Baccalauréat professionnel : rencontre de coordination entre MM. Sadaoui et Oualid    Président de la BID : "l'Algérie est l'un des contributeurs majeurs de la Banque et nous contribuerons à son développement économique"    Attaf reçoit l'Envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie en Tanzanie    Algérie-France: "reconstruire un partenariat d'égal à égal"    Palestine: appel à une grève générale lundi pour exiger la fin de l'agression sioniste contre Ghaza    El-Bayadh: inhumation du Moudjahid Abdelkader Aïssaoui    Les bénéficiaires de pensions ou d'allocations de retraite nés au mois d'avril appelés à renouveler leurs documents justificatifs    Judo: l'Algérien Khaled Ouennouf souhaite briguer un poste au sein de l'Union Arabe de Judo    Aviron: l'Open des Skiffs 2025 les 11-12 avril à Mila    Renforcer la communication entre l'ONSC et la société civile pour promouvoir l'action participative    Mouloudji reçoit le président de l'ABEF    Mascara: le Moudjahid Zougart Abdelkader inhumé    Air Algérie: lancement du vol inaugural Alger-Abuja    Journées Cirta du court-métrage à Constantine: la 1e édition du 12 au 15 avril    Film sur l'Emir Abdelkader : le ministre de la Culture et des Arts insiste sur la qualité internationale et le respect des délais    Saisie de deux kilos de kif et de cocaïne    Pourra-t–elle contribuer à une relation apaisée entre l'Algérie et la France ?    Une liaison hebdomadaire vers les ports d'Alger et de Béjaïa durant la prochaine saison estivale    Le PCF exige l'application de la loi    Sansal ou l'espionnage plumitif au service de l'ancienne puissance coloniale ?    Des entreprises mises en demeure    Projets de réalisation de chambres froides    Avec Macron la guerre en Russie m'attend, m'atteint, m'éteint    Kevin De Bruyne est-il le meilleur joueur de l'histoire de Manchester City ?    Aménagements annoncés à Belacel    L'Algérie dépose un dossier d'inscription auprès de l'Unesco    Athlétisme/Lancer du marteau: l'Algérienne Zahra Tatar signe un nouveau record national (70.82 mètres)    Saihi examine avec le DG de l'OMS les moyens de renforcer la coopération sanitaire    L'ONU exige des explications    La présidente de l'ONSC reçoit des représentants de plusieurs associations nationales et locales    Les Usmistes ont toutes les chances de jouer la demi-finale    Les leaders des deux grLes leaders des deux groupes face à leur destinoupes face à leur destin    Le «macronisme» ou la fin inéluctable des régimes anachroniques et du mythe néocolonial français    « Toutânkhamon, l'exposition immersive »    La bataille de Djebel Béchar, un acte d'une grande portée historique        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«La Route de la faim», par Ben Okri
Littérature classique africaine
Publié dans La Nouvelle République le 31 - 05 - 2020

Héritier de la riche tradition littéraire de son pays, le Nigérian Ben Okri donne avec «La Route de la faim» l'un des romans les plus marquants et les plus inventifs de la littérature africaine moderne. À travers les aventures d'un enfant-esprit de la mythologie yoruba, qui renonce à son immortalité pour vivre la fascinante mais tragique réalité du monde, ce roman met en scène les heurts et malheurs de l'Afrique contemporaine où la misère gagne sur la brousse.
Œuvre d'un jeune auteur de 32 ans, ce conte contemporain, à l'écriture hallucinée et poétique, est souvent comparée aux Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Gros succès de librairie pour La Route de la faim de Ben Okri. Ce livre, qui fait plus de 600 pages, s'est vendu à plus d'un demi-million d'exemplaires et a été traduit en une vingtaine de langues. Il faut rappeler aussi que ce roman, paru en 1991, a été couronné par le Booker prize, la plus haute distinction littéraire britannique, équivalente en France du prix Goncourt. Avec son récit dense qui raconte l'histoire peu commune d'un enfant-esprit déchiré entre la terre des hommes et le monde des esprits, ce livre n'a rien d'un roman de gare. Plus proche de la fable philosophique que d'un roman traditionnel, l'opus du Nigérian doit son succès avant tout à son écriture poétique. Voici les premières phrases du roman : «Au commencement était une rivière.
