Le choix n'a pas été fortuit puisque la majorité des visiteurs ont avoué vouloir profiter de la neige qui recouvre les hauteurs du grand Djurdjura, et qui revêt le site de Tikjda de son manteau blanc à la veille de la fête de Yennayer. La splendeur des paysages née des reflets blanchâtres de la poudreuse a attiré vendredi soir et samedi matin des centaines de visiteurs, dont des familles malgré le froid et la chaussée glissante, qui a failli faire des dégâts pour les automobilistes n'était l'intervention des éléments de l'Armée nationale populaire (ANP) et des services de la Gendarmerie nationale pour organiser la circulation sur la route nationale n 30 reliant Bouira à Tikjda. Malgré cet aléa climatique, beaucoup de familles ont réussi à atteindre le centre national de sport et loisir de Tikjda (TCNSLT) avec l'aide et le soutien des services du centre, qui ont mobilisé des véhicules 4/4 et des camions chasse-neiges pour transporter leurs hôtes coincées par la neige dans leurs voitures à quelques kilomètres du site. «Nous avons paniqué, c'était très difficile pour continuer la route vers Tikjda à cause de la neige et du verglas, mes enfants avaient vraiment froid. Je remercie beaucoup les responsables du CNSLT pour leur aide», a confié à l'APS Sid Ali, un quadragénaire venu d'Alger avec sa femme et ses deux enfants pour fêter Yennayer. La célébration de Yennayer sur les hauteurs de Tikjda et en pleine neige «me donne de la joie, c'est vraiment magnifique», s'est-il réjoui. Si Sid Alli et sa famille ont réussi à passer la nuit de Yennayer à l'hôtel Djurdjura de Tikjda, plusieurs autres ont rebroussé chemin à cause de l'absence de lits au CNSLT qui a affiché complet depuis jeudi. «Nous avons reçu beaucoup de visiteurs, le nombre a dépassé les 320 personnes. Le centre a affiché complet depuis hier (jeudi), c'est tout le monde qui vient ici pour passer la fête de Yennayer», a expliqué à l'APS le chargé de la communication du CNSLT, Mohamed Ameziane Belkacemi. L'afflux massif des visiteurs sur la station climatique de Tikjda a créé une ambiance festive. Sur les bordures de la RN n° 33, des centaines de voitures stationnaient pour permettre aux visiteurs, notamment des familles, de s'amuser en jouant avec leurs enfants dans la neige, une occasion pour eux de rompre avec la routine de travail. Les hôtes du Djudjura profitaient aussi de la neige pour immortaliser ces moments de joie en se prenant en photos. Le bruit et les cris des enfants et des familles ont sorti les lieux de leur silence habituel. «Tikjda est un lieu touristique féerique qui nous accueille à bras ouvert à chaque arrivée de l'hiver, nous passons des moments inoubliable ici, c'est formidable», s'est réjoui un groupe de jeunes rencontrés par l'APS à l'intérieur du CNSLT. A l'intérieur de la grande salle du centre, des spectacles de clown et de magie, et un gala artistique ont été organisés en soirée pour célébrer avec les visiteurs le passage au premier jour du nouvel an amazigh 2969 le tout dans la joie et la communion. Le gala artistique a été animé par de jeunes chanteurs locaux qui, avec une série variée de chansons interprétée avec succès, ont pu créer de belles scènes d'ambiance et de danse pour les invités du centre. A minuit de vendredi, la joie était à son comble lors que les familles et tous les visiteurs du centre lançaient les feux d'artifices marquant l'entrée du premier jour du nouvel an amazigh 2969. Yennayer, une fête qui rassemble tous les Algériens L'officialisation de la célébration de Yennayer a permis de «faire échec à toute tentative de dispersion» et le nouvel an berbère «est devenu une fete qui se célèbre dans toutes les wilayas du pays. Il s'agit d'un évènement qui rassemble tous les Algériens», a indiqué le ministre après le coup d'envoi d'une caravane culturelle et artistique de Yennayer qui sillonnera toutes les communes de la wilaya de Bouira. S'exprimant lors d'un point de presse, M. Aissa est revenu sur cette question, expliquant que l'officialisation de Yennayer par l'Etat «était une décision sage» car, a-t-il dit, «elle a bloqué la voie à toutes les tentatives de dispersion et elle a pu rassembler tous Algériens autour de leur identité». «L'Algérie qui a payé un lourd tribu durant la décennie noire et