Depuis son arrivée à la tête de l'Industrie pharmaceutique, Ali Aoun, fin connaisseur des subtilités et des travers d'une activité dont il a été lui-même un des acteurs, de 1995 à 2008, en tant que P-dg du Groupe Saidal, semble à tout prix vouloir redresser la situation. Cela à travers un mode de gouvernance où la maîtrise rationnelle des dossiers et la fermeté parfois musclée des propos, le disputent à un sens de l'écoute propice à une adhésion des acteurs et à la neutralisation de ceux qui ne recherchent que leurs seuls intérêts. L'homme semble être parti en guerre contre tout ce qui va à l'encontre des intérêts du pays et entend administrer, au secteur, un remède anti-parasitaire. Il multiplie les sorties sur le terrain de façon périodique et fait, à chaque escale, des déclarations qui font suer d'inquiétude les opérateurs de l'industrie pharmaceutique privés et publics, et pour cause. Ce responsable opère des sorties d'inspection sur le terrain pour s'enquérir de l'état d'avancement des projets dont il a demandé la réalisation et/ou l'achèvement, et constate des retards, des carences, des anomalies et des aberrations même dans l'investissement. Saidal, Sanofi, Novonordisk tancés Saidal, opérateur public, a été le dernier en date à faire les frais de cette pratique, suscitant la colère de M. Aoun qui s'attendait à voir, très rapidement, des unités entrer en production. Une colère du premier responsable qui s'est traduite en menaces en direction des cadres. Il a, en effet, promis de sévir contre les cadres à qui il a rappelé qu'ils avaient un contrat de performance à honorer et que, dans le cas contraire, ils n'avaient plus rien à faire au sein du groupe. Concernant les investissements dont il a été dit, à maintes reprises, qu'ils étaient entravés par la bureaucratie, le ministre a annoncé dernièrement en avoir débloqué plus de 500 au niveau de son département ministériel où certains cadres, avait-il déclaré à un journal privé, «avaient pris de mauvaises habitudes». Allusion à des bureaucrates récalcitrants qui refusent de laisser couler la vie économique ? Clin d'œil à des pratiques de corruption qui profitent de la bureaucratie pour soutirer des pots de vin aux investisseurs ? On ne sait, peut-être les deux à la fois, mais en tout cas, le message du ministre n'a pas manqué d'inquiéter les uns et les autres, cela surtout que selon toute logique, M. Aoun, qui parle aux cadres de contrat de performance, estime également, pour sa part, en avoir un envers le Président et le Gouvernement, et semble tout faire pour être à la hauteur de sa mission. Au niveau local, sur le dossier des investissements, outre les effets du travail déjà fait par le Médiateur de la République en 2022, lesdits investisseurs ne peuvent plus trouver d'excuses pour justifier leur inaction. Les walis sont désormais mobilisés pour accompagner ces investissements de l'amont du foncier jusqu'à l'aval du démarrage de la production, le cap étant, pour le ministre, la multiplication des investissements dans le domaine de la production des médicaments afin de sécuriser la demande local en produits pharmaceutiques, et diminuer, un tant soit peu, la dépendance des importations. Autre aspect sur lequel le ministre de l'Industrie pharmaceutique s'est montré implacable même s'il a eu l'impression à son arrivée, à la tête de ce secteur, qu'il a été mis devant le fait accompli : le dossier de l'insuline. Un dossier par rapport auquel un opérateur étranger installé en Algérie s'est montré récalcitrant et/ou manœuvrier, en dépit de ses engagements, sur la perspective de développer de véritables unités d'industrie pharmaceutiques en Algérie, et cela, en dépit de la stabilité d'un marché énorme en Algérie qui possède un système de sécurité sociale, le plus performant et le plus généreux en Afrique. A ce titre, Novonordisk a fait l'objet, à maintes reprises, de critiques directes, voire même pointé du doigt de façon énergique, comme agissant à l'encontre des intérêts de l'Algérie, ne consentant que des investissements superficiels ou, pour reprendre les propres termes du ministre à l'adresse de Novonordisk, ne faisant que des investissements industriels qui ressemblent à une importation déguisée. C'est ainsi que Aoun avait qualifié l'unité de montage des stylos à l'insuline de l'opérateur nordique. Pour Sanofi, le contentieux est plus terre-à-terre, et laisse voir l'opérateur français sous un éclairage plutôt mesquin, à en croire les pratiques dénoncées par le ministre qui a parlé du transfert d'une machine d'une unité créée en joint-venture entre Sanofi et Saidal, vers une unité que détient Sanofi à 100%, aux dépens des intérêts de son partenaire algérien et de leur unité industrielle commune. Ce contentieux est toujours pendant, cette situation risquant de déboucher sur une véritable affaire Saidal-Sanofi par MPI interposé. Chronique d'une rigueur annoncée, et ses armes L'actuel gestionnaire du secteur est loin d'être un novice. On peut même dire qu'il en connaît les détours sinueux, les recoins les plus sombres et en soupçonne les moindres subtilités, les pratiques les plus sordides et, surtout, les enjeux financiers qui mobilisent une faune rompues à toutes les manœuvres pour pérenniser une rente à l'importation. Une rente qui a fait des milliardaires en dollars à l'étranger, que servent localement des acteurs parasitaires du secteur qui hantent la sécurité sociale, la santé, l'administration, l'industrie, le commerce et autres niches insoupçonnées où cette mafia peut promouvoir et défendre ses intérêts aux dépens de ceux de l'Algérie. Tout en promettant de sévir, le MPI installe les conditions du contrôle et de la rigueur dans le secteur, et fait tout pour optimiser les conditions de l'investissement productif, l'autre arme par laquelle il peut s'affronter avec les promoteurs du tout aux importations du médicament. Pas plus tard que dans la matinée du 12 mars courant, le Directeur général de l'organisme algérien d'accréditation, Algerac, invité de la rédaction à Radio Chaîne III, annonçait la certification par le MPI de 12 cadres centraux sur la norme Iso 17020 pour faire des enquêtes d'habilitation, et donner des agréments et faire des visites inopinées. Le même DG d'Algerac a précisé que le MPI ne compte pas en rester à cette avancée, celui-ci s'intéressant à l'acquisition de la norme 13 485 pour les dispositifs médicaux. Ainsi, s'attaquant, depuis son arrivée à la tête du secteur, à tous les aspects qui entravent le développement de la production, M. Aoun a épinglé et dénoncé, ouvertement et sur un ton parfois dur, tous les acteurs qu'il a pointés du doigt, n'épargnant ni les acteurs publics, ni ceux du privés, encore moins les opérateurs étrangers, et rien ne semble indiquer que le ministre de l'Industrie pharmaceutique fera marche arrière dans sa campagne contre les tenants de l'importation à tout prix. Au contraire, tout indique que ce responsable s'est aligné, depuis son installation, sur la feuille de route gouvernementale qui est elle-même le reflet des enjeux que porte le programme du président de la République. Approche multisectorielle où Ali Aoun entend faire sa part et où il pourrait, à ce rythme, être le premier à l'arrivée. Wait and see.