Après l'épidémie du coronavirus, la pire crise économique depuis 1928, partout dans le monde, la conjonction de l'instabilité des marchés des énergies fossiles et l'impératif de protection de l'environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposent une révision des stratégies énergétiques. L'épidémie du coronavirus a montré toute la vulnérabilité de l'économie mondiale face aux chocs externes. Si l'on ne prend pas garde, l'impact du réchauffement climatique sera mille fois plus intense que l'actuelle épidémie avec des coûts croissants, impose aux entreprises d'invertir dans les créneaux d'avenir à forte valeur ajoutée d'où l'importance de la recherche scientifique qui avec la bonne souvenance fondée sur le dialogue, l'équité et la décentralisation à travers les (réseaux de la société civile, pour rapprocher l'Etat du citoyen sont les déterminants fondamentaux du développement du XXIe siècle. Pour l'Algérie, sortir de l'hégémonie des hydrocarbures, c'est autrement dit un défi à lever car il est incontestable que les recettes futures soient aujourd'hui incertaines à cause de la crise pétrolière dont on ne connaît pas l'issue. Voilà donc pourquoi, l'énergie étant au CŒUR de la sécurité des nations, il va falloir en urgence d'une part revoir le mode actuel de consommation énergétique et d'autre part exploiter toutes les formes d'énergie et en particulier miser en plus de la valorisation des hydrocarbures traditionnelles qui resteront encore pour plus de 10 ans l'énergie essentielle, il ne faut pas être utopique sur l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et l'hydrogène qui demeurent une alternative incontournable. 1- Le Monde connaîtra une importante mutation énergétique 2020/2030 Le poids des fossiles (charbon, gaz et pétrole) reste écrasant (78,3%), tandis que le nucléaire ne joue qu'un rôle marginal à l'échelle mondiale (2,5%). La part des renouvelables est en croissance dans la production d'électricité (23,7% fin 2015 contre 22,8% fin 2014), mais elle reste mineure dans les transports et les installations de chauffage et de refroidissement. Cette forte proportion pour les énergies fossiles est due au déséquilibre entre les subventions accordées par les Etats aux énergies fossiles et celles allouées aux renouvelables. Sous réserve d'investissements à long terme, du fait qu'actuellement, ce sont les coûts de développement des technologiques et des investissements dans les équipements de production (turbines éoliennes, modules solaires, chaudières biomasse, etc.) qui pèsent sur le coût des énergies renouvelables, l'avenir, les énergies renouvelables deviendront des énergies moins chères et aux prix stables. Concernant la baisse des coûts, l'AIE constate que le prix des systèmes photovoltaïques a été divisé par plus de cinq ans et le prix du kWh éolien terrestre a baissé de 40% ces dix dernières années. Selon l'Agence Irena, cette énergie serait aujourd'hui compétitive par rapport aux énergies fossiles actuellement employées, que ce soit dans le cas d'importantes centrales ou de micro-réseaux isolés (ainsi que de systèmes domestiques). Selon l'Irena, les coûts d'investissement de grandes centrales photovoltaïques en Afrique ont diminué de 61%. Le président de l'Agence Adnan Z. Amin envisage encore une baisse possible de 60% de ces coûts durant la décennie à venir. Ainsi, les énergies renouvelables disposent d'atouts essentiels pour prendre une place importante dans les bouquets énergétiques des pays, de rapprocher les sites de production des centres de consommation, de réduire la dépendance de ces pays aux énergies fossiles, contribuer à la sécurité d'approvisionnement et à l'indépendance énergétique, permettent une maîtrise à long terme des prix de l'énergie, constituer les vecteurs les plus adaptés de développement de la production d'énergie décentralisée, offrir un potentiel considérable de développement industriel et de nouvelle croissance et contribuer à limiter les impacts de la production d'énergie sur l'environnement : diminution des émissions de gaz à effet de serre, réduction des effets sur l'air, l'eau et les sols, absence de production de déchets, les installations de production d'énergies renouvelables affectent très peu l'environnement, la biodiversité et le climat. A l'échelle mondiale, les énergies vertes ont connu en 2015 une progression sans précédent. Selon le rapport sur le statut mondial des énergies renouvelables 2016, publié, par le réseau international REN21, qui présente l'état des lieux le plus complet de ce secteur, fin 2015, la capacité d'énergie renouvelable installée dans le monde atteignait 1 849 gigawatts (GW), en hausse de 8,7% sur un an. Cet essor a été principalement porté par l'éolien (433 GW, +17%) et le solaire photovoltaïque (227 GW, +28%), ces deux filières assurant, à elles seules, les trois quarts de la croissance globale. Les investissements annuels mondiaux dans les énergies renouvelables hors grande hydro-électricité sont passés de 40 milliards de dollars US en 2004, 146 en 2007, 168 en 2009, 227 en 2010, 279 en 2011, 244 milliards de dollars en 2012 et 286 milliards de dollars en 2015 et entre 2015/2019 ce processus a connu une accélération. Selon le cabinet de conseil spécialisé norvégien Rystad Energy, les investissements mondiaux dans le pétrole et le gaz sont tombés en 2016 à 522 milliards de dollars après une baisse de 22% à 595 milliards en 2015. Tendance qui devrait s'accroître après l'épidémie du coronavirus avec la prise de conscience d'éviter un désastre planétaire. Selon le rapport