»Pupille», premier roman de Riadh Hadir, invite le lecteur à se projeter dans un futur proche où le monde en «reconstruction» après un conflit dévastateur généralisé voit l'émergence de nouveaux groupes d'intérêts aux fondements idéologiques opposés et qui tentent d'instaurer un ordre nouveau aussi rigide que sournois. Ouvrage de 214 pages paru aux éditions Anep, «Pupille» se dresse comme une allégorie prémonitoire d'un monde en quête de «renouveau», mais sous l'emprise de courants de pensée sectaires qui, versant dans la surenchère extrémiste, finissent par s'enfermer dans un communautarisme meurtrier. Mehdi, adolescent de 15 ans, né d'un mariage mixte en «Union Occidentale», devenu orphelin, est placé dans un foyer pour pupilles de l'Etat en attendant de rejoindre la «milice pour le maintien de la paix». Délié de ses engagements, grâce à l'intervention d'un candidat populiste en campagne dans la «région francilienne», il rejoint sa famille paternelle au «Nouveau Maghreb», un des territoires qui composent le nouveau monde. Arrivé chez son oncle, Mehdi, le «gawri», se heurtera à un choc culturel des plus violents et se rendra vite compte qu'il devra changer de mode de vie dans une société sclérosée, régie par le fondamentalisme religieux où mêmes les prévisions météorologiques sont interdites, car «contraires aux préceptes islamiques». Dans cette nouvelle vie faite de contraintes et d'interdits, Mehdi se liera d'amitié avec Sahouane, jeune homme courageux et Hiba, fille de Khaled, un commerçant pieux en apparence et qui, dans son arrière-boutique, «écoute Cheb Hasni», se livre aux plaisirs gustatifs de la boisson et écoule des produits prohibés (huile d'olive, figues...) de la «République de Kabylie». Résolu à regagner clandestinement «l'Union Occidentale» avec son ami Sahouane, Mehdi sera rejoint par Hiba. La jeune femme, s'étant éprise de lui, rejette désormais l'environnement hostile d'une société obscurantiste, négatrice des droits de la femme. L'aventure risquée, mais légitime, des trois acolytes est restituée par l'auteur qui, à travers quelques haltes, mènera le lecteur dans des contrées lointaines -comme l'«Union Occidentale», préoccupée par les desseins expansionnistes de «l'Empire chinois»- pour constater les inquiétudes et obsessions qui agitent les maitres du nouveau monde. Dans une langue fluide au rythme soutenu, le roman de Riadh Hadir tisse sa trame dans un repère spatio-temporel anticipé s'inspirant de la réalité présente pour suggérer que le manque de discernement dans la pratique de la foi religieuse et l'aveuglement matérialiste exposent l'humanité à de graves périls. Entre un monde régressif, en souffrance, et la technologie sophistiquée d'avant le conflit global, désormais accaparée par des individus ignorants, superficiels et mus par leurs seuls pulsions, le roman fait ressortir tous les travers et contradictions dans ce «monde d'après». Plus généralement, l'auteur incite le lecteur à la réflexion sur les conséquences d'un monde où s'affrontent de nombreux dogmes, en dressant un parallèle entre les extrémismes dans son univers romanesque et l'ordre planétaire en vigueur, générateur de conflits et de désordre. Riadh Hadir, 35 ans, est graphiste de formation.