Cette semaine, c'est aux Etats-Unis et plus précisément à San Francisco que nous vous emmenons pour vous faire visiter la City Lights, une des librairies indépendantes les plus célèbres, si ce n'est la plus réputée, des Etats-Unis. Ici, le charme du vintage et de la belle littérature opère. Il faut dire que le lieu jouit d'une histoire et d'une aura qui le rendent unique. Considérée comme la maison de la « Beat generation », ce mouvement littéraire et artistique majeur des années 1950 aux Etats Unis, la City Lights books n'est ni plus ni moins que le cœur de la vie littéraire San Franciscaine pendant toute la seconde moitié du XXe siècle. Et ce n'est pas par hasard que la librairie s'implante dans la capitale californienne, puisqu'au tournant des années 1950, San Francisco est la ville américaine qui attire les écrivains, artistes et penseurs les plus inventifs du moment. C'est dans ce contexte d'intense émulation intellectuelle que la City Lights voit le jour en 1953 sous l'impulsion de ses fondateurs, qui ne sont autres que les poètes Peter D. Martin et Lawrence Ferlinghetti. Désireux de faire de l'endroit plus qu'un simple bookstore à l'américaine, Martin et Ferlinghetti prennent soin de façonner l'âme du lieu pour lui tailler une réputation à la hauteur de leur passion pour la littérature. Martin soulève la piste de la vente de livres de poche. Il faut savoir qu'à l'époque, n'étant pas considérés comme de la pure littérature, ces derniers étaient vendus dans des épiceries, stations de bus, et même dans des pharmacies. Mus par l'idée que la littérature est bien précieux qui doit être valorisé quel que soit le format et rendu accessible à tous, les fondateurs entreprennent de vendre aussi bien des formats brochés que des formats poche, ce qui constitue un exploit pour l'époque. De cette idée naîtra une deuxième idée, celle d'éditer nombre d'auteurs et de faire aussi de la City Lights une maison d'édition. Quant au lieu lui-même, nous pouvons dire qu'il a évolué proportionnellement à son succès. Ce qui n'était au début qu'une petite pièce en rez-de chaussée est finalement devenu une boutique sur plusieurs étages. La pièce unique qui servait à entreposer les livres au tout début de l'aventure a gardé tout le charme suranné de l'endroit. Les étagères en bois sont remplies à craquer de livres disposés selon un apparent désordre. Impossible depuis les grandes vitrines extérieures, qui arborent fièrement le logo vintage de la marque, de ne pas éprouver de curiosité pour ce lieu dont on pressent la singularité dès le trottoir. En 1953, la petite pièce qui servait de librairie était complétée par des étals extérieurs à la manière de ceux des bouquinistes parisiens que Ferlinghetti connut lors de ses voyages à Paris, où il s'inspira notamment de la Librairie Mistral, devenue par la suite la très célèbre Shakespeare & Co. Profitant d'un succès que les deux créateurs n'imaginaient ni si grand ni si rapide, ils lancent leur première collection de livres de poésie de poche en 1955 à peine, et entreprennent l'agrandissement de la librairie en réaménageant son sous-sol. Propice aux rencontres et à la flânerie, ce nouvel espace a été investi de boîtes aux lettres où l'on pouvait se faire envoyer du courrier ; un coin dédié aux bulletins d'informations diffusait aux visiteurs des offres et annonces en tous genres, de l'achat d'un appartement à la rencontre amoureuse. C'est sans doute à cette intégration du lieu dans la vie quotidienne du quartier que la City Lights doit une partie de son influence, l'autre étant imputable à la liberté dont jouissent les visiteurs, et à certains fidèles célèbres. En effet, l'endroit a vu passer de grandes figures comme Jack Kerouac, Allen Ginsberg ou encore Neal Cassady, qui s'y retrouvaient pour lire, bavarder et se promener. Aujourd'hui, on trouve au sous-sol les ouvrages historiques ainsi que les rayons réservés aux essais et aux sciences sociales. A partir de 1978, plus rien ne semble pouvoir arrêter l'expansion de ce qui n'était jusqu'alors qu'une petite librairie par la taille. La City Lights se dote alors d'une nouvelle pièce principale au rez-de-chaussée. Y sera représentée une large sélection d'auteurs anglais, américains et français ainsi que des magazines, des livres d'art et les publications estampillées City Lights. La réputation de l'enseigne s'accroît notamment du fait d'un grand panel de livres brochés et de poches provenant de multiples maisons d'édition. Dès lors, les visiteurs y trouvent aussi bien les grands best-sellers littéraires que des essais plus rares et pointus. Pour les amateurs de littérature internationale, il faudra se rendre dans la pièce de la librairie qui appartenait à un ancien barbier, et dont les murs ont été rhabillés de phrases signées Ferlinghetti. On peut y lire ainsi quelques invitations à la lecture qui font leur effet : « Laissez de côté votre téléphone et soyez pleinement ici », « Prenez donc un fauteuil et lisez un livre ». Là, vous ne serez pas déçu : Asie, Afrique, Amérique Latine, Moyen-Orient, Caraïbes ou Océanie, tous les continents et endroits du monde sont représentés, pour une évasion garantie. Et le clou du spectacle, ce sera peut-être la poetry room*. Fondée par deux poètes, il ne fallait pas moins à la City Lights que ce coin abritant de nombreuses collections de poésie. Les nombreux événements qui y ont lieu élèvent encore davantage l'âme des lieux : lectures, séances de dédicaces, lancements de livres, c'est là que bat le cœur de la librairie. Quant à la maison d'édition, où se sont bousculées les grandes figures de l'édition américaine pendant près d'un demi-siècle, elle occupe le reste du deuxième étage. Aujourd'hui, City Lights compte plus de cent ouvrages édités en littérature et en poésie, mais aussi des essais politiques qui ont accentué son aura. Des confins du monde, les visiteurs se pressent pour venir goûter au charme d'un lieu décidément bien romanesque et presque toujours ouvert, de 10h à minuit, parce qu'il n'y a pas d'heure pour apprécier la littérature. *poetry room : le coin poésie