Le nouveau Président élu a devant lui de très nombreuses questions à résoudre dans les meilleurs délais. Tout est marqué du sceau de l'urgence tant le pays est en panne sèche. Il est évident pour tous que la mère des réformes politiques reste celle qui concernera la Constitution. D'ores et déjà le président de la République a donné le sens de ses orientations en indiquant très clairement qu'il ira vers une limitation à deux mandatures, une diminution des prérogatives du Président, une séparation des pouvoirs, un rééquilibrage institutionnel entre les Chambres électives, des dispositifs anti-autocratiques et cela va sans dire, des mécanismes de transition régaliens plus précis en cas de crise majeure comme le pays en a vécu ces derniers mois. Il est donc certain que le débat politique des prochaines semaines s'articulera de manière dominante autour de la réforme constitutionnelle et émergera alors un paysage idéologique qui ne sera pas la transcription politique de la sociologie électorale qui a mis Si Abdelmadjid Tebboune dans un fauteuil présidentiel pour diriger légitimement le pays. Bien au contraire, nous verrons, paradoxalement, des forces politiques ultra-minoritaires tenter d'imposer leur lecture de la situation nouvelle créée par la réussite évidente du processus électoral, réflexions amères d'un bloc hégémonique au pouvoir, issu d'un rapport culturel au néo-colonialisme qui n'est pas sans rappeler l'influence démesurée des Pieds Noirs sur le Gouvernement Général d'Alger par rapport à la métropole en des temps passés que notre mémoire collective n'est pas prête d'oublier. Le Président Si Abdelmadjid Tebboune est pris dans une tenaille sournoise. Il a été élu pour reformer par une base sociale arabophone, profondément croyante, se trouvant essentiellement dans des régions qui ne furent colonisées que tardivement. La langue française n'y est pas parlé ou très peu et ne joue donc pas un rôle de reproduction des élites culturelles, avec ses dimensions de préservation d'intérêts de classe et de problématiques identitaires, comme c'est le cas pour des raisons variées à Alger, Tizi-Ouzou, Béjaïa, Oran, Annaba voire Constantine. Or, l'Etat et ses diverses administrations centrales ainsi que les forces idéologiques qui tiennent l'économie nationale aussi bien dans le secteur public que dans le privé sont essentiellement «animés» par des dynamiques culturelles francophones voire francophiles, libérales, agnostiques pour ne pas dire laïques avec un contenu anti-arabe et anti-islamique faisant la jonction avec les courants berbéristes actifs au sein de la Nation, alimentés continuellement par les forces à l'œuvre dans la communauté algérienne en France, déracinée par une puissante école laïque broyant tous les particularismes sauf celui de la religion lorsque nos filles lèvent, avec persévérance, en signe de protestation, le voile islamique pour affirmer leur droit inaliénable à la différence. Si le Président Abdelmadjid Tebboune est incontestablement majoritaire dans la pays, où les logiques d'homogénéisation des imaginaires collectifs se sont réalisées grâce à la massification de l'enseignement en arabe dans les écoles jusqu'au niveau des bacheliers, le premier magistrat est désespérément solitaire au niveau de responsabilité qui est le sien, en l'absence de relais politiques qui viendraient nourrir son gouvernement lui permettant de donner au contenu de ses réformes la puissance sociale et culturelle issue de sa jeune base élective qui lui garantirait le succès de la mise en application des justes directions qu'il cherche à proposer à la Nation. Ce phénomène d'isolement relatif de Si Abdelmadjid Tebboune est renforcé par deux facteurs. En premier lieu, il ne peut pas s'appuyer politiquement sur l'ANP, administration totalement arabisée, dans la mesure où son rôle constitutionnel, en tant qu'institution régalienne la place nécessairement à grande distance de la politique. La séparation des pouvoirs promise entre l'exécutif, le judiciaire et le législatif ne fera qu'augmenter - contrairement à ce que veut faire croire la propagande du parti des nouveaux Pieds Noirs et des anciennes mentalités de la confiscation de la parole populaire - la fermeture institutionnelle de l'Armée sur elle-même, se concentrant sur ses