Dans un communiqué rendu public mercredi, le département de Mohamed Arkab, ministre de l'Energie et des Mines, a rappelé à l'ordre le gouvernement espagnol en l'avertissant que « tout acheminement de gaz naturel algérien livré à l'Espagne, dont la destination n'est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels, et par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant la Sonatrach à ses clients espagnols «. La virulente réaction de notre ministre de l'énergie fait suite à un message électronique envoyé par Mme Teresa Ribera informant de la décision du gouvernement espagnol d'autoriser le fonctionnement, en flux inverse du Gazoduc Maghreb Europe (GME), fermé fin octobre 2021, suite au non renouvèlement du contrat d'exploitation par l'Algérie. Il y a quelques jours, les médias marocains parlaient déjà d'une imminente reprise de flux inverse du GME. Depuis la fermeture de ce Gazoduc qui fournissait un peu plus d'un milliard de m3 de gaz naturel au Maroc, le Makhzen est à la recherche d'une solution de rechange pour alimenter deux de ses centrales électriques à l'arrêt depuis le 1er novembre 2021. Solution proposée, importer du gaz naturel liquéfié, le regazéifié en Espagne et le vendre ensuite au Maroc via le GME. Sauf que ce gaz doit provenir d'ailleurs que d'Algérie. L'Espagne est liée par un contrat à long terme de vente de gaz naturel algérien qui ne permet pas à Madrid de le revendre sur d'autres marchés sans l'accord de Sonatrach. Cette conditionnalité est liée aux prix de vente. Le prix contractuel du gaz algérien est inférieur à celui des marchés spots. Mais les craintes d'Alger de voir une partie de son gaz naturel vendu au Maroc sont légitimes. Les deux centrales électriques fonctionnant au gaz naturel au Maroc appartiennent à l'entreprise espagnole Endesa. Cette dernière et la première entreprise sur le marché électrique en Espagne et la seconde au Portugal. Au Maroc, Endesa est propriétaire de deux centrales électriques, celle d'Al Wahda d'une puissance de 800 Mw et de Tanger de 384 Mw. Ces deux centrales sont à l'arrêt depuis la fin de fonction du GME. Mettant ainsi un terme à leurs approvisionnements en gaz naturel. Endesa et l'Office marocain de l'électricité subissent depuis, d'importantes pertes en raison de l'arrêt de production de l'électricité et des coûts élevés de l'entretien et de la maintenance. Un long arrêt d'une centrale électrique entraîne inévitablement sa détérioration si elle n'est pas régulièrement entretenue. Et il n'est pas à écarter que le gouvernement espagnol serait tenté d'alimenter ces deux centrales en gaz naturel algérien à partir du moment où Endesa est une entreprise espagnole. Mais l'avertissement du Gouvernement algérien est on ne peut plus clair quand à l'alimentation du Maroc en gaz naturel algérien. L'Espagne est liée à l'Algérie par un contrat à long terme d'approvisionnement en gaz naturel. En juin 2018, ce contrat a été renouvelé par Sonatrach et l'Espagnole Naturgy pour une durée de dix ans. Sonatrach doit fournir annuellement prés de 9 milliards de m3 de gaz naturel via le Medgaz. Il n'est nullement dans l'intérêt de l'Espagne de pousser l'Algérie à rompre ce contrat. L'Europe vit déjà sous la menace de rupture des approvisionnements en gaz Russe. Aucun grand producteur mondial de gaz naturel ne peut compenser l'arrêt des exportations de la Russie vers l'Europe. Encore moins pour l'Espagne de trouver un autre fournisseur capable de lui assurer 9 milliards de m3 de gaz naturel par an par cette conjoncture défavorable en offre et en prix pour les pays importateurs.