en charge d'enfants autistes»
Je suis la maman de Rayan, âgé de 5 ans. Il a été diagnostiqué «autiste sévère à l'âge de 3 ans ; lorsque ils nous ont annoncé que notre fils ne parlera peut-être jamais, on avait l'impression que le monde s'est écroulé sur nous, aucune crèche ne voulait de lui. Incroyable, il n'y a aucune structure qui veut recevoir notre fils, à vrai dire, nous sommes très en retard en matière de prise en charge des enfants malades !
Fadéla, mère des enfants Hanane, 2 ans et demi, et Achour, 8 ans
«En Algérie, avoir deux enfants autistes est une souffrance quotidienne»
Moi, par contre, j'ai un garçon et une fille autistes et c'est très difficile de les gérer en même temps. Mon fils refuse la nourriture, il n'a pas le réflexe de la mastication, il suce les aliments puis il les rejette... et ma fille ne dort pas la nuit, elle hurle souvent. Avoir deux enfants autistes est un vrai combat et une souffrance quotidienne.
Boualem, père de l'enfant Islam, 5 ans et demi :
«Les enfants autistes sont oubliés»
Dans ce témoignage, le père Boualem raconte que les principales difficultés rencontrées chez un cas d'un autiste est le problème de garde de son enfant, il n'y a pas un centre spécialisé pour enfants autistes, ce qui constitue un frein dans ma progression, d'autant plus que je m'occupe de mon fils, raconte t-il. Franchement, les enfants autistes sont vraiment une tranche oubliée de la société elle ne bénéficie d'aucun accompagnement.
Charaf, père de l'enfant Adel, 3 ans et demi
«L'autisme... un combat de toute une vie» Moi, mon enfant Adel reconnu par des troubles du comportement depuis l'âge d'un an et demi, j'avais remarqué que quelque chose n'allait pas, il ne parlait pas, il n'a pu être accueilli dans une école maternelle pour cause qu'il ralentissait le travail de la classe...
C'est un vrai combat !
Abderrezak, père de l'enfant El-Hadi, 3 ans
«Il faut que le système éducatif algérien prenne en charge les besoins de nos enfants»
Abderrezak, 45 ans, père de l'enfant autiste El-Hadi a estimé que malheureusement le système éducatif algérien ne prend pas en compte les besoins individuels en matière d'enseignement et d'apprentissage des enfants. Par ailleurs, la scolarisation en classe ordinaire n'est pas toujours la meilleure pour l'enfant du fait qu'il est rejeté par les autres élèves. Les enfants autistes ont du mal à rester dans la classe et l'enfant se retrouve seul abandonné il faut qu'il soit accompagné d'une garde ou une auxiliaire de vie scolaire qui s'occupe de lui.
Ahmed Boukraoua, orthophoniste à l'ESP de Djanet
«La scolarisation reste un véritable problème de l'enfant autiste en Algérie»
L'orthophoniste à l'établissement public de santé de Djanet, Ahmed Boukraoua a estimé, lors d'un entretien accordé à La Nouvelle République, que la scolarisation des enfants autistes reste un véritable problème en Algérie, affirmant que ces derniers trouvent d'énormes difficultés à la scolarisation. Le même responsable a précisé que ces difficultés résident dans l'ouverture de classes spéciales à travers le territoire national.
La Nouvelle République : Pour commencer, c'est quoi l'autisme ?
Ahmed Boukraoua : L'autisme est un trouble envahissant le développement de l'enfant et qui affecte les fonctions cérébrales de celui-ci. Il est caractérisé par un isolement et déficit de la communication verbale et non verbale. Les signes autistiques apparaissent chez l'enfant avant l'âge de 3 ans c'est-à-dire à partir de 18 mois.
Quels sont les causes de ce trouble ?
Les causes de cette pathologie ne sont pas encore déterminées. Mais bien sûr, il existe certaines hypothèses étiologiques qui impliquent certains facteurs génétiques, nerveux et environnementales.
Est-ce que le diagnostic de l'autisme existe en Algérie ?
Vous savez que le diagnostic de l'autisme en Algérie pose un grand problème du fait, qu'il requiert l'intervention coordonnée et pluridisciplinaire des professionnels de la santé à savoir : le psychologue, le pédopsychiatre, orthophoniste et l'ORL. Sachant aussi que cette pathologie est l'association de certains signes ou symptômes. Chaque signe pris indépendamment n'est pas caractéristique de l'autisme. Donc, l'autisme exige un diagnostic précoce à partir de l'âge de 2 ans et cela permet la maîtrise de cette maladie et permet aussi d'éviter d'éventuelles complications.
La prise en charge de l'autiste, où en est-on ?
La prise en charge dans notre pays est à ses débuts, je dirais qu'il faut augmenter le nombre de structures et des centres médicaux ou éducatifs spécialisés pour cette tranche de la société. Ces centres devront être dotés de matériels adéquats et aussi, il faut se pencher davantage sur la formation des ressources humaines dans ce domaine.
Est-ce qu'il existe des centres médicaux adaptés à l'enfant autiste à Djanet ?
La situation de l'autiste à Djanet est dégradée et une prise en charge qualifiée insuffisante pour ce dernier à cause de l'absence de structures adaptées à la prise en charge scolaire, éducative et thérapeutique de ces malades. A cet effet, nous demandons pour que l'enfant autiste dans cette localité ait le droit à la prise en charge, à la scolarisation, à l'insertion sociale et professionnelle.
La région de Djanet, compte combien d'enfants autistes ?
Il y a beaucoup de cas d'enfants autistes à Djanet, mais ils ne sont pas déclarés, certains ne savent même pas leurs maladie. Les autres sont obligés de parcourir des grandes distances pour se faire au moins diagnostiquer.
Pourquoi les enfants autistes ne vont pas à l'école ?
Oui, la scolarisation des enfants autistes reste un véritable problème en Algérie. Les enfants autistes trouvent d'énormes difficultés à la scolarisation. Ces difficultés résident dans l'ouverture de classes spéciales à travers le territoire national.
Restons dans le même cadre, on remarque aussi que les crèches refusent, aujourd'hui, les enfants autistes ?
Oui, exactement certaines crèches privées refusent carrément de prendre en charge les enfants autistes. Ces derniers se manifestent par une difficulté à communiquer. Donc, les parents s'épuisent à chercher des crèches spécialisées pour leurs enfants autistes. Certains parents payaient des sommes colossales, mais ces structures privées ne suivent aucune méthode éducative efficace pour ces enfants malades.
Quelles sont les méthodes de prise en charge de l'autisme en Algérie ?
Il existe des méthodes actuellement admises et appliquées en Algérie : la méthode ABA qui consiste à développer les compétences fonctionnelles avec la mise en œuvre des moyens de communication. D'autres approches, telles le Teacch, sont appliquées afin d'améliorer et d'enseigner les compétences quotidiennes aux enfants qui ont des difficultés d'apprentissage.
Entretien réalisé par : Mehdi Isikioune


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