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Situation socioéconomique, politique et perspectives de l'Algérie 2020/2030
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 10 - 2019

L'Algérie traverse une crise politique sans précédent depuis l'indépendance politique avec les risques d'aller vers une cessation de paiement fin 2021 début 2022 avec des incidence à la fois très graves sur le plan économique, social, politique et des impacts géostratégiques au niveau de la région africaine et méditerranéenne. Le système politique héritée depuis l'indépendance, 1963/2019 tissant des liens dialectiques entre la rente et les logiques de pouvoir, trouve ses limites naturelles, incapable de résoudre les nouveaux problèmes auxquels est confronté le pays, les replâtrages accentuant la crise.
Les partis politiques pouvoir / opposition et les sociétés dites civiles appendices des partis traditionnels se trouvent incapable de servir d'intermédiation politique, non crédibles aux yeux de la population, et donc, de contribuer à la socialisation politique. Cette présente contribution, synthèse de nombreuses interventions nationales et internationales se propose de réaliser un diagnostic de la situation politique et socioéconomique en 2019 et de proposer, très modestement, des pistes de sortie de crise à horizon 2020/2030.
1- Tensions budgétaires et situation socioéconomique
1.1- Toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures a eu des incidences à la fois économiques et politiques comme en témoigne les impacts politiques de la crise de la baisse du cours entre 1986/1990. Le cours du pétrole a subi une baisse brutale depuis le troisième trimestre 2019, étant coté entre 59/61 dollars avant de remonter suite à l'attentat en Arabie Saoudite à plus de 67 dollars mais ayant connu une stabilisation par la suite étant coté le 21 septembre 2019 à 64,32 dollars et celui de WTI, de 1,13 % à 58,67 dollars.
Le cours sur le marché libre du gaz naturel qui représente 33 % des recettes de Sonatrach entre 2018/2019, a été coté le 21/08/2019 à 2,53 dollars le MBTU ayant fluctué ces 12 derniers mois entre 4,93 et 2,06 le MBTU, où à ce cours l'Algérie peinera à couvrir les frais de production. Concernant la structure de la balance commerciale pour 2018, les importations ont été de 46,19 milliards de dollars US soit une très légère hausse de 0,30 % par rapport aux résultats de l'année 2017.
Les exportations ont été de 41,17 milliards de dollars US, en augmentation de 16,98% par rapport aux résultats de l'année 2017 grâce à un cours moyen de 70 dollars le baril. Cela s'est traduit par un déficit de la balance commerciale durant la période de l'année 2018 de l'ordre de 5,03 milliards de dollars US et un taux de couverture des importations par les exportations de 89% durant l'année 2018, contre un taux de 76% au cours de l'année 2017.
Les hydrocarbures ont représenté l'essentiel des exportations à l'étranger durant l'année 2018 avec une part de 93,13% du volume global des exportations, les exportations hors hydrocarbures ayant été évaluées à 2,83 milliards de dollars US. Pour le premier semestre 2019, les tendances profondes n'ont pas changé dans leurs structures.
La balance commerciale de l'Algérie a enregistré un déficit de 3,18 milliards de dollars durant le 1er semestre 2019, contre un déficit de 2,84 milliards de dollars à la même période en 2018, selon les douanes algériennes. Pour les importations, elles ont atteint 22,14 mds usd, contre 23,14 mds usd, enregistrant une faible baisse malgré toutes les mesures bureaucratiques prises, avec notons le baisse une baisse de la facture carburant mais qui pose avec la forte consommation intérieure la problématique des subventions généralisées nécessitant un ciblage et un nouveau modèle de consommation énergétique.
Les exportations algériennes ont atteint 18,96 milliards de dollars (mds usd) durant le 1er semestre de 2019, contre 20,29 mds usd à la même période de 2018, soit une baisse de -6,57% ayant assuré la couverture des importations à hauteur de 86%, contre 88% à la même période de l'année 2018. Pour les exportations hors hydrocarbures, y compris les dérivées d'hydrocarbures, elles restent toujours marginales, avec près de 1,31 md usd le 1er semestre 2019, contre 1,45 md usd à la même période en 2018, moins de 350 millions de dollars si l'on soustrait les dérivées d'hydrocarbures.