missions de défense nationale loin des compromissions inhérentes au monde politique. En second lieu, les forces de l'argent sale qui cherchent à abattre l'Etat-National n'ont absolument pas désarmés et se déploient dans deux directions. D'une part elles ont acheté, depuis 1991, les cadres dirigeants des partis politiques du FLN au RND en passant par Hamas, El-Adala, le FFS, le RCD avec pour objectif ultime évident de les discréditer (beaucoup d'entre eux sont désormais en prison et tiennent compagnie à leurs bailleurs de fonds bien au chaud à l'hôtel de la République). La manœuvre est limpide. Il s'agit pour ces porteurs de sacs de plastique bourrés de billets de banque de faire fuir les bases sociales de ces partis dont ils ne veulent absolument pas, par haine viscérale, de la multitude et du peuple, escomptant par ruse, sur le réflexes atavique anti-corruption des masses paupérisées mais politisées pour vider les partis de leurs adhérents et dans la foulée aller ensuite pérorer dans les studios de radio et de télévision sur la désaffection supposée mondiale de la chose publique. Dans le même temps, ce mur de l'argent sale cherche grâce à sa puissance matérielle à faire émerger des associations qui portent en réalité son programme idéologique (Nabni, RAJ, CNLD, SNAPAP etc.) pour imposer à l'Etat-National des orientations fédéralistes qu'il avance comme provenant de la base alors que ces associations ne représentent en réalité qu'elles-mêmes. Les manipulations de l'argent sale La description de cet état des lieux serait bien incomplète, si les convergences entre l'argent sale et les forces politiques essentiellement berbéristes et libérales prenant les formes du fédéralisme - s'exprimant donc sur le plan politique bien au-delà de leur simple dimension ethnique pris au sens culturel – ne réalisaient pas leurs synergies au travers de l'instrumentalisation de la langue française dans une pratique active de la suprématie sociale d'un bloc hégémonique, en proximité d'intimité avec la France qui, certes, se trouve en perte de vitesse sur le plan économique mais reste un acteur culturel de premier plan au niveau mondial. Le succès fulgurant dans les régions francophones en Algérie de la chanson de Soolking (Liberté) constitue l'illustration la plus parfaite de ce que cherche à imposer comme niaiseries idéologiques à l'Etat-National la puissance culturelle de la France à la recherche active de l'élargissement des failles culturelles béantes laissées ouvertes par la République Algérienne Démocratique et Populaire. Cette stratégie du «containement» contre la Présidence afin de l'isoler de ses bases sociales populaires électives qui cherchent désespérément une participation réelle dans des cadres politiques honnêtes et sincères, se voit matérialisée par la dénégation du processus électoral contre toute objectivité, par l'exigence d'élections législatives anticipées réclamées à corps et à cris par ceux-là-mêmes qui furent vent debout contre les élections présidentielles pour manipuler la réflexion sur la réforme constitutionnelle et enfin argument à leurs yeux massue, par l'agitation du spectre intégriste faisant de Si Abdelmadjid Tebboune et du Chef d'Etat-Major Gaïd Salah les tenants d'un fanatisme rampant qui ne voudrait pas dire son nom… C'est oublier bien légèrement que la situation qui prévaut de nos jours n'est en rien comparable avec celle du début des années 1990. L'Etat a encore des moyens financiers appréciables et possède des marges de manœuvre budgétaires qu'il peut mettre en œuvre à tout moment par une politique fiscale intelligente tant la valeur monétaire de l'unité énergétique est basse. De plus, l'intégrisme djihadiste internationaliste est défait partout sur la Planète à tel point qu'il n'exerce plus qu'une fonction d'appendice sécuritaire à un certain nombre de grandes puissances en mal de remodelage des rapports de force régionaux suivant leurs intérêts de contrôle des ressources énergétiques et des matières premières rares. Enfin, c'est faire totalement l'impasse sur la signification profonde du pacifisme du «Hirak» auquel l'ANP et les forces de sécurité ont répondu par un pacifisme encore plus grand. Le pacifisme, une initiative d'ordre stratégique En effet, le pacifisme qui a surgi des profondeurs