"Nar" (feu), le nouveau film-documentaire de Mériem Achour Bouakkaz, a agréablement chauffé a blanc, lundi soir, le public de la cinémathèque de Béjaïa, absolument transporté par l'aboutissement et la qualité de l'œuvre. Pour montrer son contentement, celui-ci lui a accordé un long standing ovation, exactement comme dans une sortie de théâtre. «Merci, merci, merci. Sincèrement je ne m'attendais pas à cet accueil», réagissait-t-elle ostensiblement émue, avant de se prêter à l'exercice des questions-réponse et du débat, et qui a donné l'occasion de mieux mesurer les causes de ce succès. Les spectateurs, ont été captivés par la force et la qualité des témoignages recueillis ainsi que la puissance de leurs propos, expliquant sans fioriture l'horreur de ces actes (immolations), les raisons qui en sont à l'origine, et les douleurs familiales engendrées après coup. Sans faire les doctes, ni recourir au jeu de la narration, Bouakkaz, effacé dans le film, a donné libre cours à ses protagonistes, des survivants et des proches endeuillés pour dire simplement, leur mal, leur désespoir. Des témoignages poignants, qui donnent froid dans le dos. Le film s'ouvre sur un cas notoire, celui d'un jeune à Jijel, qui en 2004, a recouru à ce procédé, et dont la mort dans un lieu public a non seulement marqué les imaginations mais a donné lieu à des émeutes. Ultérieurement, le phénomène s'est aggravé, notamment avec l'avènement des printemps arabe en 2010. Le documentaire ne donne pas de statistiques mais certains rescapés, retrouvés dans la région de Constantine, et qui tous ont souligné leurs difficultés alors à supporter les conditions de vie extrêmes qui les caractérisaient. Un chef de famille, père d'une handicapés de surcroit, à ce titre, en a fait l'horrible expérience, en s'aspergeant d'essence, lui et son enfant, avant de faire craquer son briquet dans le hall d'une agence bancaire. Il a été sauvé in-extrémis par les clients qui s'y trouvaient. «Pas de boulot, pas de logement, avec sur les bras une fille que je ne pouvais prendre en charge. Je souffrais terriblement», se souvient-il expliquant que l'obtention ultérieurement d'un logement lui a rendu l'espoir. «je vis désormais une deuxième naissance», en esquissant son meilleur sourire. Lui s'en est tiré, autant que plusieurs autres. Mais beaucoup de jeunes aux prises à des facteurs déclenchant analogues continuent de broyer du noir. Pas de perspectives, proies au chômage et à la pauvreté, ne desserrant les carcans qui les engoncent qu'en allant dans les cafés ou les stades et qui ne rêvent que de «Harga», une autre forme de suicide en somme. Un film bavard , déroulé comme un cri de colère, sur les souffrances indicibles des jeunes et surtout le silence entretenu autour de ce phénomène qui à force de se banaliser, a-t-elle déploré, prend l'allure de prosaïque faits divers alors que «le choix de la mort et le procédé utilisé sont des formes de violences extrêmes», a-t-elle déploré. Le film a été projeté dans le cadre du 17e rencontre cinématographique de Béjaïa.