Les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d'ordre systémique. Un des dossiers prioritaires pour le futur gouvernement est de concrétiser sur le terrain la transition énergétique, qui accuse un grand retard, afin de s'adapter aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, l'énergie étant au coeur de la sécurité des nations. Cela nécessite une nette volonté politique, de la cohérence puisqu'il est aberrant d'avoir deux ministères, l'un de l'Energie et l'autre de la Transition énergétique, avec en plus des institutions disparates qui, de par l'expérience récente, se télescopent, faute d'une délimitation claire des missions. 1- Il ne faut pas être utopique, la transition énergétique demandera du temps. Entre 2021/2025 plusieurs facteurs déterminent le prix des hydrocarbures qui ont permis depuis des décennies, pour l'Algérie, avec les dérivées 97/98% des recettes en devises(voir la contribution qui vous a été transmise sur la réunion ajournée Opep+ et notre interview à la télévision Al Hayat – Algérie 6/7/2021). Gouverner c'est prévoir d'où l'importance pour l'Algérie de se préparer à ces nouvelles mutations évitant de vivre sur l'utopie du passé. D'ici 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/Europe/Chine, Inde devraient dépasser les 4 000 milliards de dollars où les grosses compagnies devraient réorienter leurs investissements. L'élection américaine sera déterminante pour l'avenir car les démocrates ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accords de Paris COP-21 sur le réchauffement climatique. Bien que le nouveau président dit ne pas vouloir interdire le développement du pétrole/gaz de schiste dont les USA sont le premier producteur mondial, s'engageant avec les nouvelles techniques à améliorer les effets de la fracturation hydraulique, le programme de Joe Biden prévoit 2000 milliards de dollars sur les 20/30 prochaines années, soit 10% du PIB 2019, pour le développement des énergies renouvelables, les industries écologiques et l'efficacité énergétique. Plus globalement, le plan climat de Joe Biden prévoit d'investir, je le cite «dans les infrastructures intelligentes pour reconstruire la nation et pour garantir que nos bâtiments, nos infrastructures d'eau, de transport et d'énergie puissent résister aux impacts du changement climatique, de financer 1,5 million de nouveaux logements plus durables et éco-énergétiques, une réorganisation de l'industrie automobile vers les voitures hybrides et électriques, l'Etat fédéral devant programmer notamment l'installation de 500 000 bornes de recharge publiques sur le territoire et instaurer une prime à la conversion». 2- L'Europe va dans la même trajectoire, avec comme leader l'Allemagne, où la Commission européenne a fixé, avec le règlement d'exécution 2020/1294 du 15 septembre 2020, les règles du nouveau mécanisme de financement des énergies renouvelables. Chaque Etat membre doit contribuer à l'objectif européen de 32% d'énergies renouvelables en 2030. Une trajectoire indicative est fixée pour chacun d'entre eux, pour la période 2021-2030, avec des points de référence à atteindre entre 2025 et 2027, devant mobiliser au moins 1000 milliards d'euros d'investissements durables dans les dix années à venir avec des incitations pour attirer les financements privés, grâce notamment au rôle essentiel que jouera la Banque européenne d'investissement. La Chine et l'Inde ont un fort engagement pour la transition énergétique. Par exemple, selon le rapport de Global Wind Energy Council de 2019, la Chine et l'Inde font partie des cinq pays regroupant 73% de l'ensemble des capacités éoliennes mondiales installées. En termes d'énergie solaire, le soutien des gouvernements indien et chinois stimule la compétitivité de leurs filières solaires, faisant d'eux les premiers acteurs au niveau mondial. La Chine pour tenter de réduire la pollution atmosphérique due à cet usage incontrôlé du charbon, investit massivement dans les énergies renouvelables : pays leader, prévoit d'investir d'ici 2030, environ 375/400 milliards de dollars Quant à l'Inde, elle s'est engagée à fortement développer les énergies renouvelables, en disposant en particulier de 100 GW de capacités solaires et de 60 GW éoliens d'ici à fin 2022 (contre 16,6 GW solaires et 32,7 GW éoliens à fin novembre 2017), devant mobiliser pour cette période près de 190 milliards de dollars selon les estimations de la Climate Policy Initiative (CPI). Les USA/Europe qui représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d'habitants poussent à l'efficacité énergétique et à la transition énergétique afin de luter contre le réchauffement climatique. Car si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA et