Ibn Baja, qui vivait certainement sur les restes du non moins célèbre Ziryab, virtuose de Bagdad, était attaché à l'étude de la majorité des sciences de son époque, nous confiait Mohamed El-Bekri Boghniri-Izemis, notre jeune almoravide qui nous rapporte les chroniques de ses ancêtres et les nôtres. En 1118, après la prise de Saragosse par les chrétiens, il s'est rendu à Séville, mais il n'a pas eu de chance car il a été arrêté. Après sa libération, il a marché vers Almeria et Grenade. Là, il s'est fixé pour exercer la médecine, loin des occupations politiques. Contraint de s'expatrier, ne pouvant supporter les pressions des chrétiens, il s'est embarqué finalement pour Oran et s'est rendu par la suite à Fès où il est devenu médecin à la Cour des Almoravides. Il a eu beaucoup d'ennemis et a été accusé d'athéisme et d'hérésie et même d'incompétence dans la pratique de ses sciences. Le biographe El Maqqari écrivait que ses contradicteurs lui vouaient une haine implacable en affirmant : «qu'ils étaient séparés comme l'eau et le feu». Il a trouvé la mort, empoisonné en 1138 à Fès. Mais sa carrière a été riche. Il a composé des ouvrages de mathématiques, de métaphysique et de morale. Ces ouvrages dont les principaux : «Rissalat el-Wada'» (Lettre d'adieu), «Rissalat Tedbir el-Mùtawahid», le (Régime du solitaire) ou «Es-Sima' et-Tabi'i» (L'ouïe naturelle) d'Aristote, étaient très bien jugés et appréciés comme ils faisaient l'objet de référence pour de nombreux savants, notamment pour Averroès. La littérature valait son pesant d'or. La prose et la poésie étaient deux disciplines hautement valorisées par les Andalous, amateurs de beauté, d'esthétique et de nature. De ce fait, si l'époque des Taifas fut une époque de grandes perturbations sur le plan politique, elle fut par contre une période de «décentralisation» et d'aisance dans le cadre du savoir, qui jusqu'alors se focalisait dans une seule province, à Cordoue simplement. En cette époque, celle des Taïfas, et bien avant Ibn Baja dont nous avons évoqué les mérites, les souverains ont contribué de la manière la plus efficace à valoriser la culture et se sont concurrencés pour accéder au plus haut degré de la science et de l'érudition. Ils ont permis à la Cour de devenir plus éclairée. Mais leur penchant allait, plus particulièrement, vers la poésie. Citons El-Mu'tamid, le roi de Séville, celui qui a exalté avec une élégance désenchantée les vicissitudes du destin, la séduction des plaisirs et la mélancolie qui ne laisse pas de s'y mêler. Que disait-il, dans une de ses poésies, «Carpe diem», (Profite du présent, selon Horace) ? Abreuve à coups redoublés ton cœur, car maint malade s'est ainsi guéri, et jette-toi sur la vie comme sur une proie, car sa durée est éphémère. Quand bien même ta vie durerait mille ans pleins, il ne serait pas exact de dire qu'elle est longue. Te laisseras-tu ainsi mener par la tristesse jusqu'à la mort, alors que le luth et le vin frais sont là qui t'attendent ? Que le souci ne se rende pas maître de toi de vive force, alors que la coupe est comme une épée étincelante dans ta main. A se conduire sagement, les soucis vous assaillent jusqu'au plus profond de vous-m-même ; être sage, pour moi, c'est ne l'être pas.» Mais à côté de l'émir-poète de Séville, un souverain très raffiné, il faut citer un des poètes les plus renommés de son époque, Abou El Walid Ahmed Ibn Zeydoun (1003-1071) qui, à travers lui, les écrivains, romanciers et autres chroniqueurs témoigneront, bien plus tard, que «les Andalous aimaient la poésie avec passion et que celle-ci n'était pas l'apanage d'une élite, mais un trait national» Oui, Ibn Zeydoun a grandi dans un climat difficile, ponctué, malheureusement, par des troubles et des guerres civiles qui ont accéléré la décadence du califat omeyyade de Cordoue. En effet, il a passé sa jeunesse dans une