sociales de l'urbanité et de la jeunesse éduquée s'avère une telle initiative d'ordre stratégique de notre peuple qu'il est en train de paver la voie à un dialogue socio-politique inédit dans ce pays, faisant du consensus et de la non-violence une pratique largement partagée. De ce point de vue la perspective d'une prise de pouvoir par la force par un quelconque groupe (y compris djihadiste radical populiste) est maintenant totalement rejetée par l'ensemble du mouvement social sans même souligner la pusillanimité d'une telle option dans un environnement de maîtrise totale par les forces de l'ANP, pour le plus grand bien des expressions de la démocratie, de la situation sécuritaire dans le pays qui a vu la défaite politique sans appel des directions militaires laïques, francophones, corrompues. Aussi, un débat réellement démocratique peut désormais s'instaurer entre les enfants du pays et trouver dans la Constitution ses translations en faisant sauter «le verrouillage» imposé par les constitutionalistes de la bande et de ses relais, se présentant sans vergogne sous le visage de «démocrates», pour imposer à l'expression populaire souveraine, une prééminence politique du Sénat, c'est-à-dire une assemblée non élue, pour l'essentiel désignée par le fait du Prince, en violation caractérisée des droits démocratiques du peuple algérien. Reste que les forces de l'argent sale, celles qui ont pignon sur rue et dont les produits se vantent dans des publicités télévisuelles ont plus d'un tour dans leur coffre-fort du marché noir et de l'action économique de la clandestinité. Elles s'expriment des deux côtés de la force matérielle, celle officielle de la facture déclarée et celle obscure du marché de gros où seules comptent les balances de précision pour non plus dénombrer mais peser les liasses de billets de banque. Et en bon commerçants, elles maintiennent toujours plusieurs fers au feu. Si elles venaient à échouer dans leur manœuvre d'encerclement de l'action présidentielle, elles n'hésiteront pas à agiter le spectre de la sédition comme elles le font en Kabylie mais aussi dans notre Grand Sud pour tenter de fourvoyer l'action de redressement national. Nous sommes à la veille d'une décantation politique significative. Elle monte des tréfonds de la Nation bien que nous n'en distinguions pas encore les formes. Les mesures sans précédent que souhaite prendre le président de la République pour financer les campagnes électorales d'une jeunesse représentative de son peuple et de son temps se veulent des instruments efficaces d'accompagnement du renouvellement d'élites politiques embourbées dans les compromissions avec l'argent sale. En attendant que ces actions de l'Etat prennent corps et produisent leurs effets positifs, Il serait plus sage de proposer les discussions autour de la réforme constitutionnelle aux cercles les plus larges possibles, y compris les assemblées parlementaires actuelles, avant d'en réaliser une mouture fidèle par des constitutionalistes qui ne soient pas les porte-voix de leurs maîtres d'outre-Méditerranée et de leurs thuriféraires locaux, Pieds noirs de la génération 2.0. Ensuite, il sera temps de reprendre notre construction démocratique en commençant par la base, c'est-à-dire par l'échelon communal avant d'accéder au niveau de Wilaya pour enfin déboucher dans deux à trois ans sur des élections législatives. Pour cela, il est indispensable de préserver au président de la République sa capacité de dissolution des assemblées locales, de Wilaya et Nationales. Le référendum populaire sanctionnera cette nouvelle Constitution d'une légitimité qui sera largement suffisante dans l'actuelle étape délicate de transition démocratique que nous traversons en évitant les écueils déplacés au gré des desiderata des puissances régionales qui n'arrivent toujours pas à accepter leur défaite face à un «Hirak» qui aura redonné la souveraineté populaire à sa Nation de la manière la plus intelligente et la plus civilisée qui soit en alignant l'ANP et la Présidence sur des tendances novembristes enfin homogènes, fait inédit depuis des décennies, en attendant l'intrusion dans des représentations enfin libérées des forces de l'argent sale et du fédéralisme, du peuple bouillonnant d'énergie et d'enthousiasme de l'Algérie éternelle.