l'Europe il faudrait cinq fois la planète actuelle. Je rappelle que selon le rapport de l'ONU une sécheresse sans précédent frappera l'Afrique du Nord et l'Afrique sub saharienne entre horizon 2025, Cette prise de conscience d'un désastre planétaire a été accentuée avec l'épidémie du coronavirus où la majorité des pays ayant entériné l'accord de Paris, issu de la COP 21, engagement conforté à la COP-22 de Marrakech devraient axer leurs efforts pour la limitation du recours aux énergies fossiles, charbon et pétrole horizon en tête, le monde et donc aller vers un Mix énergétique, l'énergie de l'avenir horizon 2030/2040 étant l'hydrogène où la recherche développement connaît un réel essor. En décidant un investissement massif dans le cadre de l'efficacité énergétique, les énergies alternatives aux fossiles classiques dont les énergies renouvelables, le nouveau pouvoir USA, l'Europe, suivis de la Chine et de l'Inde, ont les moyens de leurs politiques. Le monde devrait connaître horizon 2030 un profond bouleversement de la carte énergétique et donc du pouvoir économique mondial, l'énergie étant au cour de la sécurité des nations (interviews – Pr A. Mebtoul AfricaPresse Paris, American Herald Tribune et Afrik Economy 2019//2020). Aussi les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde ainsi que ceux qui sont appelés à se produire dans un proche avenir, doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d'ordre systémique destinés à les prendre en charge et à organiser leur insertion dans un ordre social qui est lui-même en devenir, une stratégie axée sur la bonne gouvernance, la valorisation du savoir avec l'objectif horizon 2030, la transition numérique et énergétique (le professeur Abderrahmane Mebtoul a présidé avec les meilleurs experts des deux rives de la Méditerranée praticiens, experts et opérateurs, représentant l'Algérie, courant 2019, la commission de la transition énergétique, des 5+5+ Allemagne où les axes de la transition énergétique ont été définis). Un bon développement allège le poids sur les forces de sécurité; un frein au développement par une mauvaise gouvernance accroît les tensions sociales et donc l'insécurité. L'Algérie n'a pas d'autres choix que de réussir les réformes dont celle de la transition énergétique, qui seront douloureuses à court terme, mais porteuses d'espoir à moyen et long terme. Le langage de la vérité, la moralité des dirigeants et le combat contre les relations de clientèle au lieu de la compétence sont les conditions fondamentales si l'on veut mobiliser la population par un retour à la confiance sans laquelle aucun développement n'est possible. Rester en statu quo en retardant les réformes structurelles conduira inéluctablement à la cessation de paiement courant 2022 avec les risques de tensions sociales, ce qu'aucun patriote algérien ne souhaite. J'ose imaginer une Algérie où les nouvelles générations vivront confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons à un retour volontaire progressif des cadres expatriés. Aussi, l'Algérie qui a d'importantes potentialités, grâce à la mobilisation de tous, dans le cadre d'un nouveau contrat social, sera ce que le peuple algérien et les responsables chargés de gérer la Cité voudront qu'elle soit. *Abderrahmane Mebtoul, docteur d'Etat (1974) – professeur des universités, directeur d'études ministère Energie/Sonatrach 1974/1979 – 1990/1995-2000/2008-2013/2015 – auteur de nombreuses contributions internationales sur la transition énergétique. NB- le sujet des relations Algérie Europe dans le domaine énergétique a été débattu lors de la conférence que j'ai donnée le 8 juin 2021 suite à l'invitation de l'Union européenne au siège de l'ambassade de l'Union européenne de 10h-12h30 à Alger, devant environ 50 personnalités dont les représentants des pays de l'Union européenne – ambassadeurs et attachés économiques, politiques, le représentant de la Banque mondiale et des organismes internationaux accrédités à Alger. Je n'ai fait que reprendre en réactualisant les données reprenant les idées maîtresses des conférences données devant le Parlement européen en décembre 2011, au Sénat français à l'invitation du professeur Jean-Pierre Chevènement en mars 2015, où j'ai eu l'honneur de présider la Commission de la transition énergétique en Méditerranée, représentant l'Algérie des 5+5+ Allemagne, en présence des organisations mondiales internationales Union européenne, OCDE, BM, FMI, BIRD et également à l'Ecole supérieure de guerre ESG Alger devant les officiers supérieurs le 19 mars 2019 «Les impacts géostratégiques, économiques et sociaux de la dépendance des hydrocarbures» où deux années après l'économie algérienne se retrouve dans la même situation.