Les hydrocarbures représentent toujours l'essentiel des ventes algériennes à l'étranger au cours du 1er semestre 2019 (93,10% du volume global des exportations et plus de 98% avec les dérivées, en s'établissant à 17,65 mds usd, contre 18,84 mds usd à la même période 2018, en baisse de (-6,31%). Au vu de la tendance du premier semestre 2019, dans l'hypothèse d une moyenne annuelle d'environ 60/65 dollars le baril pour le pétrole et 3/5 dollars le MBTU pour le gaz, donnerait une recette Sonatrach avoisinant 30/35 milliards de dollars. Mais, le document de référence est la balance de paiement, la balance commerciale ayant une signification limitée.
Selon la banque d'Algérie, au cours des 9 dernières années, les importations de services ont fluctué entre un bas de 10,776 milliards de dollars (2013) et un haut de 11,696 milliards (2014) dont la facture fluctue entre 2010/2018 entre 10/11 milliards de dollars annuellement qui impacte négativement la balance des paiements dont le transport maritime (2,95 milliards de dollars en 2018), le BTP (2,65 milliards de dollars en 2018) et l'assistance technique (3,22 milliards de dollars en 2018). Bien que la dette extérieure soit d'environ 1/2 % du PIB, nous assistons à la baisse drastique des réserves de change, Rappelons que la loi de finances 2019, prévoyait, pour la période 2019-2021, une baisse des réserves de change à 62 milliards usd en 2019, puis à 47,8 milliards usd en 2020 pour atteindre 33.8 milliards usd en 2021.
Or avec la crise politique qui non résolue paralyse l'économie, ces prévisions risquent de ne pas être concrétisées. En effet, nous avons eu une baisse d'environ 7 milliards de dollars entre janvier et avril 2019 et à ce rythme la baisse fin 2019 serait de 21 milliards de dollars. Les investissements directs étrangers fléchissant à cause de la crise politique et au rythme de la dépense publique qui tire à plus de 80 % la croissance, les réserves de change risquent de fondre début de l'année 2022.
En effet nous avons l'évolution suivante :
- 2012 :190,6 milliards de dollars
- 2013 :194,0 milliard de dollars
- 2014 :178,9 milliards de dollars
- 2015 :144,1 milliards de dollars
- 2016 : -114,1 milliards de dollars
- 2017 : 97,3 milliards de dollars
- 2018 : 79,88 milliards de dollars
- fin avril 2019 : 72,6 milliards de dollars
- fin 2019 : 58/60 milliards de dollars au rythme d'une sortie de devises de 21 milliards de dollars/an (prévision).
- fin 2020 : 36/38 milliards de dollars (prévision)
- fin 2021 : 16/18 milliards de dollars (prévision)
- premier semestre 2022 –hypothèse de cessation de paiement (prévision). Cette baisse des réserves de change a un impact sur la la cotation du dinar.
Contrairement à certaines déclarations hasardeuses récentes comparant le non comparable (pays développés) le cours du dinar officiel 1990/2019, est corrélé aux réserves de change, via les recettes d'hydrocarbures à plus de 70%. Pour toute comparaison, l'on devra se référer non aux pays développés (réserves de change faible, mais une structure productive) mais à l'expérience vénézuélienne. C'est que 70/80 % des besoins des entreprises publiques et privées ainsi que des besoins des ménages proviennent de l'extérieur, le taux de croissance, le taux d'emploi dépendant de la dépense publique via les hydrocarbures.
La période antérieure n'étant pas significative (cotation administrative en 1970 avec 5 dinars un dollar), récemment de 2001 à juillet 2019 la cotation est la suivante :
2001, 69,20 dinars un euro, 77,26 dinars un dollar
- 2002, 75,35 dinars un euro, 69,20-dinars-un-dollar
- 2008, 94,85 dinars un euro, 64,58 dinars un dollar
- 2014,106,70-dinars-un-euro,-80,06-dinars-un-dollar,
- 2019 (21 septembre) une cotation- cours achat de 132,62 dinars un euro et de 119,96 dinars un dollar et sur le marché parallèle, l'écart avec le cours officiel est d'environ 50% dépendant de l'équilibre offre/demande.
