Dernier vendredi du mois de Ramadhan et 15ème de la mobilisation populaire algérienne. Des milliers d'Algériens ont investi la rue, encore une fois, pour crier à la justice et au départ des résidus du système politique. Une nouvelle journée de colère d'inscrite dans l'agenda hebdomadaire des manifestants qui reviennent à la charge contre le pouvoir en place et une élection présidentielle improvisée sans passer par la transition. A la justesse d'une explosion populaire d'un mouvement nourri de frustration sociale et de déboire économique, l'Algérie fait face à la plus longue manifestation pacifique de son histoire. Trois mois passés depuis les premières marches contre le cinquième mandat, maintenant nous assistons à une maturation du mouvement, mais également à l'approximation des revendications populaires sociales et économiques celles politiques. Chaque semaine un nouveau slogan s'ajoute à la liste et s'invite à l'arène de la révolte. Chaque vendredi quelle que soit la situation les Algériens sortent sans complexes pour affirmer leur attachement à leur patrie et à leur combat. Ils taillent leur mouvement à la mesure de leur revendication, dont le nombre est de plus en plus accru, en même temps que celui des policiers. Une présence disproportionnée des forces de l'ordre, mobilisées dès le lever du soleil à chaque accès menant vers Alger à été constatée. Ils ont bouclé et quadrillé toute la capitale, mise en quarantaine depuis plus de trois semaines en prévenance des marches. Pour ce 15ème vendredi de contestation, les marcheurs ont anticipé leur acte. 11h00, les premiers manifestants arrivent à la Place Maurice Audin où ils ont observé un rassemblement et formé une tribune pour exposer et échanger leur avis. Un débat en plein air animé par des activistes et des défenseurs des droits de l'Homme, venus en solidarité avec la famille du défunt Kameleddine Fekhar décédé dans la cellule carcérale de l'hôpital de Blida. Un décès qui a suscité le courroux et l'indignation de la société et des manifestants qui ont enterré la semaine dernière un des leurs, mort d'une crise cardiaque. Les portraits de ces défunts étaient fortement présents. Des milliers de Mouzabites sont venus en cette journée de deuil rendre hommage à leur rebelle, Fekhar et exiger la vérité et la justice pour sa mort. «Dr Fekhar est décédé dans l'indifférence totale des autorités. Le crime ne doit pas rester impuni», commente Abdelmoutahid, venu de Ghardaïa, hier soir pour assister à la marche et à l'enterrement de leur symbole politique. 13h24, la Grande-Poste est noire de monde. Les Algérois rejoignent le cortège des manifestants qui a bravé la faim et la soif de ce dernier vendredi de mois de Ramadhan, marqué par un élan de solidarité entre les Algériens qui refusent la division et la ségrégation. «Nous sommes tous Algériens, même patrie et même objectif de déloger ce pouvoir mafieux pour édifier une Algérie meilleure», apostrophe Amel, qui levait le drapeau national dans les airs. L'emblème national de toutes les dimensions est hissé par chaque marcheur, fier et fidèle à sa cause. «Nous sommes infatigables. L'assainissement du pays de ses bourreaux politiques nous motive davantage», s'exclame Islam, qui tenait la main de sa petite sœur qui scandait du bas de son âge, 6 ans, «Système dégage !». La manifestation pacifique des Algériens est devenue virale. Des pancartes et affiches hostiles à Ahmed Gaïd Salah et à ses soutiens pour une élection présidentielle sans transition. Option contestée par le peuple qui a activé son mode action/réaction à chaque déclaration du chef de corps d'armée. «Il n'y a pas de transition avec le système», «Pas d'élection en présence des 3B», «Pour une Assemblée constituante», se sont les slogans familiers à la manifestation du vendredi. 16h00, une foule immense s'empare du centre d'Alger affirmant une fois de plus son attachement à la liberté et à la justice. En plus des revendications populaires d'ordre politique émergent celle d'ordre économique. Des clichés nouveaux apparaissent, scandé par les manifestants témoignent du degré de maturité des citoyens. «Nous voulons une industrie nationale et non empruntée», crie un jeune trentenaire, à sa main gauche, une bouteille d'eau pour se rafraîchir. «Ne cédez pas Anadarko aux Français», une affaire qui a également intrigué le manifestant Omar, administrateur qui conteste «la politique subjective et opportuniste du pouvoir qui dilapide le bien publics dans la halte du ‘'Hirak''». Des slogans nuancés selon l'évolution des évènements politiques. L'Algérie en marche est toujours debout jusqu'à recouvrer sa liberté et restituer son pays. Une autre aventure sous l'épreuve de la chaleur, du jeûne et de la pression policière s'achève dans le calme, sans embrouille.