Avec la réédition d'une version enrichie de l'ouvrage «Tlemcen ou les lieux de l'écriture» de Mohamed Dib, les éditions Barzakh invitent le lecteur à découvrir des lieux emblématiques de la ville natale de l'écrivain qui constituent l'essentiel de l'univers d'écriture de cet auteur, qu'il avait lui-même immortalisé en photographies en 1946. Publié récemment en coédition avec la maison française «Images plurielles», ce beau livre de 144 pages a été initialement réalisé et commercialisé en 1993 avec pour idée de départ de photographier les lieux considérés comme emblématiques dans l'oeuvre de Dib par le photographe français Philippe Bordas. Des clichés inédits pris par Mohamed Dib spontanément en 1946 ont été intégrés à l'ouvrage en plus de textes inspirés de cette confrontation entre les images prises à près de cinquante ans d'intervalle. C'est en puisant à nouveau dans le fonds de 1946, six ans avant la parution du premier roman de Dib, que les éditions Barzakh ont décidé d'enrichir le premier ouvrage de dix-neuf photographies inédites. Cet ouvrage a été préfacé par l'écrivain et universitaire Waciny Laredj qui retrouve dans ce livre un «Dib-enfant qui fixe les moments ressentis et qui capte les moments enfuis», estimant que Tlemcen et tous les lieux évoqués dans le livre ont servi de «substrat à une grande partie de sa littérature». «Tlemcen ou les lieux de l'écriture» comporte des photographies en noir et blanc datées de 1946 et montrant de nombreux portraits d'enfants, un thème cher à l'écrivain, de membres de la famille et d'inconnus croisés au hasard des promenades qui constituent un des rares regards sur les algériens, leur quotidien et leurs conditions de vie, durant la période coloniale et juste après la seconde guerre mondiale, porté par un photographe algérien. Evoquant les portraits d'enfants, Dib revient dans le détail sur le costume de l'époque et sur la description d'une photo de famille où il n'avait qu'une quinzaine d'années, il évoque également les enfants scolarisés, ceux qui travaillaient déjà ou encore ceux «en liberté pour changer les rues» de Tlemcen «en territoires inexpugnables» se prêtant à leurs jeux comme l'était son quartier Bab Al'Hdid (porte de fer). Des tranches de vie saisies dans le patio commun décrit par l'auteur comme étant «le cadre premiers de mes écritures (…) cette cour que nous Algériens appelons «le centre de la maison» dont le véritable rôle est de «réunir». Ce lieu de passage représente pour lui un «jardin de conversations et de convivialité» servant parfois de «théâtre à de grandioses querelles». Mohamed Dib évoque également dans ses textes des lieux qui n'existent plus, «des endroits sacrifiés», comme le marché du «Médresse» estimant qu'une certaine «manière d'être de la ville» s'était dissipée.