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Une menace pour la sécurité mondiale
Crime économique organisé
Publié dans La Nouvelle République le 10 - 01 - 2022

Dans le contexte d'un monde de plus en plus globalisé, qui facilite la circulation des personnes et des substances, les groupes de criminalité organisée ont prospéré, posant de nombreux défis aux autorités frontalières où les groupes criminels utilisent souvent des entreprises commerciales licites pour dissimuler leurs activités illicites, par exemple en plaçant de la drogue dans des cargaisons.
Ces organisations criminelles menaçant le bien-être économique et social de tous les citoyens aux niveaux national et international.
Combattre le crime organisé et la corruption constituent une des préoccupations majeures des Etats à la fois pour des questions de moralité et de développement. C'est à ce titre que le commandement de la Gendarmerie nationale algérienne organisera une importante, rencontre en présence des institutions stratégiques de nombreux experts, sur le crime organisé sous ses différentes facettes et comment l'Algérie entend lutter contre ce fléau qui menace la sécurité nationale. Les 23/24 février 2021 à Alger, dont il m'a été faite l'honneur d'ouvrir cette importante rencontre dont je tiens à remercier les organisateurs pour la confiance témoignée.
1.-Le fléau du crime organisé dépasse le cadre national, devant le relier aux réseaux internationaux, où existent des liens dialectiques entre certains agents externes et internes dans le cadre crime économique organisé. La lutte contre la corruption, qui concerne tous les pays sans exception, n'est pas une question de lois ou de commissions, montrant clairement que les pratiques au niveau mondial contredisent le juridisme et les discours. Il est illusoire de s'attaquer à la corruption sans un système d'information fiable en temps réel utilisant les nouvelles technologies dont l'intelligence artificielle qui a un impact à la fois sur la gestion du segment sécuritaire, économique des entreprises, des institutions et de nos comportements. Une importante enquête sur plus de 150 pays vient d'être réalisée par d'éminents experts internationaux ( juristes, économistes, politologues, et experts militaires ) parrainée par l'ONU en octobre 2021 mettant en relief que le montant du crime organisé varierait entre 2 et 5% du PIB mondial estimé à 84 680 milliards en 2020 et selon la Banque mondiale et devrait dépasser les 100.000 milliards de dollars en 2022, ce qui donne entre 2020/2022 1700 et 4230 milliards de dollars contre une estimation pour 2009 d'environ 600 milliards de dollars, les crises économiques amplifiant le trafic, issu du commerce illégal sous toute ses formes: drogue, armes, traite, déchets toxiques, métaux. Se basant sur douze (12) indicateurs de résilience : leadership politique et gouvernance, transparence et responsabilité du gouvernement -coopération internationale, – politiques et législations nationales, – système judiciaire et détention, – forces de l'ordre, intégrité territoriale, – lutte contre le blanchiment d'argent, capacité de réglementation économique, soutien aux victimes et aux témoins, prévention et acteurs non étatiques, l'étude arrive à six conclusions :
Première conclusion, plus des trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays où le taux de criminalité est élevé, ou dans des pays où le niveau de résilience face au crime organisé est faible ;
2e conclusion, de tous les continents, c'est l'Asie qui enregistre les niveaux de criminalité les plus élevés ;
3e conclusion, la traite des personnes est le marché criminel le plus répandu au monde; 4e conclusion, les démocraties présentent des niveaux de résilience face à la criminalité plus élevés ;
5e conclusion, les acteurs étatiques constituent les principaux facilitateurs de ces pratiques occultes et obstacles à la résidence face au crime organisé (dont octroi opaque de l'octroi de marchés publics).
6e conclusion, de nombreux pays en conflit et Etats fragiles sont très vulnérables face au crime. (Pr Abderrahmane Mebtoul Institut français des relations internationales Paris décembre 2013, les enjeux géostratégiques de la sphère informelle au Maghreb).
2.- Ainsi le trafic de marchandises regroupe différentes pratiques : contrefaçon ; piraterie ; falsification ; adultération de produits ; contrebande de produits licites et fraude fiscale. Le commerce illicite génère des bénéfices juteux et ne représente que peu de risques pour les groupes criminels organisés car les peines encourues au titre du commerce illicite sont plus légères que pour d'autres infractions comme le trafic de stupéfiants. Pour combattre efficacement ce fléau, les pays doivent disposer d'enquêteurs spécialisés, de procureurs et de juges dans ce domaine de criminalité, tandis que les groupes criminels organisés disposent de compétences, de réseaux et de ressources logistiques toujours plus perfectionnés, utilisant les nouvelles technologies détournées à des fins criminelles, notamment les sites Internet, les médias sociaux, les appareils mobiles, les places de marché en ligne, le Darknet ou encore les cyber monnaies, posent un problème permanent pour la communauté des services chargés de l'application de la loi. Dans le cadre du crime organisé, je distingue plusieurs segments, pouvant exister des relations dialectiques entre les différents acteurs concernant le trafic illicite.
Premièrement, nous avons le trafic d'armes. Le commerce des armes à feu est empreint d'opacité et oppose le secret d'Etat à de nombreuses tentatives de transparence selon le groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité GRIP un centre de recherche indépendant en Belgique, dénonce aussi parfois le comportement des industries qu'il accuse de se cacher derrière le secret défense pour justifier des pratiques difficilement acceptables ce qui explique les données contradictoires avec des différences importantes. Ainsi, selon l'ONU, sur la base des données de l'Office des Nations unies contre le crime (ONUDC) le marché international du trafic d'armes est estimé à plus de 1 200 milliards de dollars par an.