ville disputée, après l'effondrement de ce califat et la chute des maîtres du palais amiride, entre les Berbères, les Arabes, les militaires, le peuple et l'aristocratie. Alors, très jeune à l'époque, et fougueux activiste, il a concouru résolument à la chute de ce dernier, par des écrits et des discours enflammés qui ont influencé les jeunes de Cordoue. Cette participation ne passait pas inaperçue car il a été emprisonné, puis libéré et nommé vizir (ministre). Il a effectué également plusieurs missions diplomatiques auprès des Taïfas voisines. Cela n'a pas duré longtemps car, après une mésentente entre le poète et Jawhar, son protecteur, il s'est réfugié chez l'émir de la puissante Taïfa de Séville où il a été son premier conseiller et ensuite son «Katib», à l'image d'un Directeur de cabinet. Le successeur d'El Mu'tamid, son fils, devient l'ami et l'élève d'Ibn Zeydoun. Cette bonne relation est né du fait que le prince était lui-même un grand poète et qu'il appréciait particulièrement les talents de son protégé. Mais pourquoi avoir cité Ibn Zeydoun, dans la présente chronologie historique si ce n'est pour aborder cette fameuse et, d'autres diraient, «émouvante ou tragique» relation amoureuse avec la poétesse «Wallada» dans Cordoue, la capitale rongée par les bouleversements, dans un royaume déchiré par les querelles de ses gouvernants et leurs luttes aux conséquences désastreuses ? Qui fut Wallada, fille du dernier calife omeyyade, dont l'apathie et l'inconscience ont accéléré la chute du Califat ? Elle est née à Cordoue en 994. Elle a vécu presque cent ans (elle décèdera le 26 mars 1091). Son enfance et sa jeunesse se sont passées dans une période de troubles et de guerre civile, qui ont survenu après la mort d'El Mançour en 1002 et qui ont marqué l'agonie du Califat de Cordoue. Le père de Wallada a été assassiné en 1025 à Uclès, sans laisser un héritier mâle. C'était la période aussi d'«aspirations» démesurées des gouverneurs qui allaient droit vers la création de petits royaumes, ces fameuses Taïfas. Wallada a été une grande poétesse, chanteuse et musicienne de talent, et une figure controversée qui semblait n'avoir subi aucune mesure répressive à l'avènement de la dynastie des Bani Jawhar à Cordoue. Elle a gardé son statut de princesse et a continué comme auparavant à organiser chez elle des salons littéraires «Majalis El Adab», où se rencontraient poètes, philosophes et artistes. Et voilà donc que le destin s'est accompli. Ibn Zeydoun et Wallada se sont rencontrés dans ce salon littéraire. Le coup de foudre. Ça a toujours existé ! Ils se sont aimés follement jusqu'à entrer dans la légende des couples célèbres, comme Qaïs et Leila, ou encore, bien plus tard, de l'autre côté de la Méditerranée, comme les amants de Vérone, Roméo et Juliette. La suite ? Eh bien, comme tous les grands amours mythiques ou légendaires qui se terminent, généralement, dans la douleur. Ibn Zeydoun et ses nombreux poèmes voués à la bien-aimée Wallada, sont l'expression même de ce sentiment qui, sans cesse, se renouvelle «et rend l'être aimé encore plus cher, la douleur étant le catalyseur et le reflet de cette passion». Ainsi, dans l'esprit du poète, même Cordoue qui a vu naître leur amour, se confond avec la beauté de sa bien-aimée, pour qui il écrivait : Ô belle Cordoue me sera-t-il donné De retourner à toi ? Que vienne le moment où je te reverrai Tes nuits sont des aurores Ta terre est un jardin Ton sol imprégné d'ambre Safrané, un tapis d'or. Enfin, la poésie de Wallada «est reconnue aussi fine et douce qu'elle l'était elle-même. D'après les récits historiques, elle portait une robe sur laquelle étaient brodés en or des vers d'amour. Elle prenait part aux joutes de poésie en exprimant ses sentiments avec une grande liberté et audace, ce qui lui a valu de nombreuses critiques, bien qu'elle ait aussi eu de