le printemps berbère a su tirer des enseignements grace au processus de la réconciliation nationale engagé avec succès par le Président de la République M. Abderlaziz Bouteflika», a soutenu le ministre qui a présidé le 3ème séminaire national sur le thème «Les efforts des oulémas algériens dans la promotion de la culture amazighe». Mohamed Aissa a loué, par ailleurs, les vertus de la diversité culturelle dont jouit l'Algérie, soulignant que cette diversité «fait la force et est derrière l'union des rangs». L'Algérie, «a su se réconcilier et continue de lutter contre l'intégrisme et la dispersion», a souligné dans ce contexte le ministre, qui avait visité une exposition de produits artisanaux berbères et autres produits du terroir organisé au siège des ex-galeries de la ville de Bouira. Au sujet de l'annulation du fonds de la Zakat dans le cadre de la numérisation du secteur des Affaires religieuses et des Waqfs, Mohamed Aissa a expliqué attendre l'avis des commissions de toutes les wilayas du pays afin de pouvoir prendre une décision finale. «L'année 2019 sera une année de la numérisation pour notre secteur, aussi bien pour le fonds de la zakat comme pour d'autres volets. Ces progrès permettront à tous les usagers du secteur d'en tirer profit», a-t-il dit. Interrogé sur le dossier des transferts administratifs du personnel des affaires religieuses, à l'instar des imams et des Moudarissines (instituteurs), le ministre a tenu à souligner que ce sujet est «très difficile», car, a-t-il relevé, «il est impossible de répondre à toutes les demandes de transfert». Et d'expliquer : «nous allons assainir les situations accumulées depuis 20 ans concernant aussi la prise en charge sociale de certains cas, notamment pour ce qui est du logement», a-t-il dit. Les Algériens se sont réappropriés Yennayer à travers son officialisation «L'officialisation de Yennayer a libéré tout le monde car, au-delà de la journée chômée et payée, à présent nous ne sommes plus dans la revendication, mais, installés dans un fait reconnu. Yennayer est à nous et nous appartient», a déclaré la chercheure en anthropologie culturelle et docteur en philosophie, dans un entretien à l'APS. Tout en estimant que cette décision «consolidera l'unité nationale», la spécialiste des questions liées au patrimoine considère, également, que cette officialisation octroie à Yennayer de cette année un cachet «particulier», comme l'a été celui de 2016, avec l'officialisation décrétée de Tamazight. «C'est une réconciliation, pas uniquement avec son histoire, mais avec soi-même et son identité, car, on ne peut se réconcilier avec soi-même que si on reconnaît toutes les parties de son histoire. Yennayer est un de nos chromosomes qu'il faut remettre en place pour retrouver notre équilibre», a-t-elle expliqué. Elle se félicite que «depuis quelques années, les femmes sortent en robes kabyles pour marquer cette journée que dans les marchés, une décoration spécifique à cette fête existe rappelant celle de Noël ailleurs», alors qu'auparavant, a-t-elle ajouté, les festivités liées à Yennayer étaient plus timides, pratiquaient à huis clos et les conférences organisées à ce sujet n'étaient pas tolérées. Désormais, selon elle, il n'est pas question «uniquement de couscous et de volaille mais de savoir qu'allons-nous en faire. Il y a lieu d'abord de commencer à expliquer Yennayer à tout le monde, ce qui a été déjà fait par le passé, mais pas suffisamment». A présent que Yennayer est inscrit dans l'officiel, il y a lieu ensuite, selon Mme Galleze, de «commencer à écrire l'histoire des peuples à travers cette fête, de chercher les mythes qui tournent autour et de comprendre comment il peut être un élément fédérateur» entre Algériens, relevant que cette officialisation offre «un terrain large et fertile» pour la recherche en la matière. Au-delà de la recherche à effectuer autour de Yennayer, la spécialiste recommande également de «rationaliser» l'autre acquis qu'est l'officialisation de la langue amazighe, considérant celui-ci comme étant «le résultat de nombreuses luttes dont il faut bénéficier». Tout en soulignant que «l'officialisation est quelque chose de sérieux», elle a plaidé pour que Tamazight soit «réellement une 2éme langue officielle et la langue du peuple».