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Débat sur les hydrocarbures en Algérie : Quelles sont, pour l'Algérie horizon 2020, les perspectives des réserves de gaz rentables financièrement?
Publié dans Le Financier le 28 - 08 - 2010


3ème partie et fin
Docteur Abderrahmane MEBTOUL
Expert International (1)
Des avis sur ce sujet, sont parus récemment, mais selon mon point de vue fortement biaisés avec un certain chauvinisme et une euphorie déconnectée de la réalité tant interne de Sonatrach qu'internationale du fait de la forte concurrence au niveau mondial. Lors de l'audience qu'a accordée le président Abdelaziz Bouteflika au ministre de l'Energie et des Mines le 18 aout 2010, la seule indication de cette audience est que la production nationale d'hydrocarbures connaîtra un rythme de croissance, reflétant l'effort d'optimisation de l'exploitation des gisements.
Lors de la conférence internationale tenue à Berlin le 21 mai 2010 ayant pour thème « dialogue énergétique: Russie-UE, aspect gazier », le président de GDF Suez Jean-François Cirelli, l'allemand E.ON Ruhrgas et le président de l'Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas) Domenico Dispenza ont estimé que les accords à long terme sur la livraison de gaz à l ‘Europe doivent pouvoir subir des modifications compte tenu de la conjoncture économique et demandé à Gazprom de baisser le prix du gaz prévu par leur contrat à long terme ou de changer certaines clauses dans les contrats. Or, Gazprom, qui indexait jusqu'ici ses prix sur ceux du pétrole, a accepté de vendre une partie du gaz aux prix spot (à court terme) qui sont environ 25% inférieurs aux prix des contrats à long terme, l'écart pouvant être plus important si le cours du pétrole est élevé et le prix du gaz sur le marché spot reste au niveau de 4 dollars le MBTU. Et selon l'influent quotidien économique espagnol, l'Expansión, en date du 24 mai 2010, l'Espagne demanderait à l'Algérie une révision à la baisse du prix du gaz et paradoxe, c'est l'Algérie qui demandait dans un récent passé un relèvement des prix de cession du gaz à l'Espagne et à Gaz de France, remettant en cause le prix de cession du gazoduc Medgaz, exploité par un consortium composé des groupes espagnols Endesa (12%), Iberdola (20%), Cepsa (20%), du français GDF Suez (12%) et de (Sonatrach (36%). Cela peut par ricochet se répercuter également sur le prix du gazoduc Galsi( Europe via Italie), puisque le projet Nigal dans ces conditions ne sera plus rentable devant relier le Nigeria à l'Europe- via l'Algérie, d' une capacité de 20 à 30 milliards de m3/an destinés en majorité au marché européen, où selon l'étude de faisabilité confiée à la société britannique Penspen/IPA le projet pour se matérialiser coûtera plus 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars, sans compter la résolution de certains conflits frontaliers . Et les contrats annoncés pour 2012 de l'Algérie avec la Turquie pays émergent à fortes potentialités, sont encore plus problématiques( quel prix de cession ) car dans la pratique des affaires il n' y a pas de sentiments, la Turquie ayant favorisé récemment l'accès des terminaux venant de la Russie traversant son territoire et ayant une stratégie agressive vers les pays pétroliers et gaziers du Moyen Orient. Le groupe Sonatrach a annoncé qu'il négociait actuellement des contrats de livraisons à long terme de GNL avec quelques pays asiatiques. Or, pour le cas Asie, il s ‘agit de prendre en compte la concurrence des pays d'Afrique et surtout de l'Iran qui avec les tensions géo- politiques a besoin de financement et surtout pour le GNL du Qatar qui avec des complexes d'une capacité presque du double à ceux de l'Algérie (importantes économies d' échelle) et sa proximité géographique avec l'Asie ( réduction du coût de transport) , d'où d'ailleurs sa réticence à la réunion à Oran du 19/21 avril 2010 avec la Russie de refuser de réduire l'offre, l'Algérie devant contourner toute la corniche d'Afrique pour arriver