Deuxièmement, nous avons le trafic de drogue. Avec un chiffre d'affaires estimé entre 300 et 500 milliards de dollars, le trafic de drogue est devenu le deuxième marché économique au monde, juste derrière le trafic d'armes.. Si les trafiquants de drogues étaient un pays, leur PIB les classait au 21e rang mondial, juste derrière la Suède. Malgré la répression, l'ONU estime que seuls 42% de la production mondiale de cocaïne sont saisis (23% de celle d'héroïne).
Troisièmement, nous avons la traite des êtres humains. C'est une activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l'exploitation sexuelle ainsi que le trafic d'immigrants Le Gafi (Groupe d'action financière international) en 2019 révèle dans une étude que les profits liés à la traite humaine s'élèveraient à 150 milliards de dollars, chiffre multiplié par six en l'espace de 5 ans.
Quatrièmement, nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortelle pour les consommateurs. Selon Interpol, les revenus de la contrebande de matières premières dépassent les 300 milliards de dollars : environ 20 % pour le pétrole et 38 % des revenus. Les mouvements terroristes consistent en un trafic de matières premières avant le trafic de drogue. Selon le Forum économique mondial, les médicaments contrefaits génèrent 120 à 160 milliards d'euros chaque année.
Cinquièmement, le plus grand défi à la communauté internationale est la cybercriminalité. Les pertes mondiales imputables aux attaques informatiques ont atteint les 1000 milliards de dollars en 2020, soit plus d'1% du PIB mondial. Ces pertes proviennent du vol d'actifs monétaires et de propriété intellectuelle mais également de pertes cachées, souvent omises.
A cet effet, selon une étude d'Interpol, la pandémie de coronavirus a de profondes répercussions sur les cybermenaces dans le monde. Compte tenu de cette situation, la Direction de la Cybercriminalité d'INTERPOL a élaboré en août 2020, un rapport d'évaluation mondial portant sur la cybercriminalité liée au COVID-19 en s'appuyant sur l'accès aux données de 194 pays membres et de partenaires privés afin de brossant un tableau complet de la cybercriminalité liée à la pandémie de COVID-19 : escroqueries en ligne et hameçonnage pour 59%; logiciels malveillants visant à désorganiser (rançongiciels et attaques par déni de service distribué) pour 36% ; logiciels malveillants visant à obtenir des donnée ; domaines malveillants pour 21%; désinformations et fausses informations, de plus en plus nombreuses, se répandent rapidement dans le public. En synthèse de tous ces trafics, nous avons le blanchiment d'argent, processus durant lequel l'argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé. Il s'agit en fait de voiler l'origine de l'argent pour s'en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi Offshore) permettent de cacher l'origine de l'argent. Des techniques de blanchiment d'argent nouvellement émergentes et de plus en plus complexes apparaissent, impliquant l'utilisation du régime du commerce international, des passeurs de fonds, des systèmes alternatifs de transfert de fonds et des structures d'entreprise complexes. D'où l'importance d'un système d'information en temps réel, fondement, impliquant la coordination étroite des institutions de contrôle, dont la réhabilitation de la Cour des comptes, consacrée par la constitution comme organe suprême du contrôle, en léthargie depuis de longues années, y compris les services de sécurité pour protéger l'économie nationale et le renforcement de la coopération au niveau bilatéral, régional et international. Ainsi, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée en décembre 2000 où a été mis en relief les liens entre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, où a été demandé aux Etats membres de se conformer aux dispositions de la résolution et de prendre des mesures préventives et pénales contre le blanchiment d'argent en vue de combattre le financement du terrorisme. (voir Abderrahmane . Mebtoul « l'Algérie face aux trafics et au terrorisme au niveau de la région sahélienne »- Ministère de la Défense nationale -Institut de Documentation, d'Evaluation et de Prospective trafic des frontières et la sécurité au Sahel 27 mars 2018)
En résumé, pour l'Algérie concerné par ce fléau qui menace la sécurité nationale et hypothèque le développement futur du pays , le combat contre la corruption, il s'agira d'analyser l'essence et non des actions conjoncturelles qui reproduiront le même mal à terme, donc d'anticiper et de réaliser de profondes réformes pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent, l'arsenal pénal étant en dernier ressort. Ayant eu à diriger en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes, pour la présidence de l'époque le dossier du bilan de l'industrialisation entre 1965 et 1978, du programme de l'habitat entre 1980/1983 en relations avec le ministère de l'Intérieur et tous les walis nous avons constaté d'importants surcoûts par rapport aux normes internationales, ainsi que du dossier des surestaries avec le Ministère du Commerce. J'avais conseillé à la présidence de l'époque d'établir un tableau de la valeur en temps réel, avec la numérisation des entreprises, du commerce, des banques, de la fiscalité, des domaines, et de la douane et (que certains redécouvrent en 2021) reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité), tableau qui malheureusement n'a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s'attaquait à de puissants intérêts occulte.
Au sein d'un monde turbulent et instable préfigurant d'importants bouleversements géostratégique, la lutte contre la corruption est le fondement du retour à la confiance et une nouvelle gouvernance, sans lesquels aucun développement n'est possible, devant combattre la mentalité rentière et réhabiliter le travail et l'intelligence.
Professeur des universités,
expert international


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