Le rôle international que joue l'Algérie, depuis quelque six décennies, dans le développement de l'industrie du gaz est confirmé une fois de plus par la tenue à Alger du 7ème Sommet des chefs d'Etats et de Gouvernements du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF). Il y a plus de cinquante ans, en juin 1974, déjà, Alger avait abrité le quatrième congrès international du gaz naturel liquéfié (GNL-4) pour « parler du présent et de l'avenir de l'industrie du GNL évoquer ses récents développements et échanger des idées et des expériences avec, pour souci, d'assurer davantage la promotion de cette source d'énergie», tel que l'avait présenté, à l'époque, Mustapha Mekerba qui était président de la Commission nationale algérienne du GNL-4 et Directeur de l'Energie et des Carburants, au ministère de l'Industrie et de l'Energie (le ministre était Belaid Abdesselam). C'était la première fois que le congrès international du GNL se tenait dans un pays exportateur, et c'était en Algérie, faisait remarquer Mustapha Mekerba dans un message aux congressistes. Il rappelait que « l'Algérie a déjà organisé diverses manifestations dans l'industrie des hydrocarbures : le colloque international sur le droit pétrolier, le 8ème congrès arabe du pétrole, le séminaire scientifique sur les hydrocarbures ». A propos du GNL, Mustapha Mekerba notait qu'« une rétrospective sur l'histoire du GNL montre avec quelle rapidité cette jeune industrie s'est développée pour faire du gaz naturel liquéfié un produit demandé et apprécié. Si le GNL a pu s'imposer de façon aussi spectaculaire en si peu d'années, cela est dû, certes, à une conjoncture favorable caractérisée par une demande d'énergie sans cesse croissante mais aussi aux avantages de salubrité qu'il présente, répondant ainsi aux lois antipollution de plus en plus strictes dans le monde. La maîtrise grandissante des techniques de liquéfaction et de transport le rendent disponible et utilisable à l'échelle internationale et lui donnent une place de choix parmi les autres sources d'énergie ». En souhaitant la bienvenue aux congressistes (1.500 délégués venant de divers pays), il leur faisait remarquer que, pour leur plaisir, « l'hospitalité connue de l'Algérie, son climat et la beauté de ses sites, ajouteront une note agréable » à la réussite du congrès. Les pionniers Ces informations sont dans le numéro spécial qu'Afrique Asie (mensuel d'analyse politique, économique, sociale et culturelle, centré sur le continent africain et l'Asie) avait consacré, en juin 1974, à cet événement. Grâce au Dr Hocine Bensaad, expert en énergies renouvelables et membre du Conseil national économique, sociale et environnementale (CNESE), qui a « exhumé » ce document exceptionnel, il est possible de prendre connaissance ou de se remémorer cet événement. Un événement dont « personne ne parle de nos jours ! », déplore le Dr. Bensaad. Il rappelle les noms des acteurs de la réussite du GNL-4 : à la co-présidence du Congrès, Sid-Ahmed Ghozali ; le Comité du Congrès était composé de D. Baghli et A. Chanderli ; dans le Comité algérien, le comité technique d'organisation comprenait D. Baghli (Président) et A. Chanderli, S. Guedal, O. Khouani et M. Mazouni ; le président du Comité National d'organisation était M. Mekerba ; sur le plan communication N. Ait Laoussine, A. Kazi Tani, A. Bendani, A. Cherifi, O. Khouani et M. Souidi ont animé les différentes sessions du GNL-4. Première usine de GNL à Arzew Pourquoi le choix d'Alger pour le GNL-4 ? Afrique-Asie répond : « C'est la première fois que la capitale d'un pays du Tiers- monde, producteur de GNL, accueillera ce congrès convoqué pour discuter des importants problèmes posés par le gaz naturel liquéfié. Le choix d'Alger est particulièrement significatif, si l'on songe au combat mené par le Gouvernement algérien, depuis une dizaine d'années, pour libérer entièrement et totalement 1'économie de son pays de toute