de Bloomberg New Energy Finance (BNEF), il s'agira d'investir pur couvrir la demande mondiale en énergie environ 2 100 milliards de $ d'ici à 2040 pour les énergies fossiles, à mettre face aux 7 800 milliards investis en renouvelables. Il est sans doute intéressant de noter qu'avec 3 400 milliards pour le solaire et 3 100 milliards pour l'éolien, ces deux énergies renouvelables semblent être clairement celles qui se taillent la part belle car de nature à produire durablement de l'électricité à des niveaux de coûts inférieurs à ceux des centrales à énergie fossiles. La Chine connaît une croissance rapide de l'énergie solaire et se place depuis 2015 au premier rang du marché mondial du solaire photovoltaïque (avant l'Allemagne). Ainsi, à elle seule, la Chine compte déjà pour 40% dans les nouveaux TWh fournis par les énergies renouvelables. Selon l'Agence Internationale de l'Energie, la production d'électricité d'origine renouvelable augmentera de 40% entre horizon 2020/2030. Les énergies renouvelables fourniront alors un quart de l'électricité mondiale. Mais, pour assurer une transition énergétique pérenne, il faut d'importants investissements leur adaptation, dans les réseaux électriques afin d'absorber, de redistribuer une plus grande proportion de courant produit par les énergies renouvelables pour le stockage d'énergie et gérer la demande d'unités de production d'électricité flexibles sur l'importance de décentraliser la production d'énergie afin de les rapprocher des «points de communication». Il semble bien que l'on devrait assister à une importante mutation énergétique reposant sur un Mix, les compagnies investissant d'ores et déjà dans des énergies alternatives). Selon le rapport de Bloomberg New Energy, il est prévu un renversement des consommations énergétiques en 2025 : une chute de la demande en énergies fossiles et une nette augmentation de la demande en énergies alternatives. Cette tendance doit être analysée en tenant compte du développement exponentiel des technologies (télécommunications, Internet, multimédia...) de plus en plus électro-dépendantes, tant dans le cas de nos économies développées, que dans le cas de la consommation à venir pour permettre l'accès à l'énergie de 1.3 milliard de personnes dans le monde vivant encore sans éclairage, télécommunications, etc. Pour l'Afrique, l'irradiation solaire moyenne des pays africains est, selon l'Irena (Agence internationale des énergies renouvelables), comprise entre 1 750 kWh/m2/an et 2 500 kWh/m2, soit près du double de celle de l'Allemagne (1 150 kWh/m2) qui dispose d'un parc photovoltaïque installé de l'ordre de 40 GW (soit une capacité photovoltaïque 20 fois plus importante que celle de l'Afrique). Le facteur de charge des installations photovoltaïques serait ainsi bien supérieur en Afrique que dans les pays européens. Lors des deux dernières années, le continent a plus que quadruplé la puissance installée de son parc photovoltaïque mais ce dernier reste encore modeste au regard du très grand potentiel africain car près de 600 millions d'Africains n'ont pas accès à l'électricité. L'Irena met en exergue le fait que l'énergie photovoltaïque présente pour l'Afrique une solution décentralisée et «modulaire» pour électrifier rapidement des régions non connectées à des réseaux électriques. Selon des experts, s'il n'y a pas de réseaux électriques en Afrique, il n'y a pas d'économie d'échelle possible et le développement industriel exige de grandes puissances et surtout de la chaleur. Certes le photovoltaïque est certes plus adapté pour des petites installations hors réseaux, mais une production industrielle pour l'exportation, nécessiterait de la combiner avec le thermique. 2.-Les six axes directeurs de la transition énergétique en Algérie qui conditionne la sécurité nationale La transition énergétique est un choix stratégique politique, militaire et économique pour assurer la sécurité énergétique du pays qui se fera progressivement, car il est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique nationale est en croissance importante et va continuer de l'être. En effet, l'Algérie à travers des subventions généralisées et mal ciblées est l'un des modèles les plus énergétivores en Afrique et en Méditerranée, avec un taux de croissance qui a atteint ou même dépassé les 14% par an pour l'électricité. Les prévisions de la CREG annoncent des besoins internes entre 42 (minimum) et 55 (maximum) milliards de m3 de gaz naturel en 2019, alors que Sonelgaz prévoit, quant à elle, 75 milliards de m3 en 2030. Selon le bilan énergétique, publié par le secteur, la répartition de la consommation d'énergie primaire est la suivante : production totale : 155 millions TEP, dont 63% exportés et 37% consommés sur le marché intérieur (y compris pour la génération électrique). Quant à la consommation des ménages et autres, elle aurait atteint 16,5%, la consommation des transports 13% et la consommation de l'industrie & BTP 7,5%. En Algérie, il existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif, idem pour les carburants et l'eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, environ 6% du produit intérieur brut entre 2018/ 2019 selon l'ONS. Aussi, des actions coordonnées doivent être mises en place dans le cadre d'une vision stratégique de développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales. D'où l'importance dès maintenant de prévoir d'autres sources d'énergie et d'imaginer un nouveau modèle de consommation énergétique. (A suivre) Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul