Le projet du Gazoduc Transaharien (TSGP) s'est vu donné un coup d'accélérateur suite à la réunion des ministres de l'Energie d'Algérie, du Niger et du Nigeria qui s'est tenue à Abuja lundi passé. «Il a été convenu de poser les premiers jalons de ce projet, à travers l'entame des études techniques, en prévision de sa concrétisation sur le terrain dans les plus brefs délais», avait déclaré, à la fin de la réunion, le ministre de l'Energie et des Mines, Mohamed Arkab. Il a été également décidé lors de cette réunion de poursuivre les concertations par le biais de l'équipe technique formée lors de cette réunion. Cette dernière est chargée, entre autres, d'élaborer toutes les clauses, ainsi que les études techniques et financières et les études de faisabilité relatives à la concrétisation de ce projet stratégique qui remonte au début des années 2000 semble aujourd'hui bénéficier d'une conjoncture géopolitique et énergétique favorable. La guerre en Ukraine et les sanctions décidées par les pays occidentaux à l'égard du pétrole et du gaz russes ont mis les marchés sous pression. La quête par l'Europe de nouvelles sources d'approvisionnement en gaz naturel est devenue une préoccupation majeure. Mais la réalisation de ce Gazoduc transsaharien n'est pas une chose facile. D'une longueur de 4.000 km et une capacité de transport de 20 à 30 milliards de m3 de gaz par an, ce Gazoduc nécessite des études techniques très poussées et une grande maîtrise de l' évaluation financière de son coût. Mais l'intérêt de ce projet réside également dans son objectif de développer les pays de son passage, le Nigeria et le Niger ainsi que l'extrême-sud de l'Algérie. Et plus tard le Mali, le Tchad et le Burkina-Faso. Avec ses 200 millions d'habitants, le Nigeria est la première économie africaine. Premier producteur africain de pétrole, le Nigeria renferme d'importantes réserves de gaz naturel évaluées à 5.000 milliards de m3. Pourtant le taux d'électrification de ce géant africain ne dépasse pas les 57%. La puissance électrique installée n'est que de 7.000 MW et ne peut répondre à une demande estimée à 28.000 MW. A titre de comparaison, l'Algérie dispose d'une puissance électrique installée de 23.000 MW pour répondre sans problème à la demande d'une population de 43 millions d'habitants. Les pannes de réseaux et les coupures récurrentes ont obligés la population et les entreprises à recourir aux groupes électrogènes, au nombre de 22 millions, faisant ainsi exploser la demande en gasoil et en carburants au Nigeria. Cette situation a obligé le gouvernement nigérian à lancer un gigantesque programme visant la multiplication par cinq de la production de l'électricité d'ici à 2025. A la fin du mois de septembre 2021 le ministre nigérian chargé du pétrole, Timpre Sylva , déclarait à la chaîne CNBC Arabia «qu'il n'y a aucun doute, nous voulons réaliser ce Gazoduc depuis longtemps. Nous avons fait face à quelques problèmes. Cela dit, au Nigeria, nous avons commencé la réalisation de ce projet qui va du Sud vers le Nord pour acheminer le gaz nigérian vers l'Algérie». Il est clair que le Nigeria a commencé à réaliser ce gazoduc, des champs producteurs dans le Sud vers le Nord du pays, pour répondre, en premier lieu, à ses besoins énergétiques. Ce Gazoduc doit alimenter, entre autres, les futures centrales électriques inscrites dans le plan visant l'augmentation de la puissance électrique installée. Il est question ensuite de poursuivre la pose de cette infrastructure vers le Niger et l'extrême-sud de l'Algérie, jusqu'à Hassi R'mel . L'ensemble de ces régions profiteront des retombées socio-économiques de ce Gazoduc. Cet objectif a été clairement affiché lors de la réunion qui s'est tenue à Abuja ce 20 juin 2022. «Cette voie témoigne de la volonté des trois parties concernées par le projet, de le réactiver», a déclaré M. Arkab. Tout en soutenant que ce projet qui a un caractère régional et international vise, en premier lieu, le développement socio-économique des pays concernés. Pour certains experts, l'Algérie a les moyens de réaliser ce projet sur son territoire. Sonatrach peut mener les études et la réalisation de la frontière avec le Niger jusqu'à Hassi R'mel. Déjà, les premiers champs de production et de transport de gaz naturel sont situés bien plus au Sud, à In Salah. L'Algérie peut même apporter son soutien au gouvernement Nigérien pour la concrétisation de ce projet. D'autant plus que Sonatrach opère déjà au Niger au niveau du bloc Kafra, découvert en 2018. Reste alors la problématique de l'exportation du gaz nigérian vers l'Europe. Cette question doit être discutée avec les pays européens concernés pour déterminer les quantités de gaz et le montant des investissements à mobiliser. Et ceci en privilégiant les contrats à long terme, seule condition pour préserver les intérêts des pays exportateurs et des pays consommateurs. L'Algérie dispose des infrastructures nécessaires en Gazoduc et en usines GNL pour les exportations vers le continent européen ou ailleurs. Dans l'ensemble, toutes les conditions sont réunies pour le lancement rapide de la réalisation du gazoduc transsaharien. Un Gazoduc, dont l'importance ne réside pas seulement à fournir l'Europe en gaz mais surtout de développer une vaste région subsaharienne déstabilisée par la pauvreté et l'insécurité.