A l'occasion du mois du patrimoine (18 avril-18 mai), des chercheurs ont mis en avant l'influence spirituelle et culturelle du soufisme algérien en Afrique, où les oulémas algériens ont diffusé des principes humains et moraux fondés sur la dignité humaine et contribué aux mouvements de libération du joug colonial et de toutes les formes d'esclavage et d'asservissement. Lors d'une conférence sur le thème «Le soufisme algérien comme élément de l'identité africaine», le chercheur Zaim Khenchelaoui a précisé que le soufisme algérien, toutes confréries confondues, «a su étendre son influence en Afrique grâce aux principes humains et moraux fondés sur la dignité humaine qui le sous-tendent». Des principes qui expliquent d'ailleurs «l'adhésion de ces confréries aux mouvements de libération des pays africains et à l'affranchissement des Africains de l'esclavage et des marchés aux esclaves répandus à l'époque», a-t-il ajouté. Il a, dans ce cadre, évoqué l'émergence d' «empires spirituels» à l'instar de la confrérie Senoussia, l'un des plus grands mouvements de libération en Afrique, grâce au natif de Mostaganem, Sidi Mohamed Benali Senoussi, qui fonda la confrérie à La Mecque avant de se rendre en Libye pour y installer le centre définitif du rayonnement de la Senoussia, poussant son activité missionnaire jusqu'au Lac Tchad, Tombouctou et la Corne de l'Afrique et contribuant à anéantir les marchés aux esclaves. Ce faisant, il aura été un digne ambassadeur de l'Algérie et de sa culture, a-t-il estimé. «Une partie de l'identité culturelle nationale repose sur le soufisme», a souligné le conférencier, expliquant que «le soufisme désigne des pratiques touchant à divers aspects de la vie sociale et cultuelle, avec une influence dans des domaines comme l'urbanisme, la musique et les arts». Abordant la confrérie Tidjania, Zaim Khenchelaoui a affirmé que celle-ci a grandement contribué à «renforcer la présence du soufisme algérien dans l'espace africain», et ce, grâce, a-t-il dit, à Sidi Ahmed Tidjani, qui a su tisser un réseau soudé d'adeptes et de disciples, étendre son influence dans des nations aux idiomes différents et convertir d'autres à l'Islam, tout en continuant à être au service de l'homme, indépendamment de son identité et de sa langue. Plusieurs recherches, références et documents d'archives établissent l'expansion remarquable des différentes confréries soufies algériennes, grâce notamment à Sidi Boumediene Chouaib, saint patron de Tlemcen, dont les ramifications d'adeptes s'étendent en Afrique du nord et se prolongent d'Egypte jusqu'en Inde, à Sidi Abderrahmane Al-Thaalibi et à Sidi Mohamed Benyoucef, réputé dans la région du Sahel. Pour M. Khenchelaoui, les confréries soufies algériennes continueront à s'étendre dans l'espace africain et «ne disparaîtront pas, étant principalement au service de l'Homme». Dans ce cadre, il a rappelé la position de l'émir Abdelkader, lorsqu'il «a sauvé 12.000 Chrétiens du Levant, une position humaine mue par les valeurs soufies dont l'émir s'est imprégnées». Khenchelaoui considère qu'il est nécessaire, aujourd'hui, d'investir dans ce créneau afin de renforcer la sécurité et de promouvoir l'image de l'Algérie, pour montrer sa force et son influence en cette conjoncture marquée par la quête identitaire, au vu du rôle pivot de ces confréries qui sont le prolongement spirituel et moral de la culture algérienne. Des savants et des chercheurs algériens et étrangers spécialistes du patrimoine islamique avaient mis en avant, lors du colloque international sur l'Imam Mohamed Ben Abdelkrim Al-Maghili, organisé par l'Algérie en décembre 2022, le rôle pionnier de cet érudit dans la propagation «du véritable islam en Afrique de l'Ouest et dans la région du Sahel », sur la base d'une vision réformiste globale visant à assurer « la gouvernance, la stabilité et l'unité des sociétés africaines». L'Algérie recèle un riche patrimoine religieux et spirituel, fort des grandes confréries soufies, à savoir Tidjania et Kadiria avec plus de 600 millions de mouridine (adeptes) à travers le monde dont plus de 200 millions en Afrique subsaharienne, a écrit le doyen de la Faculté des arts, des lettres et des sciences humaines, Attia Djawid Djar Nabi dans un article intitulé «l'Imam Mohamed Ben Abdelkrim El Moghili: chef de file de la gouvernance, symbole et clef de l'Algérie sur l'Afrique». «Né en Algérie, El Moghili est un célèbre érudit qui a parcouru tout le territoire algérien et certaines régions africaines, réussissant avec sa pensée à conquérir un nombre impressionnant de disciples notamment au Sahel et en Afrique de l'ouest, qui constituent un prolongement naturel de l'Algérie dans l'Afrique profonde», a poursuivi le docteur Attia Djawid Djar Nabi dans son article publié à l'issue des travaux du séminaire. D'autres chercheurs à l'université d'Adrar ont évoqué, en marge des travaux du 11e séminaire du Mawlid Ennabawi Echarif organisé par l'école coranique Malek Ibn Anas du Cheikh Moulay Touhami Ghitaoui, les contributions des savants et oulémas algériens issus notamment de la région de Taouat, dans le renforcement des relations algéro-africaines et leurs apports dans les différents domaines de la pensée et du savoir. Ils ont cité, dans ce sillage, l'érudit Sidi Abderrahmane Tinilani qui, en compagnie de son cheikh Omar Ben Moustafa Regadi, s'était rendu au nord du Mali pour enrichir ses connaissances et s'abreuver aux sources du savoir. Le professeur Belhoutia Mohamed (université d'Adrar) a, quant à lui, mis en avant le rôle des confréries Tidjania, Kadiria et Chikhia en matière de consolidation des liens entre l'Algérie et les pays africains grâce au nombre de mouridine présents partout en Afrique. De son côté, l'universitaire Abid Mohamed (Béchar) a prôné l'utilisation des nouvelles technologies dans la documentation et l'archivage des ouvrages de ces savants, pour les adapter ensuite au cinéma (films documentaires et cinématographiques), en reconnaissance de leurs efforts et sacrifices en vue d'éclairer les esprits des populations africaines.