Le gouvernement vient de décider en ce mois de fin septembre 2019 d'abandonner le financement non conventionnel, où sur les 6 556,2 milliards de dinars mobilisés par le Trésor public auprès de la Banque d'Algérie (BA), au titre de la mise en œuvre du financement non conventionnel entre la mi-novembre 2017 et fin janvier 2019, environ 3 114,4 mds de DA ont été injectés dans l'économie, soit près de 50%. Sur le plan budgétaire en cas de non recours au financement non conventionnel s'offrent trois solutions : une plus grande rigueur budgétaire avec la lutte contre le fléau de la corruption, l'endettement extérieur ciblé et le dérapage du dinar par rapport au dollar et à l'euro qui permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire, cette dernière accentuant l'inflation étant supportée par le consommateur final comme un impôt indirect.
En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la banque d'Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d'inflation entre 300/400 dinars un euro, ce qui accélérera le processus inflationniste. Il s'ensuit que la croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l'Algérie.
Comme je l'ai souligné dès sa mise en œuvre, après des discours euphoriques sur le bienfait du financement non conventionnel de certains experts organiques, ce mode de financement risque de conduire le pays vers une dérive inflationniste à la vénézuélienne (devant comparer le comparable) avec des incidences économiques, politiques et sociales négatives, les slogans politiques étant insensibles aux lois économiques applicables dans tous les pays et l'Algérie ne fait pas exception.
Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme tout en favorisant, contrairement à certains discours, la baisse la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars, (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d'intégration ne dépassant pas 15/20%) ces dernières se porteront importatrices, la poussée inflationniste n'étant pas encore perceptible entre 2018 et septembre 2019.
1.2- Ce qui m'amène à analyser l'impact de la décision du gouvernement de ne plus recourir au financement non conventionnel Comme je l'ai souligné dès sa mise en œuvre, après des discours euphoriques sur le bienfait du financement non conventionnel de certains experts organiques. Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme tout en favorisant, contrairement à certains discours, la baisse la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars, 70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d'intégration ne dépassant pas 15/20%, ces dernières se porteront importatrices en devises.
Le gouvernement vient de décider en ce mois de fin septembre 2019 d'abandonner le financement non conventionnel, où sur les 6 556,2 milliards de dinars ( environ 56 milliards de dollars au cours de 118 dinars un dollar) mobilisés par le Trésor public auprès de la Banque d'Algérie (BA), au titre de la mise en œuvre du financement non conventionnel entre la mi-novembre 2017 et fin janvier 2019, environ 3114,4 mds de DA (26,38 milliards de dollars au cours de 118 dinars un dollar) ont été injectés dans l'économie, soit 47,50%. Le non recours au financement non conventionnel pour éviter les tensions budgétaires pourrait s'articuler autour de huit axes.
- Premièrement, accroitre la production et la productivité interne et attirer l'investissement étranger mais cela demandera plusieurs années, si l'on met en place une autre politique économique.
- Deuxièmement, un cours supérieur à 90 dollars le baril et accroire les exportations d'hydrocarbures. Mais, outre le respect du quota de l'OPEP par l'Algérie les prévisions internationales pour 2020 donnent un cours entre 60/65 dollars, moins, en cas de la résolution des tensions commerciales entre les USA et la Chine.
- Troisièmement, une plus grande rigueur budgétaire dans l'allocation ciblée du financement, impliquant une planification stratégique qui fait défaut.
- Quatrièmement, un endettement extérieur ciblé pour des projets créateur de valeur ajoutée.
- Cinquièmement, lutter contre la corruption et les surfacturations, et dans ce cadre, il faut se demander pourquoi le faible impact de la dépense publique entre 2000/2018, plus de 1.100 milliard de dollars (part dinars et devises) sur la sphère économique et donc sur la sphère sociale.
(A suivre)
Professeur des universités, Dr Abderrahmane Mebtoul ancien haut magistrat


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