à l'Asie. Cela est important pour l'Algérie puisque le gaz (GN et GNL) représente environ un tiers (1/3) de la valeur en devises de ses exportations, et qui devait représenter beaucoup plus à l'avenir avec l'épuisement du pétrole. Or, le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL ( le Department of Energy ayant revu à la baisse sa prévision de demande de GNL de plus de 60 % à l'horizon 2020; d'où le gel voire l'abandon de plusieurs projets de regazéification), les USA selon certaines prospectives devant devenir exportateur net de gaz horizon 2018. Cela va modifier la donne au plan mondial et la mise sur le marché de capacités additionnelles de liquéfaction (57 Gm3) et de regazéification (260 Gm3) entre 2009 et 2013, ces surcapacités ne conduiront-ils pas à des taux d'utilisation très faibles des terminaux d'importation GNL avec comme résultat dans les prochaines années l'offre de GNL surpassant fortement la demande gazière globale, aura pour conséquence une pression accrue sur les prix. Selon Cedigaz, dans son rapport de décembre 2009, la mise sur le marché d'une offre disponible supérieure de 100 Gm3 ces deux dernières années, combinée à une forte réduction de la demande, rallongerait jusqu'à 2015-2016 la période actuelle de bulle gazière. Face à cette situation, où le prix de cession du million de BTU est d'environ 4 dollars pour le gaz non conventionnel, réduction des coûts de plus de 40% permis grâce à la nouvelle technique au forage horizontal, avec la prise en compte de l'entrée croissante dans le marché du gaz de nombreux pays en Afrique et en Amérique latine concernant le gaz conventionnel, sans compter les nombreux projets de canalisation à travers le monde notamment vers l'Asie et les Balkans, se pose alors la question : quelle place de Sonatrach dans cet échiquier stratégique mondial et de la rentabilité des installations tant par canalisation que du gaz naturel liquéfié alors que la rentabilité du GNL ? Ce d'autant plus que les contrats à moyen terme expire dans leur majorité entre 2012/2013.
En résumé, il est utile de préciser que la politique économique a été constante sans changements notables des différents gouvernements depuis 1974 à 2010, intensifier les exportations des hydrocarbures à l'état brut ou semi brut, certes avec des finalités différentes, industries ou infrastructures clefs en main , solution de facilité, sans s‘attaquer à la gouvernance et à la valorisation du savoir fondement véritable du développement, l'économie algérienne étant une économie fondamentalement rentière, les indicateurs macro-économiques, macro-financiers et macro-sociaux certes positifs , étant fortement biaisés car résultante de cette rente et non d'une bonne gouvernance, du travail et de l'intelligence . La problématique centrale est comment passer d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures. Et si ces prévisions s'avèrent fondées que deviendront les générations futures, dans moins de 20 ans, sans que l'on ait préparé l'après hydrocarbures ? Il y va de la responsabilité des gouvernants, car posant la problématique de la sécurité nationale.
Mail- [email protected]
NB- je tiens à remercier vivement certains collègues professeurs d'université et des amis cadres du secteur hydrocarbures d'avoir bien voulu relire ce texte. Cependant, je suis le seul responsable de la teneur. Toute reproduction sans citer le nom de l'auteur est interdite. Docteur Abderrahmane MEBTOUL ayant effectué la majorité de ses études en France ( Lille) est docteur d'Etat en sciences économiques ( 1974) Professeur d'Université en management stratégique –Algérie - conseiller et directeur d'études des Ministères industries énergie 1974/1980- 1990/1996-2000/2006 –Ayant dirigé plusieurs audits sur Sonatrach et auteur de nombreux ouvrages et contributions au niveau de revues internationales spécialisées sur le secteur des hydrocarbures en Algérie face aux mutations mondiales.


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