nombreux défenseurs de son honnêteté, comme l'auteur Ibn Hazm, auteur du collier de la colombe, et le vizir Ibn Abdus, son éternel protecteur qui est resté, apparemment, à son côté et il l'a protégée jusqu'à son décès», note Rabia Abdessemed, dans Wallada, princesse andalouse (Ed. l'Harmattan). Concernant cette fameuse robe, les historiens rapportent que pour imiter les belles de la cour de Hâroùn al-Rachid elle a brodé sur l'une de ses épaules : «Par Dieu… Je suis apte aux plus grandes choses, et je poursuis fièrement ma route.» Sur l'autre : «J'abandonne à qui m'aime les fossettes de mes joues, et je donne un baiser à qui le désire.» Mohamed El-Bekri Boghniri-Izemis, qui continue sa chronique des temps anciens, s'appesantit par moment, comme il vient de nous le confirmer, sur quelques illustres personnages et livre plus de détails sur leur vie, leurs entreprises et le legs culturel ou scientifique qu'ils ont laissé à leurs prochains, voire à toute l'Humanité. Il n'oublie pas cet autre poète qui, selon quelques renseignements qu'il a glanés çà et là, serait un Sanhadji d'origine. Il s'agit d'Ibn Khafadja, ou Ibrahim Ibn Abi El-Fath (1058-1137). Lui-aussi était un grand poète qui a célébré dans ces poèmes la nature andalouse. C'est le poète qu'on a surnommé «El Djennane» ou «l'amateur des jardins de l'Andalousie». La nature, chez lui, était un être avec lequel il dialoguait pour échanger des sentiments. Il a connu les deux époques, celle des Taïfas et, en même temps, celle des Almoravides. On disait de lui qu'il était très libre, fier et orgueilleux. On disait même qu'il a du sang des Berbères puisque sa famille est originaire du Maghreb central, plus exactement de la région d'Oran et venant de la tribu berbère des Ourighas. Tout cela influait sur son tempérament, ce qui l'éloignait des souverains et de leur protection. Sa poésie est pure, directe, suave, pleine de sensibilité… Il déclamait des vers d'une rare beauté. Il disait : Souvent la nuit nous nous sommes passés de la main à la main le vin, alors que parmi nous courait un entretien aussi suave que la brise qui souffle sur les roses. Nous le reprenions sans cesse, tandis que la coupe embaumait de son haleine parfumée ; mais meilleurs encore étaient les jeux que nous n'arrêtions que pour les recommencer. Mon naql, c'étaient les marguerites de sa bouche ou le lis de son cou, le narcisse de ses yeux ou la rose de ses joues, Jusqu'au moment où [l'ivresse de] la coupe et le sommeil se glissèrent dans son corps le firent ployer pour l'incliner sur mon bras. Je cherchai à offrir à la chaleur qui dévorait mon cœur la fraîcheur de ses incisives. Je vis qu'elle s'était dégagée de son manteau et je donnai l'accolade à ce sabre qui venait d'être tiré du fourreau. Quelle douceur au toucher, quel élancement de taille, quelles vibrations dans les flancs, quel éclat de lame ! En la cajolant, je lutinai le rameau poussant dans le champ sablonneux et je baisais la face du soleil quand il parait un jour heureux. Mes deux mains se promenaient sur son corps, tantôt vers la taille et tantôt vers les seins. Tandis que l'une descendait dans le pli de ses flancs comme en Tihâma, l'autre remontait vers les seins comme pour aller dans le Nejd. Ibn Khafadja était considéré comme «le poète d'El-Andalus par excellence», selon El Maqqari dans son livre «Nefh ettayib». Cependant, lorsque ses cheveux ont commencé à grisonner et à blanchir, avertisseurs de la décadence des forces de l'homme et signes avant-coureurs de la mort, il a changé de style et est devenu plus sage – d'autres disaient pauvre dans son génie poétique –, en modifiant son genre de vie. Ainsi, ses nombreuses poésies n'évoquaient que la canitie. Celle-ci disait-il : «prévient l'homme d'abandonner, s'il ne l'a déjà fait, les plaisirs de cette vie pour songer à l'au-delà». Mais d'autres soutiennent