La rivière devint une route, la route sillonna le monde entier. Et comme la route avait été autrefois une rivière, elle avait toujours faim…» Le récit se clôt sur une autre belle proclamation : «Un rêve peut être l'apogée de toute une vie.» Cette phrase résonne dans nos têtes longtemps après qu'on a refermé le volume. Enfin, le fait que l'auteur soit Nigérian n'est peut-être pas étranger au succès que son livre a connu. Depuis les années 1980, avec l'avènement d'auteurs comme les Indiens Vikram Seth, Shashi Tharoor, le Srilankais Michael Ondaatje ou le Pakistanais Hanif Kureishi, la littérature anglaise est entrée résolument dans l'ère postcoloniale. De nouvelles voix, de nouveaux parlers, de nouvelles imaginations ont revitalisé le champ littéraire. Avec La Route de la faim, l'Afrique entre en scène, riche de ses mythologies, de ses visions, et de sa réalité paradoxale où s'affrontent l'enchantement et l'horreur.
Le fantastique débridé
L'enchantement et l'horreur que suscite la réalité africaine s'articulent dans les pages du roman de Ben Okri selon un ordonnancement d'une grande intelligence. Conteur né, l'auteur fait côtoyer la forêt et la ville, des monstres de toutes sortes et des politiciens corrompus, des esprits bienfaisants et des guérisseurs cupides. Ben Okri entremêle avec brio le fantastique le plus débridé et la critique sociale, au point que le lecteur a du mal à départager la réalité et le merveilleux. Rappelons que le fantastique est une spécialité nigériane : on pense à l'écrivain de langue yoruba D.O. Fagunwa, dont le livre In the Forest of Thousand Demons («Dans la forêt des mille démons») a été traduit en anglais par Wole Soyinka. On pense aussi à Amos Tutuola, auteur de Ma vie dans la brousse des fantômes, traduit en français par Raymond Queneau. La Route de la faim s'inscrit dans cette tradition. En fait, dans ce roman c'est le personnage principal qui est le lien entre les deux univers. L'originalité de Ben Okri consiste à avoir su raconter le monde et son tohu-bohu démoniaque de manière décalée à travers le regard d'un enfant. Un regard doublement décalé, car Azaro, le héros du roman, n'est pas n'importe quel enfant.
Azaro, l'enfant-esprit
Azaro dont le nom est une déformation de Lazare, fait partie des enfants-esprits qui ont le pouvoir magique de naître et de mourir au gré de leurs désirs. Les Yoruba les appellent abiku. Ce sont des enfants à naître qui partagent avec les esprits «le pays des commencements», une sorte d'Eden enchanteur dont la nostalgie empêche certains nouveaux-nés de rester trop longtemps parmi les humains. Aussi s'empressent-ils de mourir précocement pour regagner le monde paradisiaque et lumineux des esprits. Or, Azaro, lui, brisa le pacte et décida de rester sur Terre car il était las de ces éternels allers et retours, mais aussi parce qu'il voulait «rendre heureux le visage meurtri de la femme qui allait devenir sa mère». Azaro est un rebelle, mais en faisant le choix de mener la vie des hommes, il se soumet au cycle des souffrances humaines, préfiguré par le titre du roman La Route de la faim. Dans le bidonville de Lagos où le garçon choisit de renaître et vivre, on ne mange pas à sa faim et meurt des rigueurs de l'existence. Le père d'Azaro gagne sa vie en portant des sacs de ciment, alors que sa mère vend des bricoles au marché.
Devant leur maison en bordure de marais s'étend la route meurtrière. Cette route est la métaphore de l'indépendance inachevée de l'Afrique. «J'étais encore très jeune, lorsque, stupéfait, je vis mon père avalé par un trou qui s'ouvrait dans la rue», raconte l'enfant-esprit. Par chance, le père survivra. Qui plus est, il saura prendre sa vie en main grâce à ses talents de boxeur, avant de fonder son propre parti politique pour combattre les nervis du pouvoir qui sèment la terreur dans les quartiers pauvres. C'est au sein de cette humanité où les destins se font et se refont à force de volonté et de chance, qu'Azaro apprend les secrets de l'existence, tout en prenant conscience qu'il partage avec ses compatriotes sa condition d'abiku, tous voués à renaître et à devenir «les artisans de leur propre transformation». La Route de la faim, par Ben Okri. Traduit de l'anglais par Aline Weill. 1994, Editions Robert Laffont (coll. Pavillons), 640 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.