ingérence étrangère. Choix significatif politiquement, mais, aussi, logique et évident, du fait que l'Algérie sera le premier exportateur mondial de GNL, grâce à ses réalisations actuelles dans le domaine de la liquéfaction du gaz naturel et, notamment, de ses importantes réserves de gaz. » « Du fait, également, qu'elle est le pays à avoir réalisé, à l'échelle industrielle, la première usine de liquéfaction de gaz destinée à l'exportation (Arzew en 1964) », ajoute le magazine. L'apport décisif du Président Boumediène Deux mois avant la tenue du GNL-4, en avril 1974, le Président Houari Boumediène défendait devant l'Assemblée générale extraordinaire de l'ONU, le nouvel ordre économique international, indispensable pour « amorcer concrètement le règlement du problème fondamental qui nous préoccupe », celui du développement. Houari Boumediène militait pour la prise en main par les pays en voie de développement de leurs ressources naturelles, c'est-à-dire la nationalisation de leur exploitation et la maîtrise des mécanismes régissant la fixation de leur prix. Lui-même avait donné l'exemple par la nationalisation des intérêts étrangers en Algérie, la plus spectaculaire étant, le 24 février 1971, la nationalisation à 51 % des sociétés pétrolières françaises et à 100 % des gisements de gaz. Dans le numéro spécial d'Afrique-Asie, son fondateur et directeur, Simon Malley, résumait ainsi la politique algérienne dans le domaine des hydrocarbures : « Récupérer, valoriser, transformer, maîtriser les prix des hydrocarbures, tel fut l'objectif principal d'une politique dynamique, progressiste qui repose sur le principe de l'intégration des hydrocarbures au développement économique national. Une politique qui a inspiré et guidé maints pays producteurs du Tiers-monde. D'abord dans le domaine du pétrole et du gaz. Désormais, dans le domaine des autres matières premières ». Pour l'Algérie, expliquait Simon Malley, « il fallait, enfin, imposer le contrôle de I'Etat sur l'industrie des hydrocarbures en raison de l'importance des réserves pétrolières et gazières du sous-sol algérien et du rôle qu'elle joue dans l'industrialisation générale du pays et la promotion des autres secteurs de l'économie nationale. Il poursuivait : « Mais cette politique d'avant-garde ne s'est pas limitée à la proclamation de principes ou de théories. Dans la pratique, les réalisations de I'Algérie ont été concrètes, impressionnantes, à longue échéance – comme en témoigne le dossier que nous présentons dans ce numéro spécial d'Afrique Asie. » Effectivement, à 50 ans d'intervalle, le numéro spécial GNL-4 d'Afrique Asie (juin 1974) constitue un document d'une grande valeur. Il donne les sources de la stratégie gazière algérienne mise au service du développement national. Son titre en couverture est annonciateur: « Le gaz naturel, énergie de l'économie moderne ». Les malheurs des nations dominées par les intérêts étrangers « Notre expérience, a dit le Président Boumediène, ne tient ni d'un postulat arbitrairement posé ni d'une argumentation théorique quelconque mais des leçons que nous enseigne l'histoire sur les malheurs des nations dominées par les intérêts étrangers », rappelle Simon Malley dans l'éditorial du numéro spécial d'Afrique Asie. En résumé : l'Algérie pays producteur de pétrole et de gaz a choisi d'utiliser ses ressources en hydrocarbures comme l'une des bases de l'édification économique nationale. Il fallait favoriser et accélérer le processus de développement économique et social. En 1974, comme le souligne Afrique Asie, l'Algérie est perçue comme pays pionnier sur la voie de l'émancipation de l'emprise étrangère – et de l'exploitation directe du pétrole et du gaz -. Le rôle de Sonatrach « De ce fait, le champ d'application de la politique énergétique englobe l'ensemble des questions relatives à la production du pétrole et du gaz, à leur valorisation et à leur utilisation au service du