que ce changement, attribué à l'âge, n'était en fait qu'une cause occasionnelle. «La raison profonde de ce silence, semble être la prise de Valence et l'occupation de la province par le Cid. Le poète a été probablement affecté par cette occupation, source d'humiliations et d'injustices. Assurément, sa muse légère, accoutumée à chanter la joie de vivre, s'est trouvée déconcertée par l'atmosphère d'oppression consécutive à la présence de l'ennemi. Ses chants n'étaient plus de saison. Changer d'inspiration, pleurer les malheurs de sa province et prophétiser des temps meilleurs ? Ses goûts l'y portaient peu et la prudence lui conseillait de se taire.», rapportera, plus tard un historien du Maghreb, le Dr. Hamdane Hadjadji. Mais pouvait-il se taire plus longtemps, le poète ? Non ! Ibn Khafadja n'était pas homme à accepter tous les désespoirs et les coups durs du destin. En effet, la principauté de Valence, sa belle région qu'il aimait tant, n'a jamais connu les moments les plus sombres de son Histoire que sous la direction du Cid, un jeune chef militaire d'une cruauté sans pareille. Ce dernier a mené une terrible répression contre de nombreuses personnalités, qui ont été brûlées vives, et contre la population de Valence qui a été amenée, car terrifiée et affamée, à se nourrir «de rats, de chiens et de charognes». Un calvaire, selon les historiens, qui allait durer plus de vingt mois «malgré les tentatives des généraux almoravides pour ramener Valence à l'Islam». A la mort du Cid, en 1099, Valence a connu un autre désastre, celui de Chimène, sa femme, qui était tout aussi cruelle et inhumaine que son défunt époux. N'a-t-elle pas incendié cette belle ville avant de l'abandonner ? Cet acte criminel a bouleversé le poète Ibn Khafadja qui, dans une profonde tristesse, a rédigé les vers suivants : Les tranchants des glaives ont souillé ton esplanade, ô demeure ! Les épreuves et le feu ont effacé tes beautés ! Quand ses yeux se portent sur tes abords, celui qui te regarde demeure longtemps stupéfaits, et verse des pleurs ! Malheureuse terre qui a vu ses habitants s'éloigner précipitamment, ses monuments s'écrouler sous les secousses du destin ! Et me voici récitant pour les seigneurs éminents qui la peuplaient : « Tu n'es plus toi Valence, tes demeures ne sont plus des demeures ! En 1102, c'est-à-dire trois ans après, quand la ville a été reconquise par les Almoravides, Ibn Khafadja célèbre cette victoire par un autre poème, moins triste, qui s'ouvre par ces vers : Et maintenant les nuages de la victoire pleuvent abondamment, et la colonne de la foi, auparavant inclinée, s'est redressée. L'étoile couchée sans remplir notre attente réapparait, messagère du bonheur ; l'époque qui était passée et révolue, renaît pour amener la victoire. Après cet excellent poète, El-Bekri Boghniri-Izemis, n'a pas oublié de citer encore, parmi d'illustres personnages de la florissante Andalousie en matière de culture, quelqu'un qui s'est caractérisé par un genre tout à fait nouveau dans le judaïsme. Il s'agit de Bahya Ibn Paquda qui s'est manifesté dans l'Espagne musulmane entre 1050 et 1080, en écrivant un livre en arabe et en s'inspirant largement des écrits ascétiques et mystiques de l'Islam qu'il adapte au génie particulier du judaïsme. Et c'est dans la traduction hébraïque que des générations de juifs pieux ont puisé la substance d'une théologie nourrie des influences musulmanes des plus précises. Son œuvre a pour titre original : «Kitab el Hidaya ila fara'idh alqùlùb» ou (livre d'introduction au devoir des cœurs). Il écrit dans «l'homme peut-il aimer Dieu ? » : Est-il au pouvoir de l'homme d'aimer Dieu ? Je dis, pour répondre à cette question : L'amour revêt trois aspects : L'un est l'amour qui fait paraître légère aux yeux de l'amant la perle de son argent, mais non de son corps ou de son âme. L'autre lui fait