Le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d'union nationale libyen (GNA), Fayez al-Sarraj a dénoncé le soutien «non proportionné» de la France à Khalifa Haftar, se disant «surpris» et «perplexe» face à la position française en Libye. «Nous sommes surpris et perplexes face à la position de la France», a déclaré M. Al-Sarraj dans un entretien au journal du soir Le Monde publié mardi, indiquant que Paris «fournit également un soutien à Haftar avec d'autres pays», sans les citer. Pour lui, «le soutien non proportionné de la France à M. Haftar est ce qui l'a décidé à passer à l'action et à sortir du processus politique», indiquant qu'il s'en ait inquiété auprès du président Emmanuel Macron. «Comment un pays qui aspire à la liberté, aux droits humains et à la démocratie peut-il avoir une position si peu claire à l'égard de notre peuple qui aspire aux même valeurs», s'est-il demandé, faisant observer que plutôt que de «développer notre relation et notre partenariat, nous nous inquiétons de la réputation de la France dans l'opinion publique», du fait de sa position «non claire» et de son «manque de solidarité», a-t-il ajouté. Dans ce climat de crise diplomatique entre les deux pays, Fayez al-Sarraj n'a pas désavoué son ministre de l'Intérieur, Fathi Bach Agha, qui a décidé de suspendre «tout lien» avec la partie française. Dans un communiqué publié par son service de presse, le ministre de l'Intérieur, Fathi Bach Agha, a ordonné «la suspension de tout lien entre (son) ministère et la partie française dans le cadre des accords sécuritaires bilatéraux (...) à cause de la position du gouvernement français soutenant le criminel Haftar qui agit contre la légitimité». A ce sujet, le PM libyen, qui semble embarrassé, selon le journaliste du Monde, a indiqué que «c'est sa décision en tant que ministre, c'est sa prérogative», a-t-il dit, soulignant qu'il ne s'agit rien de plus qu'une crise dans nos relations» qui peut être surmontée «si la France prend la bonne position». Critiquant également l'attitude des Etats-Unis qui soutiennent Khalifa Haftar pour «lutter contre le terrorisme et sauvegarder les champs pétroliers, le chef du gouvernement d'entente nationale (GNA) a souligné que «le conflit actuel oppose les tenants d'un régime militaire et autoritaire à ceux d'un Etat civile garantissant les libertés». Il appelle à un cessez-le-feu, mais admet en même temps que la reprise à court terme de discussions politiques «sera difficile». «Il est sans aucun doute impossible de renouer le dialogue politique dans le contexte des combats», a-t-il estimé en soutenant ses propos par une interrogation : «Comment voulez-vous demander à quelqu'un qui défend sa maison attaquée de déposer les armes en pleins combats ?». Pour lui, la priorité du moment est «d'arrêter les combats et la souffrance de la population», exprimant son scepticisme à la reprise des discussions «avec quelqu'un qui décide subitement de détruire les efforts de paix et de conquérir le pouvoir par les armes». Au moins 264 personnes dont des civils ont été tuées et 1.266 autres blessées depuis le 4 avril dans les combats en Libye, où les forces de Khalifa Haftar tentent de conquérir la capitale, selon un bilan mardi de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Khalifa Haftar a lancé le 4 avril une agression sur Tripoli, siège du GNA, reconnu par la communauté internationale. Les combats se sont intensifiés au sud de la capitale libyenne Tripoli au moment où l'Organisation des Nations unies (ONU) et l'Union africaine (UA) redoublent d'efforts afin de trouver une solution pacifique à la crise. L'ONU qui suit de très près les développements de la situation en Libye a exprimé lundi son inquiétude quant à la violence et à l'intensification que ne cessent de prendre les affrontements entre les forces du gouvernement d'union nationale (GNA) libyen et les troupes du général à la retraire Khalifa Haftar sur le front. «La situation est en train d'empirer (...) avec un rythme ascendant des combats chaque jour», a déclaré Maria do Valle Ribeiro, représentante spéciale adjointe du Secrétaire général de l'ONU pour la Libye, lors d'une conférence de presse. Dimanche, les forces du GNA appuyées par la force anti-terroristes de la ville de Misrata ont pu, à la faveur de «contre-attaques» qu'elles ont menées contre les troupes de Haftar, avancer à Wadi Rabie, dans la banlieue sud de Tripoli. Dans la même journée, sept frappes aériennes ont été menées contre des positions de Haftar, notamment au sud de Gharian, localité sise au sud-ouest de Tripoli, ainsi que contre la base aérienne d'al-Wotya, à une cinquantaine de kilomètres plus loin, selon le colonel Mohamad Gnounou, un des porte-parole de l'armée du GNA. «Le trafic aérien a été suspendu durant plusieurs heures à Tripoli dans la nuit de samedi à dimanche pour des raisons de sécurité», a annoncé l'aéroport de Mitiga, le seul fonctionnel dans la capitale. «A la troisième semaine des combats, on dénombre 254 morts, 1228 blessés et quelque 35 000 personnes déplacées», a précisé la responsable onusienne, qui s'exprimait par visioconférence depuis Tripoli, faisant part par la même occasion de sa «préoccupation» concernant la situation des civils rencontrant des difficultés de fuir les zones de combats ainsi que celle des blessés qui n'arrivent pas à accéder aux soins. Mme do Valle Ribeiro n'a pas manqué d'appeler les pays pouvant avoir une influence sur les parties en conflit d'user de cette influence pour la protection des civils. «Tout pays qui a de l'influence sur les parties devrait l'utiliser pour s'assurer que les civils sont protégés», a-t-elle plaidé.