développement de l'économie nationale. La genèse de la politique pétrolière algérienne et son développement ne sauraient être compris sans un bref rappel de la situation générale de l'industrie pétrolière dans les premières années de l'indépendance de l'Algérie, à partir de la création de Sonatrach en décembre 1963 », lit-on dans le magazine. Le rappel des étapes du développement de Sonatrach montre les jalons de la mise en œuvre de la politique pétrolière algérienne. « Le rôle joué par la Sonatrach s'ordonne autour de deux grands thèmes : constituer l'outil d'intervention pour le développement de l'industrie pétrolière algérienne; devenir l'un des instruments de la politique industrielle du pays. Sur la base de ces deux principes fondamentaux, Sonatrach, outre le rôle qu'elle a joué dans le développement de l'industrie pétrolière algérienne et dans la prise de contrôle progressif du secteur des hydrocarbures, s'est engagée, en tant qu'agent de la politique industrielle de l'Etat, dans la réalisation d'un vaste programme tendant à promouvoir une utilisation optimale des ressources énergétiques au bénéfice du développement économique et social de l'Algérie ». Afrique Asie nous apprend qu'à l'époque, déjà, en 1974, «la formation est assurée par l'expérience pratique sur le terrain et par les instituts spécialisés, au premier plan desquels figurent I'IAP et l'Institut national des Hydrocarbures. Les effectifs de ces deux instituts s'élevaient respectivement, pour l'année scolaire 1971-1972, à 418 et à 2.093. En plus de l'enseignement dispensé par ces Instituts, l'action de perfectionnement et de promotion du personnel de la société est poursuivie dans le cadre des programmes de formation mis en œuvre par la Sonatrach, soit directement, soit en collaboration avec les instituts nationaux spécialisés, soit, enfin, avec les constructeurs étrangers ». Performance remarquable : « En l'espace de sept ans seulement, la Sonatrach a ainsi pu étendre son contrôle à toutes les phases de l'industrie du pétrole et du gaz en Algérie ». La continuité Cinquante ans après, en 2024, en parlant, récemment, sur les ondes de la Chaîne III, de la politique gazière de son entreprise, entre exploration, exploitation et renouvellement des gisements, le Directeur Central Ressources Nouvelles à la Sonatrach, Khanfar Youcef, a, incidemment, souligné la continuité avec l'œuvre des pionniers de cette entreprise. Il a commencé par rappeler que la souveraineté d'un pays est liée à l'énergie parce que l'énergie est à la base de toutes les industries ; la souveraineté nationale, a-t-il poursuivi, dépend aussi de sa production, et Sonatrach, a-t-il expliqué, garde sa souveraineté sur les plus grands gisements comme Hassi R'Mel et Hassi Messaoud qui donnent presque 45% des hydrocarbures Il a fait observer que Sonatrach investit beaucoup dans la ressource humaine. Youcef Khanfar a rappelé qu'il y a au niveau de Sonatrach, un savoir-faire de 60 ans ; « Sonatrach a ses propres appareils de forage, ses propres ingénieurs dans l'exploration et le développement, elle a développé plusieurs gisements en efforts propres ; 80% des hydrocarbures issus du domaine minier algérien sont en efforts propres ; le partenariat ne contribue qu'à un niveau de 20% », a-t-il souligné. En matière de développement de gisements, Youcef Khanfar a fait observer que Sonatrach va axer ses efforts pour maintenir sa production et répondre aux besoins du marché national et dégager des excédents pour l'exportation ; pour ce faire, un programme d'investissement de 28 milliards de dollars dans la période 2024-2028 et ce montant sera augmenté au-delà de 2028. Youcef Khanfar cite les principaux gisements à développer. Il évoque l'intelligence artificielle qui est entrain d'être introduite dans les secteurs de l'exploration pétrolière en allant vers une part de 70%. Youcef Khanfar évoque les efforts pour verdir l'activité de Sonatrach.