accepter en plus, pour l'aimée, la mutilation du corps, mais en préservant sa vie. Le troisième visage de l'amour rend acceptable la perte des fortunes et des corps et des âmes. Abraham, notre père, prouva son amour pour Dieu de toutes manières ; il fit offrande de ses biens, de son corps et de son âme… Le même auteur a écrit concernant Sidna Ayoub, la fidélité de son amour qui n'apparaîtra que lorsqu'il aura été éprouvé dans son corps et dans sa chair par la souffrance et la douleur…, il a écrit lorsque sa femme lui dit «Maudis Dieu et meurs» : Tu parles comme une femme insensée ; Nous recevons le bien de Dieu, Refuserions-nous le mal qu'il nous donne ? Et notre jeune officier El-Bekri Boghniri-Izemis, de continuer son récit. Il s'attarde également, dans ce volet passionnant, sur l'un des plus grands philosophes arabes du XIIe siècle, Abou Bakr Mohammed Ibn Abd-el-Malik Ibn Mohammed Ibn Tofaïl El-Qaici, (du fait que sa famille est originaire de Qaïs, l'une des plus illustres tribus de l'Arabie), El-Andalouçi (l'Espagnol), El-Qortobi (le Cordouan), El-Ichbili (le Sévillan). Les scolastiques le nommaient «Abubacer», transcription latine de son surnom Abou Bakr. Ibn Tofaïl naquit probablement en 1100 à Guadix que les Andalous appelaient autrefois «Oued-Aïch», une petite ville située tout près de Grenade, au milieu d'une haute plaine très fertile. Elle doit son nom à la petite rivière qui la baigne, l'Oued-Aïch (le Guadix), affluent de la Guadiana Menor qui se jette elle-même dans le Guadalquivir. Il est mort à Marrakech en 1185, du temps des Almohades. Ibn Tofaïl a été homme politique. Il a exercé la fonction de ministre auprès du souverain Abou Yaqoub Youcef et, de par ses qualités professionnelles, il est devenu son premier médecin et ministre, chargé du portefeuille des affaires de la santé et de celles de l'Etat. Il a dirigé une chaire de médecine à la faculté de Grenade, où il a enseigné pendant plusieurs années consécutives. Ainsi, de par ses capacités, dans le domaine de la médecine, et d'après Lissen Ed-Dine Ibn El Khâtib – nous le verrons par la suite –, Ibn Tofaïl aurait écrit, un important ouvrage en deux volumes. Ibn Abou ‘Ouçaïba nous indique qu'Ibn Tofaïl et Ibn Rochd avaient conduit conjointement des recherches portant sur la définition des médicaments, «Rasm ed-Dawa», qu'Ibn Rochd devait composer dans un ouvrage. Ibn Tofaïl avait également un autre ouvrage en médecine, composé de 7700 vers, et qu'on appelle en arabe une «orjouza». Ibn Tofaïl, qui a été aussi philosophe, théologien et astronome a avancé des hypothèses, quatre siècles avant Copernic, qui ont mis en cause le «Système de Ptolémée». Ibn Rochd le cite dans ses météores (Livre II), dans son commentaire sur la métaphysique d'Aristote (Livre XII), attaquant les conceptions de Ptolémée sur les excentriques et les épicycles. Il signale sa contribution importante sur cette question et dit notamment, après avoir fait un grand commentaire : «Ibn Tofaïl dispose, dans ce domaine, de théories remarquables dont on peut tirer un énorme profit». Un autre, et pas des moindres, l'astronome andalou El Bétroji (Alpetragius des Latins), début du XIIIe siècle, dans l'introduction du traité où il cherche à substituer d'autres hypothèses à celle de Ptolémée, parle ainsi de son maître Ibn Tofaïl : «L'illustre Abou Bakr Ibn Tofaïl nous disait qu'il avait trouvé un système astronomique et des principes, pour ces différents mouvements sans admettre ni excentrique ni épicycle. Avec ce système, disait-il, tous ces mouvements sont avérés, il n'en résulte rien de faux. Il avait aussi promis d'écrire là-dessus, et son rang élevé dans la science est connu». Ces reconnaissances étaient de bon aloi puisqu'en astronomie Ibn Tofaïl «faisait montre d'idées novatrices en de nouvelles théories sur la composition des corps célestes et leur mouvement».